Mise en place depuis quelques semaines, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) est fortement critiquée dans l’opinion. Elle est vue comme une machine créée pour broyer les opposants. Or, certains choix pourraient améliorer l’image de cette juridiction d’exception.
La cour pénale spéciale est-elle un monstre dont la vocation est de réduire les opposants au silence? Beaucoup s’interrogent sur les objections de cette juridiction depuis son installation le 27 août 2017. Et les premières actions de la Criet confirment bien les craintes des populations. En effet, aussitôt créée, ses premiers clients politiques sont des opposants. L’homme d’affaires Sébastien Ajavon a été convoqué par cette cour dans une affaire de cocaïne. Des anciens ministres et députés, aujourd’hui opposants au régime de la Rupture, pourraient également s’expliquer devant la même Cour. Alors qu’il y a de lourds soupçons de mauvaise gestion contre des collaborateurs du président Talon, les opposants sont visiblement, pour le moment, les seuls gros clients de la Criet. Outre cette critique, plusieurs spécialistes du droit trouvent que cette Cour constitue une aberration dans une démocratie. Pour eux, le Bénin n’est pas en guerre. Il n’est pas non plus confrontéà de grands problèmes d’insécurité. Une Cour d’exception pose donc de véritables problèmes. Par ailleurs, la Criet qui connait de graves infractions n’offre pas un double degré de juridiction aux accusés. Les décisions de la Criet sont donc incontestables. Une vraie anomalie puisque les droits de la défense ne sont pas bien garantis. « Lorsque vous lisez la loi 2018-13 du 02 juillet 2018, vous verrez très bien que c’est une cour rétrograde. Cette Cour n’a pas sa place dans un pays démocratique. L’article 12 nous dit par exemple qu’il n’y a pas de recours ordinaire… L’article 15 dit qu’on peut faire de perquisition au domicile d’une personne mise en cause sans son consentement… C’est inadmissible», a déclaré l’Agrégé de droit privé, Barnabé Gbago dans une interview accordée à Bénin Web Tv. C’est dire que cette cour ne rassure pas du tout. Et, à défaut de voir disparaître totalement son caractère d’exception, il est indispensable que cette nouvelle juridiction subisse déjà quelques réformes. L’Exécutif qui a fait feu de tout bois pour faire adopter la création de la Criet devrait pouvoir gagner un peu en crédibilité auprès de la population en la rassurant. Pour ce faire, la loi 2018-13 du 02 juillet 2018 devrait être relue. Il faudra offrir des conditions acceptables de procès aux accusés. En effet, le choix des magistrats fait partie aussi des craintes des certains observateurs avertis. Et pour cause, certains magistrats dont le travail dans les juridictions ordinaires est déjà contesté dans l’opinion, ont retrouvé de nouvelles charges au sein de la nouvelle juridiction parce que nommés en Conseil des ministres. Pour ces observateurs, cela ne garantit ni la crédibilité ni l’indépendance de la nouvelle Cour. A l’instar de ce qui ce fait pour le compte du Conseil national de l’éducation (Cne), il est à souhaiter que les magistrats soient choisis par un appel à candidatures avec des critères bien définis. Même si la nomination suite à une sélection rigoureuse dirigée par un jury indépendant n’est pas la panacée, cela pourrait soigner l’image de la Criet. Aussi, cela contribuerait-il à réduire théoriquement l’immixtion tant décriée de l’Exécutif dans le judiciaire. Et si on y allait, maintenant et tout de suite pendant que la majorité confortable est encore maîtrisable au Parlement?
Mike MAHOUNA