Réouverture des lieux de culte: Quelle Eglise pour quels chrétiens ?

Après plus de deux mois de fermeture due à la pandémie du COVID-19, les lieux de culte ouvrent à nouveau. La réouverture est accueillie avec beaucoup d’espérance et d’espoir. Elle est vécue comme un signe de renouveau avec la foi d’avoir vaincu la pandémie.

Cependant, cette euphorie de la reprise ne doit pas faire ignorer les conséquences profondes de ces longues semaines de désertion des églises qui pourraient refaçonner la perception de la vie communautaire et spirituelle dans les assemblées.

La fermeture des églises a eu des effets sur tout le monde : du berger jusqu’aux brebis. La fermeture a éprouvé la foi et le vécu de chacun. La fermeture a conduit beaucoup à se réapproprier leur relation avec Dieu. Nous avons appris à chercher Dieu dans nos maisons. Nous avons transformé nos maisons en des lieux où Dieu est quotidiennement invoqué. Nous avons appris à déconstruire l’église pour la reconstruire dans nos maisons. Cette capacité à se réapproprier la foi en dehors de « l’église chapelle » va redéfinir de nouvelles logiques et dynamiques au sein des églises. En effet, autour de « l’église chapelle » se cristallisaient des idées plus ou moins vraies ou plus ou moins fausses.

La mesure de la spiritualité des fidèles à l’aune de leur présence à « l’église chapelle »

L’église était présentée comme le seul endroit pratiquement où pouvait s’exprimer et se vivre la foi. Celui qui a la foi doit aller à l’église ; celui qui craint Dieu doit aller à l’église ; celui qui aime Dieu doit aller à l’église. Cette même logique a conduit à distinguer dans certaines chapelles les chrétiens assidus à l’église et les « chrétiens du dimanche ». Les premiers sont considérés comme des chrétiens spirituels alors que les seconds sont regardés comme des chrétiens charnels. Il faut avouer que cette logique risque d’être éprouvée après des semaines d’absence à l’église. Pendant plus de deux mois, nous sommes tous restés à la maison, « chrétiens du dimanche » comme chrétiens assidus. Nous avons tous réappris à connaître Dieu dans l’intimité des maisons. Plus aucune présence n’était vérifiée à l’église. La spiritualité de chacun était laissée à l’appréciation de Dieu lui-même.

La cristallisation de « l’église chapelle » comme seul lieu de la présence de Dieu :

L’église a toujours été présentée comme le seul lieu où Dieu descend. Pour vivre la présence de Dieu, il faut venir à l’église. Ces mois de fermeture ont enseigné à rechercher et à entrer dans la présence de Dieu en dehors de « l’église chapelle ». Mieux, la crise sanitaire nous a enseigné que la seule véritable église et le temple du Saint-Esprit que Dieu recherche c’est nous-même, c’est notre corps. Dieu veut habiter en nous. C’est en nous que Dieu descend. C’est en nous que Dieu veut vivre. Dieu n’a que faire de nos bâtisses en brique, en marbre, en or ou en paille. Dieu a tout le Ciel pour sa demeure et toute la terre pour son marchepied. Il serait prétentieux de le mettre en prison dans une chapelle faite de main d’homme. La véritable église c’est nous-même.

La redéfinition des rapports avec Dieu et des rapports sociaux

 La crise a révélé notre besoin intrinsèque et inaltérable de Dieu. Nous avons tous besoin de Dieu. Nos apparences et nos tenues extérieures sont pour les beaux yeux de nos semblables. Elles n’émeuvent pas Dieu. Le Pasteur (Serviteur de Dieu, Berger, Prêtre, Evêque, etc.) a besoin de Dieu. Le fidèle chrétien a besoin de Dieu. Dieu attend que chacun vienne à Lui. Lui ayant déjà fait le premier pas vers nous. Nos yeux doivent être fixés sur Dieu et sur Lui Seul.

Dans nos rapports sociaux, le plus important à retenir est que le Pasteur et le fidèle chrétien sont dans une relation dialectique. Ces deux univers semblent distincts, distants, voir opposés. Dans la réalité, ils sont dans une dépendance mutuelle. Le Pasteur a besoin du fidèle chrétien. Le fidèle chrétien a besoin du pasteur. Les deux se tiennent et sont des maillons d’une même chaîne. Les deux sont dans une relation d’interdépendance fondamentale. Le fidèle chrétien se nourrit du Pasteur. Le Pasteur se nourrit du fidèle chrétien. Il n’y a pas l’un sans l’autre. Penser que l’un a plus besoin de l’autre est une erreur grossière.

 D’une part, le Pasteur véhicule la lumière de la Parole de Dieu, il explique la Parole et donne des révélations sur la Parole. Pour le fidèle chrétien, le Pasteur est un conseiller, un enseignant, un pédagogue, un psychologue, un psychiatre, un médecin, un père, etc.

D’autre part, c’est l’existence du fidèle chrétien qui fonde le ministère du Pasteur. Il n’y a pas de Pasteur sans fidèle chrétien. Il n’y aurait pas de métier de Pasteur s’il n’y avait pas une catégorie sociale appelée fidèle chrétien. Il faut donc dépasser cette fausse conception qui cherche à établir à tout prix que c’est seulement le fidèle chrétien qui a besoin du Pasteur.

Le Pasteur a tout autant besoin du fidèle chrétien puisque ce dernier est au fondement même de son existence professionnelle. Alors que pour ainsi dire le chrétien n’a pour véritable Pasteur que le Christ à qui nous appartenons tous. Ceci dit, cette vérité doit introduire des rapports de respect mutuel entre Pasteurs et fidèles chrétiens. Chacun doit savoir qu’il a besoin de l’autre et que nous avons tous besoin de Dieu.

Dr ABOU Elvis

Sociologue

Chercheur au LARRED

elvisabou@gmail.com

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