Proposition de pistes d’actions contre la radicalisation au Bénin: Ces communes d’interventions prioritaires…

Outre le fait que des risques de la survenue de la radicalisation voire l’extrémisme violent au Bénin soient bien évidents notamment dans les espaces frontaliers, plusieurs pistes d’actions sont suggérées pour contenir le danger et éviter le pire. Selon une étude qualitative exploratoire sur les risques et facteurs potentiels de radicalisation et d’extrémisme violent au Bénin, réalisée par Aziz Mossi dans le cadre du Programme de l’Union européenne de Prévention de l’Extrémisme Violent en Afrique de l’Ouest et dans le Bassin du Lac Tchad (PPREV-UE II), des communes ont été identifiées comme des cibles nécessitant des interventions prioritaires.

Réalisée dans huit (8) communes des quatre départements de la partie septentrionale du Bénin à savoir les communes de Kandi et Malanville (dans l’Alibori), Matéri, Natitingou et Tanguiéta (dans l’Atacora), Nikki et Parakou (dans le Borgou) et Djougou (dans la Donga), la présente étude conduite par une équipe d’experts nationaux, a permis de produire des données sur des phénomènes d’extrémisme violent et des facteurs qui les sous-tendent ainsi que des éléments empiriques d’aide à la décision proposant des options d’intervention en vue de la formulation de stratégies ou programmes de prévention de l’extrémisme violent (PEV), tant au bénéfice des personnels de la Délégation Européenne en République du Bénin qu’aux autorités publiques concernées. Dans la perspective des actions envisagées à l’issue de la présente étude, il est suggéré une démarche graduée d’intervention. « Nous estimons qu’une phase pilote est nécessaire. Elle peut être d’une durée de trois à quatre  ans qui permettront d’en identifier et évaluer les effets », estime Aziz Mossi.

Ces communes d’interventions prioritaires : Djougou…

Il est important, pour des raisons d’efficience, mais aussi en tenant compte du niveau de tension et des oppositions notées dans les communes, de démarrer la phase pilote en priorité dans les communes de Djougou, de Tanguiéta, de Malanville et de Nikki, renseigne Aziz Mossi.  “Le choix de Djougou tient à plusieurs facteurs. On peut évoquer, entre autres, la multiplicité des courants confrériques avec un niveau de radicalité plus prononcé que dans n’importe quelle autre commune. En outre, les rapports avec les pays arabes y sont très développés, notamment grâce à un mouvement fortement dense de migration des jeunes en direction de ces pays. Mais Djougou est également caractérisé par une sorte de violence comportementale qui semble même relever de la culture locale. Dans les perceptions populaires au Nord Bénin, les ressortissants de cette localité sont identifiés comme un peuple belliqueux. Cela se note d’ailleurs dans leur langage quotidien. Il est aussi important d’évoquer à propos de Djougou la désaffection vis-à-vis de l’Etat se traduisant par le rejet de ses règles qu’il tente « d’imposer » aux citoyens. La référence aux règles islamiques et le respect qu’on y voue tendent à les mettre au-dessus des lois de la République“, précise l’enquête. “…c’est une commune où le risque de radicalisation est élevé principalement pour des raisons d’accessibilité aux ressources naturelles très limitée. En effet, la délimitation du Parc Pendjari et son classement au rang de patrimoine de l’UNESCO privent les populations locales d’une bonne partie des terres cultivables et des ressources forestières, alors même qu’elles sont constituées d’agriculteurs, d’éleveurs et de chasseurs. Le Parc occupe 2/3 de la superficie de la commune et les nombreuses contraintes maintiennent les populations sur de petits lopins de terre devenus moins fertiles au fil du temps. Liés à cette insuffisance de terres, les conflits entre agriculteurs et éleveurs dont beaucoup sont devenus sédentaires, éclatent. L’enjeu principal de ces conflits est l’accès à la terre. Il y a aussi la réforme de mise en affermage du Parc confié désormais à un opérateur privé. Ce dernier est délégitimé par la population qui considère ses actions comme non inclusives. Ces situations produisent des frustrations au sein des communautés locales. Mais il faut aussi ajouter que l’existence du Parc et d’autres lieux touristiques font de Tanguiéta une zone fortement attractive pour les occidentaux. Or, si on considère que l’essentiel des attaques terroristes ou des enlèvements sont dirigés contre les ressortissants ou les intérêts des pays occidentaux, on peut craindre que les prémisses de radicalisation constatée dans cette commune puissent constituer le terreau des enlèvements et des attaques terroristes…Des mesures préventives visant à réduire les frustrations sont donc nécessaires dans cette zone : faciliter les processus d’inclusion de la communauté dans la cogestion du Parc, promouvoir de nouvelles approches agricoles ayant pour but d’améliorer les rendements à partir des terres disponibles“, lit-on également dans le rapport de synthèse.

 

Malanville : zone à risque… 

“La multiplicité des courants religieux dans la commune, notamment au chef-lieu est très semblable à celles du Nigéria et du Niger. Le partage des mêmes langues et les rapports de parenté qui unissent les peuples des trois pays vivant dans ces zones frontalières favorisent des brassages, des échanges de prêcheurs ou l’organisation tournante de prêches de part et d’autre des frontières. En outre, cette commune est caractérisée par un très faible taux de scolarisation (dans le système formel) qui se traduit par une désaffection vis-à-vis de l’école formelle de type occidental au profit des écoles coraniques et des Médersas. Ceci traduit d’une certaine façon le rejet de l’Etat et l’engouement pour les Médersas et leur multiplicité  sont une illustration parfaite de cette attitude…Les prêches tournants et la facile mobilité des populations entre les pays frontaliers dans un contexte de porosité des frontières apparaissent aussi comme des facteurs qui faciliteraient l’infiltration des groupes radicaux sur le territoire béninois“, renseigne-t-on sur la commune.

 

Nikki : le danger est aussi là….

“…cette commune est caractérisée par l’organisation de la fête culturelle annuelle de la Gaani à Nikki. Celle-ci regroupe annuellement tous les baribas à Nikki, y compris ceux du Nigéria . Elle draine plusieurs milliers de personnes et constitue, à l’instar des prêches tournants à Malanville, un potentiel vecteur de risque. Par ailleurs, la particularité de Nikki réside aussi dans l’existence d’un islam radical au centre-ville avec l’émergence des nouvelles élites musulmanes et la forte concentration des mosquées. Plusieurs fois, les autorités traditionnelles sont intervenues pour ramener certains responsables du culte musulman à l’ordre et les mettre en garde contre les troubles de quelque nature que ce soit. Au regard de tous ces éléments sus-évoqués, nous proposons de démarrer les actions pilotes ci-après dans les quatre communes ci-dessus suggérées. Ces suggestions sont faites dans la perspective d’une approche multi-acteurs inclusive (autorités publiques, organisations non-gouvernementales, leaders religieux, autorités locale coutumières, administration locale, responsables d’institutions musulmanes, communauté locale, etc) “, peut-on également découvrir dans le rapport de ladite enquête.

Aziz BADAROU

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