Exposition tous azimuts de sa lisière sur les coutures : Vlisco, le goût d’une marque

Incroyable! Cette affaire de tissu vlisco est à prendre au sérieux. Tant elle est devenue une véritable drogue sociétale. Hommes et femmes rivalisent d’ingéniosité pour s’en offrir. Vlisco, la bague au doigt dont on rêve absolument. Reportage…

Entre être ou paraître, eux, ils sont. Ils sont à la mode. Vlisco, cette marque qui résiste au temps, ne laisse personne lui résister. Les cœurs sont acquis, bon an malan, à sa cause. Elles sont trois, un groupe d’amies. Harolda, Suzarine, et Yasmine vivent à Cotonou. N’ayant pas la possibilité de s’offrir chacune la pièce ou la demi-pièce du tissu vlisco où, selon le cas, il faut dépocher, 70 000 F Cfaou 35 000 F Cfa, de commun accord, elles se cotisent la somme retenue pour acheter la demi-pièce, quitte à se trouver par personne, deux mètres du tissu et se faire coudre une petite robe. «Comme on n’a pas les moyens, on procède ainsi», confient-elles le sourire large. Ghislaine, quant à elle, est déçue. La chef de tontine est introuvable. «Je m’étais apprêtée pour la fin de l’année. Une fois que j’entrerais en possession de mon argent, mon programme était de m’offrir mon tchigan, mon vlisco. Je voulais me faire respecter et imposer le silence… », lâche-t-elle fièrement, bien que blasée. D’un autre côté, pour celles qui ont plus ou moins les moyens, le planning est tout autre. «…Chaque deux mois, de mon salaire, je réserve toujours une part pour acquérir la demi-pièce du tissu vlisco. Ça me fait 6 par an», confie cette sage-femme d’Etat en service à Porto-Novo. Aussi, s’il n’est pas inusité de constater chez la même femme, alors qu’au niveau de certains tissus, qu’elle demandent à la couturière de plier la lisière pour que la marque n’apparaisse pas, avec vlisco, pas question. Une gaucherie qui exposerait la petite mainaux gémonies. «C’est de l’argent ma chère. Il faut valoriser cela», notifie fortunée. Et, entre femmes, elles se livrent cette guerre. Les yeux sont en alerte maximale quand la voisine passe. Il faut, en effet, savoir de quel tissu il s’agit. Et c’est à un perpétuel contrôle des lisières de pagne pour connaître qui est la mieux habillée en tissu qu’elles s’adonnent.Même les progénitures n’y échappent pas. Dylan a 1 an. Pour célébrer l’évènement, sa maman lui confectionne son ‘’bomba’’ avec le tissu vlisco, la lisière posée derrière. «…Mon fils aussi porte tchigan», s’en réjouie Fayçolath sa mère. Seulement, si chez les femmes, le fait semble plus ou moins compris, chez les hommes, il est renversant. En effet, de plus en plus, sur les tenues locales de ceux-ci, notamment sur le haut, on aperçoit la lisière du tissu vlisco délicatement posée et de façon visible, soit derrière, soitdevant. Vilain ou beau, en tout cas, les autos ‘’ambassadeurs’’ de la marque vlisco ne manquent pas de maestria.

 

En tout bien, tout honneur… !

 

Alors que certains se compriment à réunir la somme obligatoire pour l’achat du tissu vlisco, d’autres, par contre, préfèrent les raccourcis. Chose curieuse, sans intention malhonnête aucune, en tout bien, tout honneur. En effet, pour se faire plaisir, de concert avec les tailleurs, ils en inventent.Parfois, affirme Dingo, ce sont des tissus ordinaires. «Nous, à notre niveau, il nous arrive d’avoir dans nos coupures, pour avoir entre temps confectionné une tenue à quelqu’un d’autre à base du tissu vlisco, la lisière. On la met donc dans un coin de l’habit au client demandeur », affirme-t-il. «Souvent, ce sont à nos clients fidèles qu’on fait ça», avoue Dingo. Chez les femmes, l’option du ‘‘Waja waja’’ ou résidus de tissus vlisco dont le prix est relativement bas est faite. Après des mois de services rendus à sa belle-sœur, Houefa reçoit une demi-pièce de tissu vlisco. Illusion !«Ce n’est pas le vrai vlisco. Déjà, quand vous dépliez le tissu, non seulement, il est léger mais c’est écorché par endroit. Ma sœur m’a dit que ça fait partie des résidus», raconte-t-elle agacée mais s’en câlice. Seule la marque importe, en effet. Par ailleurs, sur le marché, la fabrication de pagnes commençant par la lettre’’ V’’ et dont la terminaison est ‘’Co’’ est perceptible. Des pagnes ordinaires en fait, mais qui entretiennent la confusion. Ils constituent un véritable lieu de refuge pour les amoureux du tissu vlisco. Diantre ! vlisco, quand tu nous tiens !

La hantise d’une marque, avis du sociologue

 

D’entrée fait remarquer Florent Tasso, le pagne est un vecteur de communication. «Le pagne de l’africain parle. Il est porteur de messages et peut servir d’intermédiaire ou de médium. Il véhicule des messages liés à l’usage, des messages relatifs aux événements ou circonstances ou des messages émis par les motifs imprimés», confie ce docteur en sociologie. Selon ses propos, l’engouement des hommes et des femmes pour le pagne vlisco s’explique par le fait qu’il apparaît comme un élément de différenciation sociale. «Le pagne vlisco coûte entre 35 et 70.000 F Cfa selon le motif. L’exhibition du motif vlisco est donc mue par la volonté de se distinguer des autres, de se faire remarquer», affirme-t-il. «Le motif parle et peut être donc un facteur de distinction sociale. D’où l’intérêt manifeste de plusieurs personnes pour le motif vlisco qu’il soit vrai ou faux », fait-il savoir.

 

Cyrience KOUGNANDE

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