La ville de Cotonou est la plus grande métropole du Bénin. Elle compte des centaines de taxis-ville et de taxis-bus qui sillonnent à longueur de journée les coins et les recoins pour transporter les passagers. Malheureusement, la capitale économique est encore dépourvue de gares routières pour ce type de transport. Une situation qui engendre de nombreux désagréments pour les populations.
Jean-Discipline Adjomassokou
Il est 7h ce lundi matin, le tronçon Fidjrossè-Houéyiho est bondé de monde tout comme les principales artères de Cotonou. A cette heure de pointe dans les administrations publiques et privées, personne ne veut atteindre sa destination en retard. Les agissements des taxis-ville et des taxis-bus freinent la fluidité de la circulation. Les conducteurs de ces véhicules stationnent presque à chaque mètre soit sur la chaussée ou soit sur les trottoirs en causant le plus souvent des accidents. Cette situation engendre souvent des disputes violentes entre usagers de la route et conducteurs de taxis. « C’est l’inexistence des gares routières dans la ville de Cotonou pour les taxis-ville et les taxis-bus qui est à l’origine de ces dérapages », explique M. Léopold Sodjinou, fonctionnaire de l’administration publique en service à Cotonou. Le secrétaire général de l’Organisation des conducteurs de Taxi-ville des communes du Bénin (Octavic-Bénin), M. Abraham Agboakounou, estime que les taxis-ville n’ont pas besoin de disposer des gares routières dans la ville, mais plutôt des points de regroupement au niveau des grands marchés pour transporter et débarquer des passagers et des marchandises. M. Paulin Vitin, conducteur de taxi-ville ne partage pas cet avis. Il fait savoir que les conducteurs de taxis-ville font l’objet de nombreuses tracasseries policières dans la ville à cause du manque de gares routières. Il raconte que si un conducteur est surpris par un agent de police en train de charger un passager au bord de la route, il est verbalisé et doit payer 6000 FCFA à la caisse du trésor public pour chargement hors parc. « Les agents de la police nous arrêtent pour chargement hors parc, alors qu’il n’y a pas de gares routières pour les taxis-ville à Cotonou », déplore-t-il. Par contre, Abraham Agboakounou explique que les agents de police de Cotonou sont suffisamment sensibilisés pour éviter des désagréments aux conducteurs. « Si je suis informé, j’interviens pour que le conducteur récupère rapidement les pièces de son véhicule », souligne-t-il. Il reconnait tout de même que les conducteurs de taxis-ville méritent d’avoir des lieux de rassemblement dans la ville de Cotonou. « J’ai oublié mon sac de voyage dans un taxi la dernière fois. Je n’ai plus retrouvé le chauffeur. Or, s’il y avait une gare routière pour eux, j’aurais récupéré mon sac. C’est dommage ! », se plaint dame Anasthasie Gbègnon, commerçante à Cotonou. Le plus souvent les conducteurs de taxis urbains utilisent les abords des rues comme des lieux de stationnement de leurs véhicules. Cette pratique engendre des embouteillages sur les voies publiques et les propriétaires des maisons environnantes ne cessent de lever la voix pour protester contre leur présence à cause des ennuis sonores et environnementaux qu’ils occasionnent. « Je n’arrive plus à me reposer convenablement. Les conducteurs ont envahi devant ma maison. Leurs cris et le bruit de leurs voitures nous causent assez de nuisances », dénonce Didier Vlavonou, agent permanent de l’Etat à la retraite à Gbégamey.
