Destitution de Trump: Deux chefs d’accusation retenus, dont abus de pouvoir

Ce mardi 10 décembre, les parlementaires démocrates ont dévoilé les chefs d’accusation retenus contre le président américain : abus de pouvoir et obstruction à la bonne marche du Congrès. La Chambre des représentants se prononcera en séance plénière la semaine prochaine.

Les démocrate sont dévoilé, lors d’une conférence de presse, les deux articles retenus contre Donald Trump dans le cadre de la procédure de destitution : l’abus du pouvoir en sollicitant une intervention ukrainienne et l’obstruction aux travaux du Congrès en refusant de répondre à ses assignations.

« Personne, pas même le président, n’est au-dessus de la loi », a déclaré Jerrold Nadler, président de la commission des Affaires judiciaires de la Chambre des représentants. « Nous sommes ici aujourd’hui car l’abus par le président de ses pouvoirs ne nous a laissé aucune autre alternative », a ajouté Adam Schiff, le chef de la commission du Renseignement, qui a mené plus de deux mois d’enquête sur l’affaire ukrainienne.

Les chefs d’accusation

Sur l’intervention ukrainienne, Jerrold Nadler précise que le président américain « a porté atteinte à la sécurité nationale, a affaibli l’intégrité des élections et violé son serment fait au peuple américain ». Le président américain avait en effet prévu le versement d’une aide militaire américaine de 391 millions de dollars contre l’intervention ukrainienne.

Pour le second chef d’accusation, l’obstruction à la bonne marche du Congrès, le président de la commission des Affaires judiciaires de la Chambre des représentants estime que Donald Trump « a montré un mépris catégorique, aveugle et sans précédent à l’égard de l’enquête ». Le président Trump avait effectivement bloqué toutes les citations à comparaître.

Une fois que ces chefs d’accusation seront adoptés en séance plénière la semaine prochaine, Donald Trump deviendra le troisième président de l’histoire à être mis en accusation au Congrès.

« Des accusations ridicules » pour Trump

Dès l’annonce de ces chefs d’inculpation, le président américain a réagi sur Twitter, évoquant des « accusations ridicules ». « Nous avons un tel potentiel dans ce pays. Qu’une majorité perde son temps sur cette procédure est une honte pour ce Congrès », a déploré de son côté Kevin McCarthy, chef de la minorité républicaine à la Chambre.

Les prochaines étapes de la procédure de destitution

La Chambre des représentants dans son ensemble va maintenant devoir voter sur ces deux actes de mise en accusation. « Puisque les démocrates ont la majorité, c’est clair qu’ils vont adopter ces deux articles avant Noël », considère Françoise Costes, professeure d’études américaines à l’Université de Toulouse Jean Jaurès.

En janvier 2020, les articles seront ensuite envoyés au Sénat, qui va devoir organiser le procès du président. Pour destituer Donald Trump, une majorité aux deux tiers est nécessaire, soit 67 sénateurs sur 100. Or, le Sénat ne compte que 47 élus démocrates. Pour qu’il y ait destitution, 20 sénateurs républicains devraient donc faire défection. « En l’état actuel des choses, cela n’arrivera pas », prévient Françoise Costes.

Donald Trump a donc de fortes chances de sortir blanchi de cette affaire, avance la spécialiste. Et cela risque de jouer en sa faveur pour sa campagne présidentielle de 2020. « C’est un immense risque que prennent les démocrates, car même s’il y a un énorme nuage de suspicion qui va planer au-dessus de lui, s’il s’en sort, Donald Trump pourra retourner l’impeachment contre les démocrates ».

Une semaine décisive

Les démocrates et Donald Trump sont aux antipodes avant l’ouverture ce lundi 9 décembre, dans un Congrès profondément divisé, d’une audition qui devrait mener sous peu à la mise en accusation du président américain.

« Dossier en béton », affirment les démocrates, « mascarade », clame Donald Trump. La commission judiciaire de la Chambre des représentants devrait voter d’ici la fin de la semaine sur les actes d’accusation retenus contre le président américain. La procédure se poursuivra ensuite au Sénat qui, dominé par les républicains, devrait prononcer l’acquittement.

C’est pourquoi les démocrates sont très divisés sur la suite à donner. Censurer le président américain ou poursuivre l’impeachment ? La première option consiste en un blâme officiel, la seconde est une destitution du président. « Le débat est très fort actuellement, et l’angoisse est plutôt du côté des démocrates », estime Jean-Eric Branaa, maître de conférences à l’université Panthéon-Assas et spécialiste des États-Unis.

Certains d’entre eux voudraient joindre le rapport Mueller à l’acte d’accusation. « Or avec le rapport Mueller, tout a déjà été dit, poursuit Jean-Eric Branaa Et il est vrai que la défense de Donald Trump est très construite vis-à-vis de ce rapport. Donc remettre le pied dans autre chose, et en particulier dans ce rapport Mueller, c’est peut-être tout faire capoter encore une fois. Et faire que les électeurs vont avoir l’impression qu’on essaie de “charger la mule” pour aller à tout prix vers une condamnation de Donald Trump, parce qu’il n’y en a pas assez. »

Des enjeux politiques considérables

« Dans ces conditions, continue le spécialiste, on comprend que si on est représentant démocrate aujourd’hui, l’angoisse est forte en votant cet impeachment. On ne sait absolument pas où ça va, parce qu’on est en année électorale et qu’on ne sait absolument pas comment les électeurs vont réagir. »

Cela va même plus loin. « En réalité, certains se posent la question de la censure, à savoir s’il ne faut pas plutôt rétropédaler en sortant très vite de cette affaire-là, et remporter la victoire en ayant censuré le président. Ce n’est pas arrivé depuis Andrew Jackson, en 1834. » Ironie de l’histoire, le président actuel est un grand admirateur de Jackson, dont il a fait accrocher un portrait dans le Bureau ovale. « Ce serait un vrai camouflet pour Donald Trump, estime Jean-Eric Branaa, qui porterait cette marque pendant la campagne. »

Seconde option, analyse le chercheur : « continuer sur un impeachment, en sachant que Trump serait peut-être le premier président de l’histoire à sortir blanchi de la procédure de destitution, à se représenter, et peut-être à gagner. Ce serait là, pour le coup, un vrai camouflet pour les démocrates. Il y a donc beaucoup d’hésitations, en particulier dans les États dans lesquels les députés sont tangents, parce que ce sont des États dominés par Donald Trump, qui ont peur de risquer leur poste en votant pour cet impeachment. »

« Nous gagnerons », promet Trump

Forts de leur majorité à la Chambre, les démocrates ont ouvert fin septembre une enquête en destitution contre Donald Trump après avoir appris qu’il avait demandé à l’Ukraine d’enquêter sur Joe Biden, son rival démocrate. Le président américain avait suspendu l’aide militaire à Kiev pour la contraindre à participer à cette enquête.

Selon Jerry Nadler, président de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, « l’accusation au cœur [du dossier] est que le président a placé ses intérêts au-dessus de ceux du pays à plusieurs reprises et qu’il a demandé l’ingérence d’une puissance étrangère dans nos élections à plusieurs reprises. »

Cela pose, a-t-il mis en garde, « un véritable danger pour le scrutin » présidentiel de novembre 2020, à l’occasion duquel Trump espère décrocher un second mandat. « Nous gagnerons [le combat de la destitution] », a de son côté déclaré le milliardaire.

rfi.fr

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