[Tribune]/ Covid-19: Ganiou Soglo explique pourquoi l’Afrique doit sortir grandie, après la crise

 

 

Dans une nouvelle tribune publiée ce lundi 4 mai 2020, Ganiou estime que l’Afrique doit tirer des leçons de la crise sanitaire liée au coronavirus, afin de se refaire un nom.

 

 

Il faut que je vous dise….

La crise sanitaire et économique que le monde traverse actuellement peut s’avérer être un mal pour un bien pour l’Afrique en général et le Bénin en particulier.

Cela fait déjà quelques semaines que dans mes tribunes j’attire l’attention de l’opinion publique sur l’opportunité que nous avons de changer de paradigme une fois la pandémie vaincue.

Dernièrement dans son discours à la nation française, le président Macron annonce sa volonté de proposer un moratoire pour l’annulation de la dette africaine. L’idée étant de permettre aux Etats concernés de libérer de la capacité financière afin de mieux faire face aux conséquences économiques, sanitaires et sociales du COVID-19.
Cette proposition a été accueillie favorablement par de nombreuses institutions et pays dont le Bénin.

D’éminentes personnalités et experts se sont suffisamment épanchés sur le sujet. Les pros ou contres moratoire ont fait part de la quintessence de leur savoir sur la question. Le lieu ici n’est pas de revenir à nouveau sur cela, mais je crois plutôt impératif de susciter l’intérêt de l’opinion et d’interpeller notre gouvernement sur la multiplication des emprunts obligataires sur les marchés financiers sachant que sur ces derniers les taux d’intérêts sont prohibitifs contrairement à des prêts concessionnels. Alors pourquoi ?

Dans un moment d’angélisme, je me surprendrais à croire que cette course effrénée à de la liquidité serait pour conjurer cette pandémie comme le prétendent nos dirigeants.

Au demeurant, je voudrais tout de même rappeler à tous qu’après des années fastes à coup de financements massifs des banques occidentales et japonaises puis de pétrodollars, l’histoire économique contemporaine retient que dans les années 1980-1990 l’Amérique latine a connu une grosse crise d’endettement marqué par une hausse importante des taux d’intérêt compromettant ainsi tout remboursement. L’intervention des institutions de Bretton Woods y sera sans précédent. Baisse de l’inflation, baisse drastique des dépenses publiques, privatisation des entreprises publiques, précarisation de la classe moyenne, réduction du rôle de l’Etat (suppression de nombre de service public), appauvrissement des collectivités, augmentation des importations etc…

C’est le danger qui nous guette si nous ne nous prenons pas en charge.

Ce clin d’œil pour dire que la crise que nous traversons doit être l’occasion idoine, je dirai même plus, l’opportunité pour les responsables de notre pays et ceux des autres pays de l’UEMOA de rentrer un peu plus dans l’histoire. Même si je comprends la démarche pour un moratoire ou une rallonge budgétaire, il faut reconnaître in petto que c’est honteux pour l’Afrique de toujours tendre la main afin de quémander une annulation de sa dette ou solliciter des financements pour ses projets corruptogénes.

Le meilleur moyen de prévoir le futur est de le créer

A mon avis, mais surtout en ma qualité d’économiste je proposerais que notre pays en particulier et ceux de l’UEMOA en général suspendent unilatéralement dans un premier temps les divers remboursements afin de mieux faire face à la pandémie et préparer dans un deuxième temps une véritable migration vers une monnaie locale, en d’autre terme ouvrir à nouveau le débat du franc CFA, puis amorcer le développement structurel de cette zone économique en renforçant la fédération avec des pays comme le Nigéria et le Ghana et enfin prendre toutes les mesures idoine afin que l’argent de l’Afrique reste en Afrique ( un montant estimé a plus de 1900 milliards de dollars sur ces 40 dernières années) . Que veux-je dire ? Comme l’a rappelé Monsieur Tidjane THIAM sur TV5 la sortie de flux financier de notre continent est supérieure à ce qui rentre. Figurez-vous que tout cet argent qui rentre au Bénin (pour prendre cet exemple) ne se ressent pas dans le panier de la ménagère. Alors il passe où ?

Le Bénin doit envisager une nouvelle gouvernance économique. Une nouvelle gouvernance qui peut déjà commencer par une loi de finance rectificative qui permettra de baisser le budget des ministères budgétivores comme celui du cadre de vie au profit de celui de la santé.

L’Afrique doit décider de se prendre enfin en charge. Ça dure depuis 60 ans. C’est un début de réflexion.

Où se situe le mal au Bénin ?

Notre gouvernement va retourner sur les marchés financiers le 6 mai prochain pour lever près de 130 milliards de francs CFA. Les marchés nous sont favorables parce que notre économie se porte bien comme le prétendent d’aucuns ?

Oui, nous avions il y a quelques mois encore une croissance qui avoisinait les 7%, oui nous sommes éligible à l’accord de Facilité élargie de crédit (FEC), bien. Malheureusement pour les esprits chagrins cette croissance favorable est le fait uniquement de nos produits d’exportation en l’occurrence le coton et la noix de cajou donc nullement inclusive. Elle ne profite qu’à une minorité de nationaux. Le panier de la ménagère est-il impacté ? Non. La vie du cotonculteur s’est-elle améliorée ? Je veux voir ! Autre preuve, le Bénin est un des rares pays à ne pas pouvoir proposer à sa population des mesures concrètes d’accompagnement face à la pandémie. Pourquoi ?

D’aucuns diront que nous n’avons pas atteint le critère de convergence qui est de 70%. Madre de Dios, justement c’est la réflexion qu’il ne faut pas avoir. L’objectif doit être de ne même pas l’approcher car après, notre marge de manœuvre sera complètement réduite. M. Bio TCHANE ministre d’État est venu nous dire dernièrement que nous sommes en deçà des 50 %, sauf que notre dette intérieure est passée à presque 60 % du PIB en 2018 alors que l’Etat a eu un recours accru aux marchés financiers.

La baisse de nos recettes douanières, la fermeture des frontières avec le Nigéria, un tourisme complètement morne ne sont pas des facteurs assez favorables pour lever des fonds sur des marchés de nos jours ! Alors sur quoi s’appuie notre pays pour continuer à s’endetter comme cela ?

L’argent de la Caisse Nationale de la Sécurité Nationale (CNSS) ? Serait-ce l’argent des retraites de milliers de béninois qui servirait de garantie ?
Qu’adviendra t-il si les prévisions gouvernementales ne sont pas au rendez vous dans les prochaines années ?

Qu’en pensez-vous ?

Je vous souhaite à tous un excellent week-end, prenez soin de vous et de vos familles.

Ganiou S.

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