(Décentraliser la Plateforme des religieux pour plus d’impact communautaire)
La Planification familiale (Pf) occupant une place importante dans la marche vers le développement et surtout dans la réalisation du dividende démographique, elle a besoin de l’adhésion de tous mais surtout de l’onction religieuse. Si, il y a quelques années, des contraintes d’ordre religieux justifiaient en partie, le faible taux de prévalence contraceptive du Bénin, aujourd’hui, ces barrières religieuses sont simplement en passe d’être définitivement levées. Avec des actions stratégiques affinées à la Plateforme «Les religieux s’engagent pour la PF», la lueur d’espoir pointe à l’horizon. Et la décentralisation de cette plateforme ne fera que lever davantage les obstacles…
«Dieu a demandé d’aller nous multiplier, de procréer mais Dieu ne nous a pas dit de procréer en désordre. Il ne nous a pas dit de déborder la terre. Si vous débordez la terre, vous irez vivre dans les eaux » a déclaré le Pasteur Amos Agbindo-Bankolé de l’Eglise protestante méthodiste du Bénin (Epmb), 1er chargé à la formation et à la mobilisation sociale de la Plateforme “ Les religieux s’engagent pour la Pf“ et coordonnateur du sous-projet de l’Epmb dans le cadre de la PF. Et à l’Imam Inoussa Izi Chérif de la mosquée centrale de Cococodji, Trésorier général de la Plateforme “ Les religieux s’engagent pour la PF“ d’ajouter « le Prophète Mohamed Saw est l’un des initiateurs même du planning familial puisqu’en son temps, ses compagnons étaient allés le voir pour lui signifier que leurs femmes venaient de tomber enceinte alors qu’elles allaitaient déjà un nouveau-né. Le prophète leur avait conseillé de faire ce qu’on appelle » al ’Azl » qui est le coït interrompu». Quant à l’imam de la mosquée centrale de la commune de Tori-Bossito, Abdul Razack Djekinnou, il affirme « lorsque le fidèle ne cesse de faire des enfants et qu’il manque de moyens pour en prendre soin, il faut se demander ce que deviendront ces enfants ? ». Autant d’affirmations de leaders religieux qui démontrent combien la nécessité de faire de la Planification, est une priorité comprise de toutes les confessions religieuses au Bénin.
L’espacement des naissances soutenu par les méthodes modernes de planification familiale (Pf) n’est pas en contradiction avec les prescriptions religieuses selon des leaders religieux qui expriment leur adhésion à la promotion, la vulgarisation desdites méthodes dont la prévalence au Bénin est encore faible. Mais pourquoi ce rejet des méthodes contraceptives au départ par les religions ? « C’était parce que nous n’avions pas la bonne information en son temps. Car ce qui se disait était que lorsque vous vous mettez sous contraception, vous ne pouvez plus concevoir. Mais si la contraception t’empêche seulement de tomber enceinte pendant deux ou trois ans, je crois que la Religion ne peut pas être contre » nous répond l’imam Razack Djekinnou. Même réponse du côté de l’Imam Inoussa Izi Chèrif qui affirme que les musulmans ont pensé très tôt à une limitation des naissances. « En Islam, ce que nous entendons par Planification familiale, c’est l’organisation et l’espacement des naissances » fit-il entendre. Ainsi, ce n’est plus désormais un fait nouveau de voir ces leaders religieux sensibiliser les fidèles sur la nécessité de recourir aux méthodes contraceptives lors des séances de prières de dimanche à l’église, vendredi à la mosquée, lors des baptêmes, mariages, et autres occasions qui s’y prêtent. D’ailleurs, il n’y a jamais eu, selon les propos du Pasteur Amos Bankolé, des difficultés à faire adhérer les femmes à la PF au niveau de l’Eglise protestante méthodiste du Bénin. « Nous n’avons pas de difficultés à vulgariser la planification familiale. L’Epmb, est la première église au Dahomey. Le Président Henry a été l’initiateur de la Planification familiale au Dahomey depuis 1969. Il œuvrait pour la planification des naissances et non la limitation des naissances et les travaux se font davantage au sein des couples en vue d’une meilleure conscientisation. L’Epmb est dans un système de l’œcuménisme. Et depuis 2013, nous avons commencé par travailler sur la PF avec l’Abms/Psi » a confié le Pasteur Amos Bankolé. Tout en se réjouissant du chemin parcouru en ce qui concerne l’adhésion des confessions religieuses à la Planification familiale, Dr Gaston Ahounou, Chef service PF à la Dsme/Ministère de la santé reconnaît que les leaders religieux avaient compris l’enjeu et y travaillent depuis un moment. « Les religieux mêmes avaient déjà commencé par comprendre et ils se sont mis ensemble pour chercher les différents versets coraniques et bibliques qui, au contraire, parlent de la contraception. Nous avons bénéficié de l’appui H+ Solution qui était une équipe du Ghana et qui, dans le cadre du Partenariat de Ouagadougou, était venue nous appuyer pour qu’on puisse profiter des travaux qu’ont fait les grands pays musulmans comme la Mauritanie et des pays où il y a aussi beaucoup d’églises. Là, ils avaient déjà extrait ces versets bibliques et coraniques qui approuvaient les méthodes contraceptives. Nous avons fait ce même travail avec nos religieux qui, sur la base de ce que les autres ont fait, ont même trouvé d’autres versets pour convaincre les autres religieux que la contraception n’est pas interdite par Dieu » martèle Dr Ahounou. La PF semble déjà avoir l’onction religieuse au Bénin. Car, toutes les confessions religieuses dialoguent désormais dans un même creuset…
Plateforme « Les religieux s’engagent pour la PF » : Une action forte et inédite !
