Après la Cadhp et la Cedeao: Cap bientôt sur la Ccja ?

Plus de doute. La volonté du gouvernement de la Rupture d’ôter au citoyen béninois la possibilité de saisir directement les juridictions sous-régionales lorsque ses droits sont violés à l’interne est désormais manifeste. Ceux qui nourrissaient encore quelques appréhensions, ont dû se rendre à l’évidence après la dernière décision de la Cour constitutionnelle, la DCC n°20-434 du 30 avril 2020. Même si, selon l’avis de certains juristes et professeurs de droit, cette décision de la Cour constitutionnelle porte en elle les germes de son échec, il y a une constance qui se dégage.

Au niveau de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cadhp), le retrait du Bénin au protocole est acté. La Cadhp a d’ailleurs déjà répondu à la demande du Bénin. La décision prendra effet en mars 2021. Jusqu’à cette date, le citoyen béninois et les Ong peuvent continuer à saisir directement la Cadhp, et les décisions seront toujours opposables à l’Etat béninois. Mais après mars 2021, ils devront adresser leurs recours à la Commission de la Cour africaine. La procédure ici est plus complexe. Au niveau de la Cour de justice de la Cedeao, c’est par un arrêt de la Cour constitutionnelle, la DCC n°20-434 du 30 avril 2020 que le Bénin renie la compétence de la Cour à opposer ses décisions à l’Etat béninois, lorsqu’elle est saisie par le citoyen lambda. La Cour fonde sa décision sur le fait, que le protocole additionnel de 2005 (A/SP.1/01/05) portant amendement du préambule des articles 1er, 2e, 9e, et 30e du protocole A/P1/7/91 n’a pas suivi le processus normal qui aurait conduit à sa ratification. La Cour annule alors toutes les décisions rendues dès lors et déclare que les gouvernements successifs qui ont appliqué lesdites décisions ont violé la Constitution. Or, c’est ce protocole notamment l’article 9 amendé qui offre aux citoyens des Etats membres la possibilité de saisine, en matière de violation des droits de l’homme.

Là où la décision de la Cour constitutionnelle pêche, et c’est le juriste Steve Kpoton qui a été explicite sur le sujet, il a été dit à l’article 11 du Protocole additionnel ce qui suit : « 1. Le présent protocole additionnel entre en vigueur à titre provisoire dès sa signature par les chefs d’Etat et de gouvernement. En conséquence, les Etats membres signataires de la Cedeao s’engagent à commencer la mise en œuvre de ses dispositions. 2. Le présent Protocole entrera définitivement en vigueur dès sa ratification par au moins neuf (9) Etats signataires, conformément aux règles constitutionnelles de chaque Etat membre ». Ce qui signifie, qu’en apposant leurs signatures, les Etats ont convenu d’une application provisoire du Protocole additionnel. Dès lors, le prétexte d’une procédure de ratification qui ne serait pas allée à son terme sur lequel la Cour constitutionnelle fonde sa décision ne saurait prospérer dans la mesure où le Protocole additionnel est entré en vigueur dès l’authentification de la signature des Etats parties. A moins que le Bénin renie sa signature. Le professeur Joël Aïvo a aussi abondé dans le même sens. « La DCC n°20-434 du 30 avril 2020 de la Cour constitutionnelle repose sur une erreur de droit et procède d’une méprise surprenante du droit communautaire, notamment des règles d’entrée en vigueur des deux protocoles additionnels de 1991 et surtout de 2005 », a-t-il écrit sur sa page Facebook.

 

Jusqu’où ira le Bénin ?

En matière de protection des droits de l’homme, après le débranchement du Bénin de la Cadhp, en ce qui concerne la saisine directe et la tentative de débranchement de la Cour de justice de la Cedeao, quelle sera la prochaine étape ? Quand on sait que le gouvernement de la Rupture a installé et rendu opérationnel le Tribunal de commerce, ce qui n’est pas mauvais en soi, n’est-on pas en droit de se demander si le gouvernement de Patrice Talon ne va pas poursuivre la même logique en direction de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada (Ccja), en essayant aussi d’empêcher le citoyen lambda de saisir cette juridiction en cas de contentieux avec l’Etat ? Si l’objectif est d’empêcher les juridictions de la sous-région de condamner le Bénin à de lourdes peines qui se chiffrent souvent en milliards, pourquoi la Ccja serait-elle épargnée ? Qu’il vous souvienne qu’en mai 2014, après la rupture unilatérale du contrat de Bénin Control Sa au port de Cotonou par le gouvernement Yayi, la Ccja alors saisie par Patrice Talon, avait condamné l’Etat béninois à verser à l’actuel président la bagatelle de 129 milliards FCFA à titre de dommages et intérêts. La roue a tourné. L’homme d’affaires d’alors est devenu chef d’Etat. Avec toutes les ruptures de contrat enregistrées depuis 2016, notamment le cas de Sécuriport remplacé par Morphodys à l’aéroport de Cotonou, il faut s’attendre à ce que le gouvernement anticipe. C’est même probable que ce soit la finalité du processus qui a commencé avec la Cadhp.

 

B.H

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