(Une interrogation et une analyse du Prof Désiré Baloubi)
La joie, fut-elle profonde ou superficielle, des populations de nos villes et campagnes chaque 1er Août au Bénin, est légitime et se comprend aisément. Néanmoins, ce qui peut s’expliquer mais qui ne se justifie guère c’est l’attentisme dans lequel nous, élites, végétons dans la toute ridicule illusion qu’un miracle se produira un jour pour libérer nos peuples du carcan d’étouffement qui freine leur progrès presqu’au quotidien. Alors, je sais infiniment gré aux initiateurs de la vision notre Langue, notre Monnaie et notre Armée (LMA) et toutes les organisations de par le monde qui tentent d’éveiller nos consciences pour nous engager dans des œuvres concrètes qui nous aident à rompre définitivement les chaînes qui nous ligotent dans une dépendance qui semble hélas se pérenniser.
Compatriotes béninoises et béninois, célébrons notre 1er Août autrement dorénavant! C’est dans ce sens que je clame haut et fort ma profonde conviction que la Rupture aura fait œuvre utile en inscrivant la question de la langue et culture en lettres dorées en tête de liste ou parmi les réformes prioritaires à opérer en faveur du développement et de la libération du génie créateur de la jeunesse en particulier ainsi que de celui du peuple béninois tout entier. De telles préoccupations qui sont évidentes et foisonnent désormais à peu près partout en Afrique illustrent magistralement la vision LMA que je soutiens personnellement à plus d’un titre. Je suis linguiste, je suis africain et je crois au panafricanisme qui est une force inouïe qui propulsera notre continent au sommet de l’échelle des valeurs parmi les cinq premières puissances mondiales.
Certes, nombreux sont ceux qui balbutient quand il s’agit de corroborer le lien entre langue et développement. C’est pourquoi je félicite et encourage quiconque ose emboucher sa flûte pour ébaucher un argumentaire irréfutable dans cet exercice d’éducation et de persuasion de nos masses populaires et des gouvernants de nos pays respectifs. C’est également cela qui m’incite à apporter une contribution qui, j’ose croire, pourrait renforcer notre détermination collective à aller de l’avant.
Oui, il est exact de dire que la langue et l’économie ou le développement au sens large du terme sont inextricablement liés. Il y en a qui continuent à croire qu’il n’en est rien et voici quelques points qui échappent peut-être parfois ou souvent aux détracteurs d’une vision telle que la LMA. Ma contribution ici porte uniquement où du moins essentiellement sur la LANGUE.
1). Posséder une langue et l’utiliser enrichit les capacités cognitives de tout être vivant.
2). La langue véhicule le savoir, la vision ou la perception du monde de chaque communauté linguistique et incarne une bonne partie de sa culture.
3). La langue donc nous permet de nous connaître nous-mêmes et aussi de connaître les autres.
4). En tant que moyen privilégié de communication, la langue facilite l’action, l’application, l’interaction et la négociation dans un processus dialectique dont l’objectif le plus constant est la quête de l’éclairage pour un mieux-être donc pour un bond qualitatif indice de progrès ou de développement qui peut être
psychique, psychologique, social, économique et j’en oublie.
Ainsi définie, la langue, qui, à n’en point douter, nous sépare des autres créatures, est bel et bien une richesse incommensurablement épatante. Suivant ce raisonnement, c’est dire donc que plus on en possède, plus on est riche. Ceci m’amène ainsi à tirer les conclusions ci-après:
a). la multiplicité ou la multitude de langues au Bénin ou en Afrique est une richesse toute naturelle, voire un don réel de Dieu;
b). cette diversité linguistique nous offre la possibilité d’avoir une perception plurielle d’un monde qui au demeurant est suffisamment ou même trop complexe pour qu’une langue à elle seule comme le français-juste un exemple-puisse permettre d’en cerner tous les aspects;
c). parler ou maîtriser la langue de l’autre ou des autres n’est donc pas une dépendance; c’est plutôt connaître l’autre ou les autres pour une meilleure coexistence;
d) cependant, il faut se connaître soi-même d’abord avant de prétendre connaître l’autre.
En dernier ressort, je peux affirmer sans le moindre risque de me tromper que la servitude c’est lorsqu’on inscrit le français comme étant la seule langue officielle dans la constitution d’un pays africain 59 ans durant et nos propres langues africaines demeurent le cadet de nos soucis pendant que nous nous plaignons de notre sous-développement et de notre système éducatif extraverti. Il est donc claire et limpide comme l’eau de la roche que la langue n’est pas seulement une question identitaire; elle est d’abord et après tout une question fondamentalement existentielle.
Revoyons donc nos copies pour revaloriser nos langues endogènes au Bénin et partout sur le continent africain pour mieux célébrer notre indépendance tout en chantant fièrement et allègrement les acquis d’une aube nouvelle dans une dynamique de Rupture courageuse, inclusive et véritablement libératrice!
Notre langue est comparable à notre âme. Si nous la traitons comme telle, elle restera le meilleur convoyeur de ce que nous avons de plus cher. À chaque peuple sa langue et sa culture!
Vive le Bénin! Vive l’Afrique véritablement indépendante!
Pr. Désiré Baloubi