Négligence de l’examen de l’électrophorèse par les couples: Des enfants, ces condamnés…

Il est vrai, il bat le record des attentions en ces temps. Le Coronavirus, cette  pandémie, a rendu le monde entier focus. Seulement, il faut continuer de vivre. Ailleurs, il y en aussi de grave, de très inquiétant. «J’ai déjà vu hospitalisé de façon consécutive dans un centre, 03 enfants de mêmes parents pour crises drépanocytaires et quand on vit ces évènements, notre conseil génétique est de faire le test de l’électrophorèse de l’hémoglobine pour éviter des souffrances à la progéniture». C’est par cette affirmation du Dr Sessi Elisée Kinkpé, Médecin généraliste HZ Savalou/Bantè, chef service de pédiatrie de l’hôpital, Médecin chef de la commune de Bantè par intérim, que nous renouons avec votre Page Santé. L’importance de l’Electrophorèse de l’hémoglobine (Hb) avant toute union conjugale.  Ça préoccupe.

 

A part qu’il fait partie du bilan prénuptial qui impose aux candidats au mariage divers examens dont celui de l’Electrophorèse de l’hémoglobine, nécessaires avant l’union de deux personnes afin d’évaluer les probabilités de faire des enfants drépanocytaires et prendre les décisions en toute responsabilité, le test de l’Hb reste inconnu de plusieurs. Peu sont ces personnes qui maîtrisent leur Electrophorèse de l’hémoglobine. Parfois, par ignorance, d’aucuns le confondent au Groupe sanguin. Aussi, aujourd’hui, l’évidence est là. Rares sont les couples qui se marient officiellement. L’entente entre les deux partenaires suffit pour mépriser les préliminaires. Parfois même, la grossesse intervient au grand regret des conjoints.

 A 30 ans, elle ne savait rien de son Électrophorèse de l’Hb jusqu’à ce que la grossesse intervienne. « Au nombre des examens à faire, il y avait, l’Electrophorèse de l’hémoglobine. Quand j’ai apporté les résultats à ma sage-femme, elle est a dit ‘’c’est bon. Ça peut aller. L’enfant n’est pas en danger’’. Bien avant, elle avait aussi demandé à connaître celle de mon conjoint qui l’ignorait également », raconte cette nourrice. « C’est bien après, suite à mes questions, que j’ai compris l’utilité du test. C’est triste notre acte parce qu’on pouvait compromettre la vie du bébé », se désole-t-elle. Sur un échantillon de 10 personnes interrogées,  à peine 02 sont conscientes du fait. Pourtant, le sexe, elles l’ont à portée de main et y vont au bon vouloir. « Moi, je suis AS, mon mari aussi. En réalité, on ne peut pas rester ensemble et avoir des enfants. C’est un risque. Les docteurs nous ont fait savoir cela. Mais on a pris le risque parce qu’on nous a conseillé un médicament qui pouvait agir de sorte qu’on ait pas un SS. Rien n’était sûr pour autant. J’avais peur. A cela donc, j’ai ajouté la prière. J’ai beaucoup prié et je crois que c’est ça qui a agit. Mon enfant est AS aussi. Je remercie Dieu », raconte maman Flore. « Aucun médicament ne peut éviter cela. Si ça arrive, c’est que c’est une chance. C’est une chance », estime de façon incisive ce père de famille qui narre ce qui est vraisemblablement à l’origine de sa rupture d’avec son épouse. « J’ai été victime aussi étant AS et madame AS aussi. Dans l’ignorance et l’euphorie de l’amour, nous nous sommes mis ensemble sans faire le test de l’électrophorèse. Curieusement, nous avions fait des analyses prénuptiales sur demande d’un médecin qui nous a demandé un bilan général pour madame et moi. Ce que nous avons fait. Mais, il ne nous a pas été demandé le test de l’électrophorèse dans ce bilan malheureusement. C’est après la naissance que  l’enfant a commencé par développer des pathologies et les analyses ont révélé qu’elle est SS », conte-t-il le cœur lourd de remord. Et, qui sait combien sont-ils, ces pères et mères à porter cette charge morale? Combien sont-ils ces enfants à être victimes de cette ignorance de leurs géniteurs?

Il nous paraît donc important de mettre l’accent sur la prévention, notamment le test de l’Electrophorèse de l’hémoglobine avant tout engagement de vie conjugale. Son caractère fondamental n’est pas à démontrer. « Faire le test de l’hémoglobine est important. On peut relever 02 situations capitales : il révèle si un individu est drépanocytaire ; il révèle si un individu est porteur de trait de drépanocytose », développe le Docteur Kinkpé. En effet, explique-t-il, dans ce cas, le géniteur peut transmettre ce trait à sa progéniture et si les deux parents sont porteurs de trait, il y a une grande possibilité de faire des enfants drépanocytaires. La drépanocytose étant une maladie héréditaire de l’hémoglobine avec présence d’une hémoglobine anormale appelée hémoglobine S (HbS). Dans certaines circonstances comme le manque d’oxygène, l’acidose, la déshydratation, l’HbS se polymérise et déforme les hématies en « faucilles » qui fragilisées, sont détruites entraînant anémie, crises douloureuses dites vaso-occlusives. Dans la drépanocytose, les globules rouges sont mal formées ce qui rend difficile la circulation sanguine et donc, le métabolisme des organes. ceci fait que le malade est souvent maigre, peu développé et anémié.

