HOMMAGE AU PROFESSEUR TCHITCHI TOUSSAINT : Universitaire, sympathique, militant, nationaliste et intellectuel !

Grand violoncelle, au long corps ! Il était aussi grand d’âme et d’esprit. C’était un homme aimable et sympathique. Prof TCHITCHI était tellement facile d’accès qu’il devient tout de suite votre ami la minute qui suit votre première rencontre. Pas qu’avec ses collègues enseignants-chercheurs mais aussi avec les plus jeunes, ses étudiants.

Toussaint Yaovi TCHITCHI

Professeur chercheur au Département des Sciences du Langage et de la Communication à la retraite ;

Ancien Ministre de l’Information et des Communications ;

Ancien Directeur de l’Institut National pour la Formation et la Recherche en Education (INFRE) ;

Ancien Directeur du Centre National de Linguistique Appliquée (CENALA, actuel INALA) ;

Commandeur de l’Ordre National du Bénin à titre exceptionnel ;

Élevé à la Dignité de Grand-Officier de l’Ordre National du Bénin.

Je n’oublie pas la première fois quand nous nous sommes rencontrés en septembre 2012. Je venais de Paris pour répondre positivement présent à l’enrôlement en vue de l’ouverture de la nouvelle faculté thématique d’Aplahoué, un tout nouveau Centre Universitaire rattaché à l’Université d’Abomey Calavi (UAC) pour des offres très innovantes dans les domaines de la standardisation des connaissances endogènes. Je le vois au Rectorat. Il m’accosta. Je lui dis mon nom et la raison de ma présence. Il connaissait mon nom et mes travaux en Logique, Epistémologie et Systèmes des connaissances et Etudes sur l’Innovation. Il ne cacha pas son intérêt pour mes travaux en histoire des sciences et technologies dans ses rapports avec l’ethno mathématique et l’ethnobiologie. Par la suite, il m’orienta, m’indiqua comment rejoindre, sur le campus ce jour-là, le Professeur CAPO Hounkpati, fraichement nommé Doyen de la nouvelle Faculté d’Aplahoué ! Plus marquant, mon collègue qui, je dois le dire, est de plus d’une douzaine d’années mon aîné, a attendu que je finisse avec le Professeur CAPO. Il me prit après dans sa voiture et me déposa à mon domicile à Cotonou. Quel bonheur de l’avoir rencontré ce jour-là! Vous aurez alors compris que dans ces conditions, à l’annonce de la mort précoce d’un tel personnage, qu’on soit en larmes, et totalement bouleversé!

Prof TCHITCHI n’était pas qu’universitaire ouvert, sympathique et aimable. Il y a aussi son côté militant et engagé qu’il n’hésitait pas, comme moi, à répercuter dans ses travaux scientifiques. La dimension militante dans ses travaux a retenu particulièrement mon attention. Comme Bourdieu, il martèle souvent l’aberration de tenir les résultats probants de la recherche du labo à distance de la société. Le 6 mai 2019 dernier, il y a 7 mois seulement, alors qu’il présidait le jury d’un étudiant dont j’étais le maître dans le Programme du ‘’Master 2 Bi-Plurilingue en Didactique des SVT – Math – Langues et Culture’’,  il posa une question à mon étudiant sur la ‘’multi culturalité’’. Au secours de l’étudiant en tentative de réponse, il se cita lui-même, Tchitchi Y. T., dansTerminologie et vulgarisation scientifique précédé de Pratique économique et aliénation culturelle, CAAREC Editions, Cotonou, 2008 pour signifier que « le bi-plurilinguisme n’implique pas nécessairement le biculturalisme. On peut faire intervenir deux langues sans qu’il y ait dialogue de deux cultures. Il faut alors travailler à défendre la culture africaine » dit-il. J’ajoutai à ce propos fort pertinent et à l’intention de mon étudiant, aujourd’hui membre du Conseil National de l’Education (CNE), que « la culture africaine doit être le socle de nos économies, le bouclier, sinon le bi-plurilinguisme ne sert qu’à l’aliénation ». Et voyez-vous ! L’aliénation que les militants nationalistes et intellectuels dénoncent et souhaitent voir stoppée depuis les années 1900, avec les TOVALOU Kojo Houénou et HOUNKANRIN Louis et plus tard, avec HAZOUME Paul, ADJOU Moumouni, Monseigneur SASTRE,  FANTODJI Pascal, TCHITCHI Yaovi Toussaint, YAI Olabiyi, CAPO Hounkpati et les plus jeunes savants, perdure encore aujourd’hui. L’Etat africain regarde toujours de haut et avec mépris la logique locale. L’Etat africain continue de faire la part belle à la culture du colonisateur tout en assurant un service minimum pour le projet culturaliste par des politiques publiques timides en se contentant d’ ‘‘événements gadgets occasionnels’’. Les populations, pourtant majoritaires, forment une sorte de « deuxième zone » exclue de l’écosystème du développement. Comment cela peut-il marcher si la majorité des gens est exclue de l’écosystème de production, est-on en droit de se demander? Et certainement, Prof Tchitchi avec nous dans cette interrogation!

Mais, d’où vient, chez mon Prof, cet ardent engagement national et intellectuel? Cette disposition lui vient des traditions de luttes qui remontent à l’ancien mouvement démocratique national et continental de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF) des débuts des années 1950. Le mouvement était alors constitué au niveau national dahoméen à l’époque (aujourd’hui Bénin) de l’Union Générale des Elèves et Etudiants du Dahomey  (UGEED), du Front d’Action Commun des Elèves et Etudiants du Nord Dahomey (FACEEN), de la Ligue Nationale de la Jeunesse Patriotique (LNJP), des Organisations Régionales de Jeunesse dont la Jeunesse Unie Anti-impérialiste du Dahomey (JUD). Pour la mémoire et en son hommage, mon Prof, Tchitchi Yaovi, était un militant acharné de l’aile provinciale de la Jeunesse Unie Anti-impérialiste du Dahomey (JUD) qu’était le RAJEMO, le Rassemblement de la Jeunesse Anti-impérialiste du Mono à l’instar des autres organisations régionales de jeunes comme ODOKOYA / Jeunesse Debout maintenant (région de Savè), OJSD / Organisation des Jeunes et  Scolaires de la Sous-préfecture de Dassa-Zoumè (région de Dassa), FINAGNON (Plateau d’Abomey, Zou sud), SONAGNON (région de l’Ouémé), etc. Ces expériences positives restent des traceurs pour l’encadrement des nouvelles générations de jeunes pour la consolidation de la conscience nationale dans le contexte de la post-colonie toujours d’actualité au niveau national et continental.

Prof TCHITCHI Yaovi Toussaint!

Tu pars en même temps qu’un autre baobab de la cause du nationalisme militant et intellectuel africain, lui aussi béninois ! Docteur ADJOU Moumouni ! C’est un bon signe. Nous promettons de faire en sorte que la tradition de lutte nationale et intellectuelle s’intensifie. L’élite non prédatrice de votre pays n’a pas à raser les murs. Elle ne doit, en aucune façon, peiner à sortir du bois. Parce que la demande d’encadrement de la jeune génération par les anciens est plus que jamais pressante.

 

La voie que tu as tracée avec passion et abnégation sera suivie. Repose en Paix !

Ton collègue et ami ADJILE SEGLA D. Aimé, UAC (Bénin), Max-Planck Institute(Berlin).

Décembre 2019

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