Processus de réconciliation en Côte d’Ivoire : La FIDH et la CPI jouent les trouble-fête

Sans carton d’invitation, telles  des danseuses de Zouk sans cavaliers en Guadeloupe, La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) par son bureau Afrique (Antonin Rabecq)  et la Cour Pénale Internationale (CPI) par son porte-parole  (Fadi El Abdallah) condamnent l’amnistie de Simone Gbagbo en se donnant en spectacle de l’immaturité politique blâmable (1) et de la méconnaissance de la souveraineté judiciaire de l’Etat ivoirien (2).

1.        L’immaturité politique blâmable

La libération de Madame Simone Gbagbo n’est pas du goût de deux institutions tout aussi complémentaires que complices de partialité à savoir la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et la Cour Pénale Internationale (CPI). Depuis le mercredi 08 août 2018, l’épouse de l’ancien Président de la République Laurent GBAGBO est remise en liberté après avoir été condamnée en 2015 à 20 ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat  dans le cadre de la crise postélectorale de 2010 et de 2011. M. Antonin Rabecq, responsable adjoint au bureau Afrique de la Fédération internationale des droits de l’Homme est monté au créneau chez nos confrères de RFI pour accuser  que cette « libération, c’est un geste de mépris pour les victimes, parce qu’il est évidemment trop facile de leur demander de pardonner après les crimes qui ont été commis. » Une telle position est tout aussi incompréhensible qu’insuffisamment élaborée. En effet, le procès de Simone Gbagbo est une expédition joyeuse de « vainqueurs ». Acquittée aux assises, elle fera l’objet d’une cassation. Ce qui montre qu’il s’agit d’un procès particulier. Ce qu’on demande à la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, c’est moins un réquisitoire discutable que de la cohérence. On ne saurait juger une partie  et laisser  l’autre. A moins que le recours à la rébellion armée fasse partie du système des valeurs du bureau Afrique de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme.  La Côte d’Ivoire a –t- elle besoin d’une réconciliation ?  Bien sûr que oui. Cette réconciliation passe par le châtiment au préalable des criminels non inquiétés jusque là  et qui ont été les bourreaux des victimes que la Fédération devrait aussi défendre. La réconciliation en Côte d’Ivoire est le gage de son rayonnement. Cela passe  par le châtiment au préalable de toutes les parties sans exception.  Telle doit être la position équidistante d’une organisation de notoriété internationale.

2.        La souveraineté judiciaire de l’Etat ivoirien.

Le porte-parole de la Cour Pénale Internationale, M. Fadi Abdallah ouvre le débat de la procédure judiciaire de l’extradition de Madame Simone Gbagbo comme quoi la «  Cour s’attend à ce que le gouvernement de la Côte d’Ivoire s’acquitte de ses obligations en vertu du statut de Rome en exécutant le mandat d’arrêt contre Madame Simone  Gbagbo et en la remettant  à la CPI » .Cette lecture du porte-parole de la CPI  est source de conflit.  C’est là où le bât blesse.

Le Statut de Rome reste  un traité qui relève du droit conventionnel. La limitation de la souveraineté en termes d’extradition forcée de Madame Simone Gbagbo  est bien discutable. Et pour cause, la Cour permanente de justice internationale (CPJI) dans le premier arrêt qu’elle a été appelée à rendre en 1923, dans l’affaire du Vapeur Wimbledon s’est refusée « à voir dans la conclusion d’un traité quelconque, par lequel un État s’engage à faire ou à ne pas faire quelque chose, un abandon de souveraineté » Il s’ensuit donc que la souveraineté judiciaire des Etats ne souffre d’aucune ambigüité. . Cette clarté sera reprise par la Cour Pénale Internationale, dès les premières lignes de son  Statut en se présentant comme une juridiction complémentaire de la souveraineté judiciaire des États. C’est une nette évolution qui est en opposition de phase avec  les Tribunaux militaires internationaux (TMI), le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) qui eux sacralisaient la primauté de leurs juridictions sur les juridictions nationales.

Au regard  des principes consacrés par le droit pénal international tels que le principe de la territorialité, de l’extraterritorialité (notamment la personnalité active ou passive) ou encore celui de la compétence universelle, l’État ivoirien est compétent pour connaître des crimes commis sur son territoire, ou des crimes commis à l’étranger dont ses ressortissants sont auteurs ou victimes. Le principe de la complémentarité ou de quasi subsidiarité dégagé par l’article 17 du Statut est le  moyen le plus solide de légitimer la souveraineté judiciaire des États ayant un système judiciaire compétent, impartial et transparent. De ce fait, non seulement les États gardent leurs prérogatives naturelles en matière pénale, mais ils continuent à être les principaux responsables de la répression des crimes de nature internationale. Dès lors l’intervention du porte-parole de la CPI est un trouble-fête.

Herbert de Saint Tauyé HOUNGNIBO

Droit International, Institutions Diplomatiques et Consulaires.

htauye@gmail.com 

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