(De la poudre aux yeux des Béninois à la veille des élections)
Des posters géants à l’effigie du chef de l’Etat aux grands carrefours de la ville de Cotonou hier. L‘initiative porte la marque d’un groupe de jeunes entrepreneurs qui célèbrent ainsi les 1000 « glorieux » jours de Patrice Talon à la tête de l’Etat. Cela a surpris plus d’un. Particulièrement des conducteurs de taxi-moto qui seraient très remontés, eux qui traversent une disette quotidienne depuis l’avènement du régime de la rupture. Sur les réseaux aussi, l’indignation est totale. Pour certains, Patrice Talon doit taper du poing sur la table, condamner ces pratiques de propagande et de culte de la personnalité décriées sous l’ancien régime. Et Vlan ! Un communiqué de la Présidence signé de Pascal Irénée Koupaki condamnant le fait est rendu public. Le texte parle d’une initiative assimilable au culte de la personnalité, contraire à la démarche du président de la république qui s’emploie à exercer ses fonctions avec humilité depuis son investiture le 06 avril 2016. Mais quand on sait que les positions de Patrice Talon sur le sujet évoluent à géométrie variable, on est tenté de demander de quelle démarche parle-t-on dans ce communiqué ? Celle avant le 06 avril 2016 ou celle de 2017 après l’échec de la tentative de révision de la Constitution ?
Y a-t-il une suite logique dans les positions que défend le chantre du Nouveau départ et de la rupture ? Ses valeurs ne fluctuent-elles pas au gré des circonstances ? A bien analyser la situation, le problème n’est pas l’initiative des jeunes entrepreneurs mais le communiqué de la Présidence de la République. C’est dans ce pays que les gens ont marché pour la gloire du chef de l‘Etat. Le Prd a donné le top à Porto-Novo et la fièvre a embrasé tout le pays. En ce moment, on avait attendu en vain une réaction du Palais. Evidemment, c’était au lendemain de l’échec de la révision de la Constitution. Le discours n’était plus le même. Le chef de l’Etat qui ne s’attendait pars à un tel camouflet a semblé remettre en cause les valeurs prônées lors de la campagne présidentielle de 2016 où il avait clamé son aversion pour les pratiques propagandistes et du culte de la personnalité. C’est en ce moment qu’on a entendu « j’aviserai », s’agissant de sa volonté de ne faire qu’un seul mandat. En visite au Vatican, lors d’une interview accordée à radio Vatican, Patrice Talon a encore évolué dans sa position. Le « j’aviserai » est devenu « plus question de mandat unique, étant donné que la révision n’a pas abouti ». Sur la question des marches de soutien, sa position aussi a évolué. Au micro de radio Vatican, le chef de l’Etat a évoqué l’absence de loi qui interdit cette pratique pour soutenir l’argument selon lequel « tout ce qui n’est pas interdit par la loi est autorisé. « On ne peut pas empêcher les gens de manifester ou d’exprimer leur sentiment. (…) Il est difficile de dire à ceux qui approuvent mon action de ne pas le faire », avait-il dit au micro de radio Vatican.
Quand on suit cette logique, on ne peut alors rien reprocher à ceux qui ont placé des posters géants du chef de l’Etat à certains grands carrefours de la ville. Bien au contraire, ils n’ont fait que suivre la fluctuation des valeurs défendues au sommet de l’Etat. De ce point de vue, à moins que ce ne soit pour amuser la galerie, on peut se demander dans quelle logique s’inscrit le communiqué de Pascal Irénée Koupaki. On ne peut plus parler de valeur d’humilité du chef de l’Etat quand on a laissé les gens marcher pour soutenir le régime sans réagir. Ce revirement ne répond à aucune logique si ce n’est appâter les populations dans la perspective des prochaines législatives.Surtout qu’hier beaucoup de Béninois étaient révoltés à la vue des affiches.
Worou BORO