Hier, les électeurs du Cameroun sont allés aux urnes pour une formalité présidentielle dont l’issue est connue : Elire le vieil homme, 85 ans, pour le statu quo. Ainsi, le scrutin présidentiel du 07 octobre 2018 qui est à un tour ne fera aucun miracle pour sauver le Cameroun (1) ; pire, il étale au grand jour un Etat profondément en mitose avancée (2)
1. Un miracle impossible
La campagne électorale a révélé que le candidat le plus en vue à travers le déploiement de moyens financiers et logistiques est bel et bien le Président sortant. La démesure de la campagne électorale à l’africaine : des préservatifs à l’effigie du candidat Paul Biya. Ce n’est pas surprenant dans cette région de l’Afrique. La campagne est une foire de toutes les curiosités. Cameroun, Gabon, Guinée Equatoriale, Congo- Braza, Congo –Kinshasa. Moment de récital, le temps de la campagne a permis de confronter quelques discours, de lire des programmes et voir la démonstration de force. Le Candidat Paul Biya au pouvoir depuis 36 ans apparaît comme un empereur qu’on ne remplace que quand la mort signe son décret. Le scrutin ne révèlera pas autre chose que ce qui apparaît si clairement aux yeux des observateurs à savoir : C’est gagner d’avance pour le Président sortant qui a l’appareil en main. Le retrait de AkereMuna au profit de Maurice Kanto ne donnera rien mais reste un message important. La mouvance présidentielle a plus intérêt à avoir un Président fatigué et constamment absent qu’un universitaire éveillé comme Maurice Kanto pour faire rayonner le Cameroun par le poids de ses idées et la force de sa notoriété internationale. La somme arithmétique des « intérêts » immédiats est défavorable à l’opposition qui est contrainte de reporter sine die toute ambition présidentielle car la machine n’est pas prête tout comme l’élite. Ce que Paul Biya n’a pas pu faire en 36 ans, ce n’est pas avec le nouveau septennat qui commence qu’il fera le miracle d’un hypothétique départ. Le miracle est impossible et la querelle anglophone est de nouveau sur la sellette.
2. La menace anglophone
Le Nord anglophone est-il concerné par ce qui se passe à Yaoundé ? Des hommes armés ont été abattus. Les sécessionnistes ont tenu à se faire entendre. Des tirs ont été entendus. Bamenda a été le symbole de la désaffection électorale. Le défi du nouveau septennat de Paul Biya est de réaffirmer l’unité de l’Etat. Les Nations-Unies ont fait semblant de ne pas voir la menace avant le scrutin. On peut constater l’avertissement à peine voilé du Secrétaire Général de l’ONU qui invite les contestataires à utiliser les voies légales et constitutionnelles. Antonio Guterres s’adressait principalement au candidat. Mais cela est aussi valable pour les groupes anglophones.
Le pouvoir politique du Cameroun gagnerait à trouver une solution pacifique et négociée à la crise du Nord. La montée du terrorisme, l’absence de l’autorité effective de l’Etat sont les nouveaux chantiers à explorer. Régler le conflit des sécessionnistes, c’est donner une chance au Cameroun de se réconcilier. Les populations, elles, ne sont en conflit avec personnes. Elles ont des us et coutumes séculaires. Le problème est l’élite. Il convient d’utiliser le dialogue inclusif pour trouver des solutions durables à des confits artificiels.
Par Herbert de Saint Tauyé HOUNGNIBO