Test biologique aux dires du Dr Kinkpé qui permet de séparer les différentes hémoglobines en fonction de leur charge électrique et de leur poids, l’électrophorèse permet par exemple de poser le diagnostic de drépanocytose en mettant en évidence la présence d’une fraction d’hémoglobine de migration différente des hémoglobines normales (A). En termes plus clairs, c’est un test biologique qui permet de  mettre en évidence le type d’Hb de l’Homme (A, S ou C)  à travers certaines techniques de laboratoire.  Elle permet de poser le diagnostic de drépanocytose en mettant en évidence la présence d’une fraction d’hémoglobine différente des hémoglobines normales (A). Plus explicite, lorsque l’un des partenaires est d’hémoglobine AA, il n’y a alors aucune possibilité que ce couple ait des enfants drépanocytaires. Par contre, si les deux partenaires sont drépanocytaires ou porteurs de trait c’est-à-dire (AS ; AS), (AS ; SS), (AC ; AS), (SC ; AS), (SC ; SS), (AC ; SC), (SS ; SS), (SS ; AC), (SC ; SC), (AS ; SC), il existe une probabilité non négligeable (25% à 100%) qu’un enfant issu de ce couple soit drépanocytaire SS ou SC.

Caractéristique d’un drépanocytaire

« Les crises drépanocytaires sont d’une intensité généralement forte, le malade souffre. Au bout de la prise en charge médicale on a souvent une amélioration mais parfois des décès de malades selon l’état clinique. Un enfant drépanocytaire, c’est des crises douloureuses avec des hospitalisations à répétition. S’accepter en tant que drépanocytaires ou porteurs de traits est un choix risqué et devrait donc se faire en toute responsabilité. La drépanocytose mobilise ainsi toute l’attention, toutes les ressources matérielles et psychologiques des parents du faite des complications possibles. Deux types de complications : les complications aiguës plus fréquentes (crises douloureuses atroces surtout) et les complications chroniques fragilisant le drépanocytaire. Celui qui est SS, par exemple, a plus de crise et plus les crises sont répétées, plus le risque de décès est grand», renseigne Dr Sessi Elisée Kinkpé.

 

Pas de remède…

Même si, des essais thérapeutiques sont en cours dans plusieurs pays développés, pour le moment, il n’y a pas de traitement définitif de la drépanocytose. Selon les propos du Dr Sessi Elisée Kinkpé, il existe la possibilité d’un suivi médicale du drépanocytaire ce qui permet d’espacer les crises mais pas pour guérir la maladie. Des médicaments sont prescrits en plus des conseils hygiéno-diététiques. « Un centre de prise en charge est implanté au CNHU dirigé par un pédiatre, le Professeur Chérif Deen Raimi. Il existe également des protocoles pour la prise en charge de chaque complication à l’accès de tout médecin », fait-il savoir.

Il faut agir…

Vu de près, un enfant drépanocytaire est la résultante de plusieurs acteurs qui ont, sciemment ou inconsciemment, failli à leurs responsabilités dans la protection de l’enfance. Des parents en premier. Quelle joie peut finalement être celle d’un parent qui enfante des condamnés aux crises douloureuses et hospitalisations à repetition?; des enfants qu’il pousse bien tôt dans la tombe ? Quel plaisir peut être celui d’un tel enfant dont l’existence est un ramassis de crises maladives? Et dire que cela se passe au nez et à la barbe de l’Etat, des Églises et autres lieux de culte, des médecins aussi. Plus haut, un témoignage nous réconforte dans ce sens. Quel est le dispositif mis en place par l’executif pour contraindre à faire le test de l’électrophorèse? Pourquoi ne pas imposer ça par exemple dans les dossiers de candidature à tel ou tel poste? Jusqu’à quand l’ignorance sera-t-elle une excuse? Que fait-on de la sensibilisation sur le sujet? Si, en effet, dans les milieux urbains, la banalisation de l’examen de l’Electophorèse de l’hémoglobine est si poussée, qu’en est-il des milieux ruraux ? Faut-il toujours attendre que les maladies surviennent avant d’y faire face? Pourquoi ne pas en amont, prévenir celles qu’on peut éviter? Paludisme, cancers, hépatites, etc, OUI. Seulement, la santé ne se limite pas seulement à quelques maladies. Des réflexions plus englobantes sont souhaitées. La naissance d’enfant drépanocytaire dans le monde, au Bénin plus précisément, est un crime collectif. Aux futurs couples, pour citer, Dr Sessi Elisée Kinkpé, certes, l’amour est divin mais Dieu a donné l’intelligence de rendre disponible le test de l’électrophorèse de l’hémoglobine et s’il l’a permis, c’est certainement pour qu’on s’en serve à bon escient. Aucun enfant n’a demandé à naître. Mettre sa vie en péril relève d’un parjure. La violation du serment d’un parent, de l’Etat, des Organismes, etc, de protéger l’enfance.

 

Cyrience KOUGNANDE

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