Derrière le stade de l’amitié Général Mathieu Kérékou, précisément au centre “Sêyon“, se réunissent les dignitaires des religions endogènes, les imams, les pasteurs, prêtres, tous membres de la Plateforme « Les religieux s’engagent pour la Planification familiale ». Une plateforme née de la fusion de quinze (15) associations religieuses. Tous ces leaders religieux provenant des sept (07) confessions religieuses ont perçu l’espacement des naissances comme la stratégie appropriée pour contribuer de manière significative, à l’amélioration des indicateurs de développement socio-économique au Bénin. « La plateforme est une belle initiative et constitue une preuve de ce que les barrières entre les confessions religieuses peuvent s’estomper lorsqu’il s’agit d’agir pour le progrès de l’humanité. Trois grandes religions à savoir les religions endogènes, l’Islam, et le Christianisme ont été considérées pour la mise sur pied de la plateforme » s’est réjoui le Pasteur Amos Bankolé. « … Nous avons mis en œuvre avec l’ambassade des Pays-Bas et l’appui technique de l’Abms/PSI, le projet “Les religieux s’engagent“. Un projet qui a pris en compte toutes les sept (07) confessions religieuses que nous avons dans le pays. Donc, avec ce projet, l’objectif était de changer la mentalité des religieux au sujet de la Planification familiale. Mais nous sommes même allés au-delà puisqu’ils ont commencé même par offrir les services de Planification familiale dans leurs centres de santé confessionnels. Et ceux qui n’avaient pas de centres de santé se référaient aux structures sanitaires avoisinantes. Cela a permis même en trois ans, d’enregistrer 4250 nouvelles acceptantes de la PF. Cela nous a permis alors d’aller plus loin et de mettre en place une plateforme qu’on appelle la “Plateforme des religieux engagés dans la santé de la reproduction“ évoque Dr Gaston Ahounou. En effet, ladite plateforme vise à servir d’interface d’échanges entre les leaders religieux, le Gouvernement béninois, et les différents Partenaires techniques et financiers du Bénin intervenant dans le domaine de la santé notamment la PF. Elle a pour mission d’œuvrer à l’instauration d’une synergie d’actions entre les leaders religieux afin de garantir l’efficacité des interventions dans le domaine de la santé aux côtés du Gouvernement. Ceci vient consolider l’engagement des leaders de toute confession religieuse à agir dans les couvents, les temples, pour une meilleure synergie dans la promotion de la planification familiale et la lutte contre le mariage des enfants. « Il faut que les morts en couche diminuent, que la délinquance juvénile soit éradiquée, que la femme soit soulagée. Chacun doit s’imposer une discipline responsable pour que les enfants qui découlent des unions soient des enfants sur lesquels la nation peut compter ainsi que les parents. La PF n’est pas un passeport pour la prostitution, la débauche » a lancé le pasteur Amos Agbindo-Bankolé.
La Décentralisation de la plateforme des religieux : le défi pour maximiser l’impact !
Les barrières religieuses, pourront s’estomper définitivement avec la décentralisation de la Plateforme “Les religieux s’engagent pour la Pf“. L’extension des actions de la Plateforme au niveau des communautés permettra aux leaders des confessions religieuses de mieux contribuer au bien-être et mieux-vivre des populations par le biais de la Planification familiale. Toute chose qui permettrait de maximiser l’impact surtout au niveau communautaire. Cependant, de nos investigations auprès de la Plateforme, aucune initiative n’a été encore prise dans ce sens mais il est plus que jamais temps d’y penser. « La plateforme n’est pas décentralisée mais nous y pensons. Pour le moment, je ne saurais en parler » a confié le Révérend Nazaire Hounkpadodé, Président de la plateforme des religieux. Même son de cloche du côté de l’Imam Inoussa Izi qui estime que le bureau de la plateforme est conscient de la nécessité de disposer des coordinations au niveau communal afin de mieux atteindre les cibles. « Moi, c’est par le biais du président des imams de l’Atlantique que nous participons aux activités de la plateforme. Il faut que chaque commune dispose d’une coordination dotée d’un budget pour mener des activités en faveur de la PF. Cela permettra d’enregistrer un nombre important de nouvelles acceptantes. D’ailleurs, la concurrence pourrait prendre corps entre les coordinations de chaque commune. Chaque commune voudra réaliser le meilleur résultat et comme cela, c’est davantage rassurant. Ce qui se fait déjà est appréciable mais si on peut aller vers des structures décentralisées à l’échelle communale, ce serait davantage bénéfique pour tous » a lancé Abdul Razack Djekinnou, imam de la mosquée centrale de la commune de Tori-Bossito. Etant donné que l’aspect « proximité » reste un atout indispensable pour faire adhérer de nouvelles utilisatrices des méthodes contraceptives, on s’acheminerait vers des statistiques satisfaisantes lorsque la politique de décentralisation de la plateforme est bien ficelée. Les rencontres de la Plateforme ne doivent donc plus se limiter à Cotonou précisément au centre “Sêyon“, derrière le stade de l’amitié Général Mathieu Kérékou. Il faut désormais étendre l’initiative au niveau local dans l’optique de maximiser l’impact.
Aziz BADAROU