Transmission de la décision de poursuite d’anciens ministres à la CRIET : Une provocation juridique d’abus de procédure

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Jamais la Constitution du 11 décembre 1990 n’a été aussi éprouvée  de façon cavalière par des procédures tout aussi curieuses que vengeresses à travers la correspondance du Garde des Sceaux du Bénin pour ordre adressée par le Secrétaire Général de son ministère au Procureur Spécial près la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme. L’instruction  donnée est que le Procureur Spécial se rapproche  « immédiatement » du Procureur Général près la Cour d’Appel de Cotonou  aux fins de prendre connaissance des décisions de poursuite de quatre (04) ministres et de non poursuite d’un ministre. Il s’agit  là du débarquement d’un invité sans carte  (1) pour trouble à l’ordonnancement constitutionnel (2)

 

1. La CRIET, une invitée sans carte ;

 

La Criet, c’est la Cour de répression des Infractions Economiques et du Terrorisme. Elle a été créée récemment par la Loi 2018-13 modifiant et complétant la loi N°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin et  création de la CRIET. La correspondance en date du 21 septembre 2018 du  Secrétaire Général  du Ministère de la Justice agissant pour ordre du Grade des Sceaux, est une invitation  faite au Procureur Spécial de s’enquérir des dossiers de poursuite pour en faire «  ses dossiers ».  Il se pose trois considérants  à cette invitation au forceps. Le premier est relatif à la qualité des auteurs poursuivis ; le deuxième  à la nature des faits supposés et  le troisième, à la compétence du Procureur Spécial.

 Les auteurs autorisés  par les députés de la Majorité à l’Assemblée Nationale  pour  être poursuivis sont   d’anciens ministres du gouvernement du régime  du Président Boni Yayi. Les faits supposés délictuels sont commis pendant ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Ces faits  ont  un caractère plus financier qu’économique, si l’on s’en tient au  rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale.

La nuance entre Infractions financières et infractions économiques n’est pas négligeable suivant qu’on soit rigoureux ou complaisant.

 La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) est, conformément à l’article 5 de la loi qui la crée, une cour pénale spéciale chargée de la répression du crime de terrorisme, des infractions à caractère économique telles que prévues par la législation pénale en vigueur ainsi que de la répression du trafic de stupéfiants et des infractions connexes. Elle a une compétence nationale et siège à Cotonou. La procédure suivie devant elle est stricte, notamment en ce qui concerne l’instruction des affaires. En effet, la Criet est accompagnée dans sa mission par une commission d’instruction composée d’un président et de deux magistrats en fonction ou à la retraite. Cette commission est chargée de l’instruction des affaires relevant de ses  compétences dans les conditions prévues par la loi. Sommes-nous dans le cas d’espèce  lorsqu’il s’agit de faits financiers reprochés à des Ministres au regard de notre bloc de constitutionnalité ?

 

2. Un trouble à l’ordonnancement constitutionnel

 

La Constitution du 11 décembre 1990, la loi des lois, celle qui est au-dessus de toutes a fait de l’Assemblée Nationale, le seul organe de poursuite des Ministres pour les faits supposés commis par eux à l’occasion de l’exercice de leurs fonction. Les sanctions devront être prononcées  au regard des lois pénales en vigueur au moment des faits. Aux termes de l’article 137 alinéa 2 de la Constitution repris par les articles 15.1 et 15.2 de la loi organique de la Haute Cour de Justice, la décision de poursuite puis la mise en accusation constituent des prérogatives de l’Assemblée Nationale. L’Assemblée Nationale est donc le seul organe de poursuite. L’ouverture de l’instruction ne se fait pas ailleurs ou par une juridiction fraîchement créée par la loi  comme la CRIET. En effet, le vote de la décision de poursuite enclenche l’ouverture d’une instruction menée par les magistrats de la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel de Cotonou ( elle a pour ressort territorial les départements du Littoral, de l’Atlantique , de l’Ouémé et du Plateau)  ayant juridiction sur le siège de l’Assemblée Nationale et qui constitue la chambre d’instruction  de la Haute Cour de Justice. Sortir de ce schéma, c’est abuser de la procédure d’ouverture de l’instruction et par conséquent ouvrir un front de provocation juridique.

En somme, la nouvelle Cour chargée de réprimer des crimes économiques (non financiers !) devrait rapidement découvrir la limite de sa compétence juridictionnelle  en matière d’instruction de dossiers concernant d’anciens ministres afin de ne point  froisser la constitution du 11 décembre 1990 dont la révision reste un cauchemar pour tous ceux qui ont tenté l’aventure.

 

Herbert de Saint Tauyé HOUNGNIBO

Juri-Journaliste

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