Les malformations congénitales: «Une malformation congénitale n’est pas une fatalité», dixit Dr Roméo Houégban
(A Cotonou, un nouveau-né malformé sur 3 présente une malformation grave)
L’accouchement d’un enfant malformé est vécu dans les sociétés africaines comme un véritable drame, compte tenu, tant, des considérations mystico-religieuses qui l’entourent que de la survie de l’enfant…
Généralement, les nouveau-nés qui sont atteints de malformations congénitales sont appelés ‘’enfants sorciers’’ et souvent le sort qui leur est réservé est la discrimination, ou la mort. Définition, statistiques, causes, et traitement, on en parle avec le Dr Roméo Houégban médecin à la clinique Médis de Calavi et au Bureau de médecine préventive, en spécialisation de chirurgie pédiatrique au Centre national hospitalier Hubert Koutoucou Maga (Cnhu) à Cotonou.
Matin libre : Docteur Assan, d’entrée, dites-nous ce qu’est une malformation congénitale ?
Docteur Assan : On entend par malformation congénitale, toute anomalie morphologique d’un organe, d’un tissu ou de l’organisme entier existant à la naissance ou qui se manifeste dans la petite enfance et dont l’origine remonte à la vie intra-utérine. Selon l’Organisation mondiale de la santé (Oms), les malformations congénitales sont des anomalies de structure, de fonction, dont les troubles métaboliques, sont présentes à la naissance. Les malformations congénitales sont objet de beaucoup d’intérêts. D’abord, elles sont fréquentes. En effet, malgré les avancées en matière de diagnostic anténatal et la possibilité d’interruption de la grossesse pour les formes graves incompatibles avec la vie, ou mieux, dans les pays développés où on dispose de la correction précoce in utéro, ces anomalies demeurent fréquentes. Les anomalies congénitales touchent environ un (01) nouveau-né sur 33 et entraînent chaque année, 3,2 millions d’incapacités. En Afrique, les études faites de façon sporadique et rétrospective ne reflètent guère les statistiques nationales ou régionales. De plus, l’infanticide traditionnel dans nos contrées rend difficile l’appréciation de l’ampleur réelle du phénomène. A Cotonou, selon une étude multicentrique en 2015, environ un (01) nouveau-né sur 100 naît avec une malformation congénitale.
Ensuite, si les malformations congénitales sont objet de beaucoup d’intérêts, c’est parce qu’elles sont graves. Si certaines d’entre-elles ne présentent aucune gravité, d’autres au contraire, peuvent mettre en jeu la vie du nouveau-né. On estime que chaque année, 270 000 nouveau-nés meurent avant l’âge de 28 jours à cause des anomalies congénitales, soit environ 7% de l’ensemble des décès néonataux. Actuellement dans le monde, plus de 25% de la mortalité infantile est attribuée aux anomalies congénitales. La gravité demeure aussi dans la possibilité d’association de plusieurs malformations. A Cotonou, un nouveau-né malformé sur 3 présente une malformation grave. La mortalité liée aux anomalies congénitales était par exemple de 37%.
Quels sont les différents types de malformations congénitales ?
On distingue plusieurs types de malformation selon les organes atteints. On peut citer : les malformations cardiaques. Ce sont les malformations du cœur et/ou des vaisseaux, présentes à la naissance (communication interventriculaire, communication inter auriculaire, tétralogie de Fallot). Nous avons aussi les malformations digestives. C’est l’ensemble des anomalies de formation, de situation pouvant intéresser tous les segments du tube digestif et ses annexes, présentes à la naissance et dont l’origine remonte à la vie intra-utérine (malformations œsophagiennes et intestinales, de la paroi abdominale, imperforation anale, malformations du pancréas, etc). Parlant toujours des différents types de malformations congénitales, on citera les malformations du système nerveux central qu’on définit comme l’ensemble des anomalies de développement de l’encéphale (cerveau, tronc cérébral, cervelet) et de la moelle épinière. Nous distinguons aussi les malformations de l’appareil urinaire qui regroupent des anomalies extrêmement variées (anomalie de nombre, de position, de taille, de structure, de trajet, de calibre) propres à chacun des étages (reins, uretères, vessie, urètre). Comme autres malformations nous avons celles de la face (bec de lièvre), génitales, œil, peau…
Quelles peuvent-être les causes de ces malformations congénitales ?
Les causes ne sont malheureusement pas bien connues et dans la moitié des cas, aucune cause n’est retrouvée. Néanmoins, des facteurs favorisants ont été identifiés. On distingue : les anomalies génétiques et chromosomiques. Nous avons également les causes extrinsèques, d’origine maternelle ou environnementale. Comme, les facteurs sociaux: consanguinité, niveau socio-économique bas, âge maternel <15ans et >45ans (risque × 4 par rapport à une mère d’âge entre 25 et 29 ans) ; la première grossesse, et les grossesses multiples. Comme causes, il y a également les pathologies maternelles pendant la grossesse. C’est-à-dire, les infections virales (rubéole, cytomégalovirus, Hiv, herpès génital type 2); parasitaires (toxoplasmose); bactériennes (listériose, syphilis, infections dues au streptocoque bêta-hémolytique du groupe B); les carences en foldine, et le diabète. Les troubles du liquide amniotique (quantité insuffisante); Certains médicamenteux comme la thalidomide; quelques anticonvulsivants (triméthadione et diphénylhydantoine, valproate de sodium, carbamazépine, isotrétinoine); anticoagulants (Avk dérivés de la coumarine); les substances toxiques (alcool, tabac, benzène, essence frelatée, plomb, héroïne, cocaïne, solvants organiques utilisés par les coiffeuses, peinture), sont aussi des causes des anomalies congénitales à l’instar des agents physiques tels que les Rayons X (radiographie), la fièvre maternelle > 38°C
Comment reconnait-on une malformation congénitale ?
Avant la naissance, elle peut être découverte à l’occasion d’une échographie prénatale ; d’où l’intérêt de bien suivre les grossesses. Après la naissance, les constatations suivantes peuvent faire aussi évoquer une malformation congénitale : toute anomalie morphologique visible du corps (déformations de la tête, de membres, de l’abdomen, du dos, absence d’anus, surplus ou manque de doigts ou d’orteils, etc). Nous avons aussi certains symptômes révélant des malformations congénitales internes du nouveau-né (rejets verdâtres les premières heures de vie, absence ou retard d’émission des premières selles, ballonnement abdominal, absence ou difficulté d’émission des urines, excès de toux déclenché par les tétées, difficultés respiratoires les premières heures de vie…)
Comment traite-t-on les malformations congénitales ?
Il est important de rappeler que certaines malformations congénitales sont incompatibles avec la vie. Telles, une extériorisation ou absence de cerveau à la naissance, extériorisation de la moelle épinière sur tout son trajet… Cependant, la plupart demeure curable. Le traitement est souvent chirurgical et relève essentiellement des compétences du chirurgien pédiatre. Malheureusement, malgré ces avancées, nos populations hélas continuent de traiter ces enfants malformés comme des enfants sorciers qui doivent subir le triste sort ‘’ l’infanticide’’. Une malformation congénitale n’est pas une fatalité. On peut prévenir une malformation congénitale. Sur ce, j’insiste sur les risques suscités et le fait de bien suivre la grossesse à travers les consultations prénatales.
Cyrience KOUGNANDE