Les minibus aussi laissés en rade
La situation est identique chez les conducteurs de taxi-bus dans la ville de Cotonou. « Nous souffrons trop pour charger les passagers. Tout le monde nous insulte parce que nous n’avons pas de gares dans la ville », lance M. Toussaint Dossou, conducteur de taxi-bus depuis près de 40 ans. Son collègue Simon Hounsi va plus loin : « Lorsque nous nous arrêtons pour charger les passagers aux abords des voies, on nous traite comme les mal éduqués de la société ». Il ajoute : « Nous sommes non seulement ridiculisés par la population, mais surtout la police se met tout le temps à nos trousses pour chargement hors par alors que nous n’avons pas de gares routières dans la ville de Cotonou ». En effet, les conducteurs de taxis-bus de Cotonou bénéficient depuis 2017 d’une place dénommée Sofladoto Canal japonais au marché Dantokpa. Un lieu insalubre et exigu pour plus de 50 taxis-bus que le site accueille quotidiennement le long du grand collecteur à ciel ouvert. « Ici, c’est l’enfer, il n’y a pas d’espace. Les voitures se cognent et n’ont pas assez de places pour garer », regrette Charles Adjovi, coordonnateur du Syndicat national des conducteurs de taxis-bus et minibus (Synacotabus). « Là où nous travaillons n’est pas une gare routière, nous sommes dans l’insalubrité et l’odeur nauséabonde du collecteur repousse de nombreux passagers. Nous sommes exposés au soleil et à la pluie », déplore Firmin Houngbèmè, conducteur de taxi-bus. Certains conducteurs imputent la responsabilité de cette situation aux responsables des syndicats qui, dans le passé, n’ont pu rien faire pour défendre leurs intérêts. « Les syndicats ne se penchent pas réellement sur nos préoccupations et c’est pourquoi nous ne disposons pas toujours de gares routières à Cotonou », condamne Vivien Djagli, conducteur de taxi-bus. « Les conducteurs de taxis-bus ne respectent pas le code de la route. Ils créent régulièrement trop d’accidents devant moi ici », déplore dame Honorine Attignon, vendeuse d’igname frite à Fidjrossè. Casimir Allossè est l’une des victimes des mauvais comportements des conducteurs de taxis-bus. « J’ai heurté l’arrière d’un taxi-bus il y a un mois avec ma moto. Le conducteur s’était arrêté brusquement sur la chaussée sans mettre le clignotant pour charger un passager. Je suis tombé et j’ai eu mon pied droit brisé , se désole-t-il.
Les solutions envisagées
L’inexistence des gares routières pour les taxis-ville à Cotonou est une situation qui perdure depuis des lustres et constitue l’un des freins au développement harmonieux et total des activités dans la capitale économique. Pour satisfaire ce besoin des conducteurs de taxis-ville, les autorités leur avaient octroyé le parc triangulaire du marché international Dantokpa. Mais par des subterfuges des conducteurs de taxis interurbains, la place leur a été retirée. Et pour finir, il leur est réservé un espace exigu pour mener leurs activités. Aujourd’hui, avec la disparition de ce parc, la préfecture a accepté que les conducteurs de taxis-ville occupent deux ruelles du marché Dantokpa pour faire des chargements d’où des tensions et des heurts souvent entre ces derniers et les autres usagers du marché. « Nous ne sommes plus à l’aise depuis l’arrivée de ces chauffeurs ici. Ils occupent toutes nos places », nous lance dame Sophie Aïna, vendeuse de sacs de riz et de cartons de boites de conserve au marché Dantokpa. Des démarches sont effectuées à l’endroit des autorités sans succès. « Nous avons adressé plusieurs courriers à la mairie de Cotonou pour nous trouver des espaces plus appropriés pour nos chauffeurs, mais en vain », a annoncé Bénoit Amoussou, deuxième secrétaire général adjoint de l’Organisation des conducteurs de taxi-ville des communes du Bénin (Octavic-Bénin). « Il appartient aux syndicats de taxis-ville, de taxis-bus et aux autorités de s’asseoir pour trouver une solution adéquate à la situation », propose Anthelme Lokossou, responsable Parc de Métropole Multiservices (MMS) non loin du carrefour du marché St Michel à Cotonou. Les différentes doléances des syndicats des conducteurs de taxis-ville et de taxis-bus ne sont pas tombées dans les oreilles de sourds. Selon Lambert Ayitchéhou, directeur des services techniques de la mairie de Cotonou, les autorités prennent à cœur cette préoccupation des conducteurs de taxis-ville et de taxis-bus et en font désormais une des priorités de la ville. Une étude est déjà effectuée pour identifier des sites à aménager », fait-t-il savoir. « Une gare routière sera installée à l’Est de Cotonou et une autre à l’Ouest de la ville pour soulager les peines des conducteurs », confie-t-il. Ces infrastructures contribueront à réduire sensiblement les désagréments causés par les conducteurs. « Les gares routières permettront aux conducteurs d’éviter les stationnements défectueux sur nos routes », espère le lieutenant Rémy Wammassé, chef service Accidents et constats du commissariat central de Cotonou.
Avec le soutien de l’ambassade des Usa au Bénin