(Ça sent de l’appât aux étudiants pour 2019)
Ballon d’essai pour certains, rumeurs et intoxications pour d’autres. Bref, l’une des grosses actualités ces dernières semaines au Bénin, est l’augmentation ou non des frais d’inscription et de formation dans les universités publiques. Sur plusieurs jours, ça a jasé sur la toile et dans l’opinion publique, avec des commentaires pas du tout en faveur du gouvernement de la Rupture. Qui pour dire que les dirigeants actuels font du régionalisme, qui d’autre pour dire qu’il fait de l’exclusion par rapport aux enfants de pauvres tant les conditions d’inscription seraient désormais corsées. Du côté du Pouvoir, notamment du ministère en charge du secteur, les démentis et clarifications à travers des communiqués sur les réseaux sociaux et des émissions télévisées n’auront pas été à la hauteur de tout ce qui se véhiculait. Mais depuis 72 heures, quand on observe bien toute la communication qui a suivi le message de la ministre de l’Enseignement supérieur, prononcé en cette veille de la rentrée académique 2018-2019 fixée au 15 octobre, on peut, a priori, dire que le gouvernement a réussi à trouver le bon bout lui permettant de renverser la tendance. En effet, dans son adresse, Marie Odile Atanasso a joué sur un maillon important, qui en réalité n’est qu’un jeu de mots. « De même, le Gouvernement a décidé de maintenir le statu quo sur les droits d’inscription et de formation dans les universités nationales. Par conséquent, il n’y a ni retour des frais d’inscription, ni augmentation des frais de formation dans les universités nationales au titre de l’année académique 2018-2019 », a-t-elle rassuré. Mais, en français facile, que veut dire au juste la ministre ? En tout cas, dans le relai de l’information, dans des revues de presse et émissions interactives, c’est la ‘’gratuité’’ qu’on semble saluer alors que depuis 2016, les nouveaux dirigeants ont tourné déjà cette page irréversible en fixant de nouveaux tarifs d’inscription à partir de la rentrée académique 2017-2018. C’est du maintien de ces frais tel quel, que parle Marie Odile Atanasso. Normalement, toute la sortie de Madame Atanasso se résume à cette séquence. C’est l’essentiel du message qui l’a poussée à sortir. Mais qu’est-ce qui pourrait justifier le long développement qui a suivi avec une étude comparée de réalisations sous Yayi Boni et sous l’actuel chef de l’Etat, Patrice Talon ?
Décision politique pour appâter l’électorat
C’est justement à ce niveau qu’il est difficile de ne pas voir l’aspect politique de cette sortie, au-delà d’une sortie pour démentir une rumeur. D’abord, à bien lire entre les lignes, on sent que le gouvernement Talon a pris la décision de ‘’maintien au statu quo’’ malgré lui. Ce fut douloureux, et selon les gouvernants actuels, il est inconcevable qu’on veuille prendre comme modèle ce qui a été fait par Yayi Boni et faire obstacle aux réformes d’augmentation des frais d’inscription dans lesquelles le gouvernement du Nouveau départ s’est engagé mais souvent freiné dans son élan. Le contexte ne s’y prête pas trop sinon, le gouvernement Talon allait foncer puisqu’on sent à travers cette sortie, que l’idée d’augmenter les frais d’inscription et de formation dans les universités publiques est là. En octobre 2017, Marie Odile Atanasso avait justifié la nécessité de cette réforme. Entre autres, elle avait fait savoir que l’objectif est de se conformer aux normes communautaires de l’Union économique et monétaire Ouest-africaine (Uemoa), en la matière, étant donné que des Etats membres de l’Uemoa, réunis à Ouagadougou en 2004, ont recommandé un relèvement substantiel des frais d’inscription à l’université, devant demeurer dans une fourchette pour tous les étudiants ressortissants de l’Uemoa, et souhaité que ces frais de scolarité puissent répondre aux exigences d’un enseignement supérieur de qualité et aux coûts réels de la formation académique et professionnelle. Ceci fait partie des recommandations aux problèmes de libre circulation et d’harmonisation des curricula Lmd dans les universités publiques de l’espace Uemoa, avait-elle renchéri. A en croire la ministre de l’Enseignement supérieur qui a semblé abandonner le mobile Uemoa avancé l’an dernier, le contexte social national actuel fait que le gouvernement ne pourra pas accéder à la demande des responsables des Universités publiques qui veulent la réinstauration des frais d’inscription, voire leur augmentation pour compenser le déficit important constaté. Si l’on s’en tient à l’argumentaire, l’on est tenté de saluer la clairvoyance du gouvernement qui montre combien il est à l’écoute de la jeunesse et sait reculer quand il le faut. Et pourtant, c’est ce même gouvernement qui l’an dernier a fait avaler la pilule des frais d’inscription aux étudiants quand bien même le contexte ne s’y prêtait pas trop aussi. A l’instar des décisions sur les plaques d’immatriculation des motos, sur la taxation des Mo, le gouvernement fléchit. Il n’y a pas à aller de midi à quatorze heures pour comprendre ces reculades. 2019 se joue maintenant. Et qui voyage loin ménage sa monture. La moindre tension entretenue dans l’opinion, particulièrement au sein de la jeunesse et récupérer par le camp d’en face risque d’être fatale. En prenant une telle mesure avec la forte dose de communication qui a suivi, pour démontrer que Patrice Talon mérite le prix Nobel du social, ce n’est pas anodin. Le gouvernement connaît la force de frappe des étudiants et veut les ménager le temps pour lui de négocier ce virage à haut risque pour les aller aux Législatives. Passée l’élection, les étudiants doivent s’attendre désormais à tout. Et le ton a été donné en filigrane par la ministre dans son message : « Mais, tenant compte du contexte social national, et en attendant la réflexion prospective sur l’avenir de nos universités et leur gouvernance, sous l’impulsion du Conseil National de l’Education dont le processus d’installation est en voie d’achèvement,… ». Le temps que tout ceci ne se mette en place donc. Et pourtant le Pouvoir de Patrice Talon qui montre sa détermination à investir dans le Supérieur peut continuer sur cette lancée en mettant en place les mécanismes pour payer les subventions. Ce qui lui permettrait d’aller au-delà de cette année 2018-2019. En lisant ce qui suit, on sent la possibilité de tenir au-delà de cette seule année académique. « …le Gouvernement a retenu que les efforts d’investissements de l’Etat seront maintenus et soutenus, pour améliorer le cadre de vie et d’études des apprenants dans lesdites universités. (…) C’est pourquoi, les subventions seront accordées aux Universités nationales dans les mêmes conditions que l’année précédente, avec une possibilité d’augmentation, si les demandes exprimées par les rectorats sont justifiées ». Assurer au-delà de cette période à enjeux, c’est aussi battre en brèche toute analyse tendant à dire que la décision est hautement politique.
Worou BORO