Semaine mondiale de l’allaitement maternel : Fiacre Alladaye invite les autorités à plus de responsabilités

(On ne peut pas développer ce pays avec un capital humain malnutri)

Chaque année, du 1er au 07 août, la communauté internationale célèbre la Semaine mondiale de l’allaitement maternel (Smam). Comment ladite semaine est-elle célébrée au Bénin ? Qu’elle est la situation actuelle du pays en termes d’allaitement maternel ? Et quelles sont les mesures urgentes à prendre pour un réel développement du Bénin? Matin Libre de concert avec le nutritionniste Fiacre Alladaye, président de l’Organisation non gouvernementale (Ong) Food  and nutritional security for all (Fnsa), se veulent pédagogues !

Matin Libre: Comment la Semaine mondiale de l’allaitement maternel, est-elle célébrée au Bénin ?

Fiacre Alladaye: Sous d’autres cieux, même si la Semaine mondiale de l’allaitement maternel n’est pas célébrée dans la première semaine du mois d’août, il y a au moins une semaine fixe décrétée et connue de tous pour le faire. Au Bénin, après avoir célébré de nombreuses fêtes nationales, pendant que des centaines d’enfants meurent par faute d’allaitement maternel, les gouvernants décident d’une semaine en fonction de leur disponibilité. Pire, la célébration de cette semaine se résume pour la plupart du temps, à une cérémonie de lancement officiel, habillée de beaux discours avec des engagements à ne jamais honorer. Dans de pareilles conditions, permettez-moi de remarquer combien de fois l’allaitement maternel, facteur de tout développement (humain, économique, socio-culturel…), est négligé au plus haut sommet de l’Etat. Les Partenaires techniques et financiers ainsi que d’autres acteurs intervenant dans le domaine de la nutrition et de l’alimentation ont à plusieurs reprises, déploré ce choix hasardeux de la semaine de l’allaitement maternel au Bénin mais, il semble que leur doléance ne parvient pas au sommet de l’Etat.

Pourquoi pensez-vous que le choix d’une semaine fixe pour célébrer l’allaitement maternel pourrait améliorer la situation au Bénin ? Pensez-vous vraiment que l’allaitement maternel apporterait un plus au développement du Bénin ?

Fiacre Alladaye: Vous savez l’importance que les Béninois accordent à une fête quand ils y trouvent leur intérêt. Faut-il encore rappeler l’engouement, la motivation ou la détermination des Béninois à la veille de certaines fêtes, fête de l’indépendance, fête de nouvel an, etc ? Le simple fait de savoir qu’il y aura une célébration d’envergure nationale, que dis-je, d’envergure internationale, suscite toute une organisation préalable aussi bien de la part de la population que des gouvernants. Aussi, tout Béninois comprendrait davantage l’importance de l’allaitement et se retrouverait dans l’obligation d’y veiller autour de lui. Par ailleurs, les Partenaires techniques et financiers ainsi que les autres acteurs, pourront développer toutes les activités prévues à cet effet. Le Bénin fait partie des rares pays au monde à ignorer ou à faire semblant d’ignorer l’importance de l’allaitement maternel dans le processus de développement d’une nation. Comment pensiez-vous développer ce pays avec un capital humain malnutri, atteint de maladies parfois irréversibles depuis les bas âges ?  Toute modestie gardée, je peux jurer sur honneur que le respect strict des normes d’allaitement maternel, suffirait pour développer le Bénin. En réalité un individu qui n’a pas reçu le colostrum, qui n’a été allaité exclusivement au lait maternel pendant ses six premiers mois de sa vie ou qui n’a pas bénéficié de l’allaitement maternel jusqu’à l’âge de 23 mois, est un être à priori‘’déséquilibré’’. Non seulement, il n’aura pas toutes ces facultés pour contribuer au développement de sa nation mais il sera encore une charge supplémentaire pour son pays. C’est un individu assujetti à toute sorte de maladie depuis son enfance jusqu’à sa mort. Chaque béninois sait à peu près le montant qu’il investit pour préserver ou rétablir sa santé alors qu’il pourrait en être à l’abri s’il était bien allaité. En société, un individu bien allaité ne peut devenir un délinquant (faire du désordre, exercer des violences sur son prochain, gaspiller les biens publics, détourner les ressources de l’Etat…) ou espérer un employeur après avoir fini ses études. Un enfant bien allaité ne peut jamais échouer à un examen.

Si vous le dites ! Mais, n’est-ce pas prétentieux de votre part ? Qu’en est-t-il des jumeaux, triplés, et quadruplés ? Aussi, Selon les statistiques, le Bénin a connu des avancées en termes d’allaitement maternel, quel est votre point de vue ?

L’exception confirme la règle madame la journaliste. Mais, la maman doit beaucoup manger pour pouvoir produire assez de lait maternel. Quel que soit le cas, il est à prioriser. Le lait maternel couvre les besoins de deux enfants jusqu’à 6 mois. Les statistiques fiables sont des denrées très rares dans les pays comme le Bénin. En 2012, selon l’Enquête démographique de la santé (Edsb-IV) 2011-2012, environ 33% des enfants béninois sont allaités exclusivement au lait maternel. Ce taux semble s’améliorer (41,4%) en 2014, avec l’Enquête par grappes à indicateurs multiples (Mics) mais malheureusement, la réalité est triste. En mai 2014, une étude financée par l’Aiea et menée dans une zone sanitaire du Bénin a révélé que 3,1% d’enfants sont allaités exclusivement au lait maternel pendant les six premiers mois de leur vie. Or les enquêtes antérieures avaient obtenu 97% de taux d’allaitement maternel exclusif dans la même zone d’étude selon les déclarations faites par les mères d’enfants. Quel taux allons-nous obtenir au niveau national si on généralisait cette méthode d’enquête ?

Que faire alors pour remédier à la situation ? C’est votre mot de la fin

Il y a urgence que le gouvernement actuel avec à sa tête Son excellence monsieur Patrice Talon décrète une semaine officielle pour la célébration de la Semaine mondiale de l’allaitement maternel au Bénin. Ensuite, le gouvernement va veiller au strict respect du décret N° 97-643 portant sur la règlementation de la commercialisation des substituts du lait maternel du 31 Décembre 1997 au Bénin qui stipule entre autres, la suppression des photos de bébés sur les boites de lait artificiel ainsi que la commercialisation et les dons de ces produits dans les établissements de santé. L’Etat doit également penser au recrutement d’au moins un nutritionniste dans chaque établissement de santé public afin que ce dernier développe des paquets d’activités pour promouvoir l’allaitement maternel dans sa zone d’intervention. Il urge également de recycler les agents de santé sur les pratiques optimales d’allaitement maternel à commencer par la correction des inscriptions marquées aux versos des carnets de santé vendus dans les centres de santé. Enfin, toute la population béninoise doit être sensibilisée sur l’importance de l’allaitement maternel afin de pouvoir soutenir et motiver les mères à allaiter leurs enfants qui constituent l’avenir de la nation.Plus qu’un aliment, plus qu’un vaccin, le lait maternel est tout pour un être humain et constitue le secret de tout développement harmonieux.

Propos recueillis par Cyrience KOUGNANDE

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