Dépravation vestimentaire des jeunes dans le Zou: La mode comme excuse à une culture extravertie

A l’origine, le premier habit fut confectionné dans le jardin d’Eden à base des feuilles de figuier par Adam et Eve suite à leur péché. L’objectif pour eux était de se vêtir de cet accoutrement de fortune pour cacher leur nudité qu’ils avaient remarquée. De nos jours, la tenue vestimentaire a perdu son importance d’antan. Son caractère est dévalorisé par la jeune génération. Ce phénomène s’est accru dans nos grandes villes  au grand dam de la mode et interpelle la responsabilité de la société et celle des parents.  

Le style vestimentaire des jeunes filles et des jeunes garçons constitue une menace potentielle pour l’identité culturelle béninoise et africaine. Aujourd’hui, au nom de la mode, les jeunes et même des personnes d’une certaine maturité portent des jeans déchirés, des habits informes et sales, des T-shirts avec des slogans provocateurs. Ils enfilent aussi des pantalons de taille haute, débrayé, taille basse, Guantanamo, tous de nouveaux modes d’habillement des jeunes. Parfois, en circulation, l’on observe également  des jeans serrés, des poitrines à découvert, des mini-jupes, de petites culottes laissant du coup deviner leur silhouette ou laissent entrevoir certaines parties intimes de leur corps. Les perles, le ventre, le nombril, les slips  et les cuisses des jeunes sont dehors. La grande majorité des jeunes choisissent les nouvelles tendances vestimentaires pour suivre le mouvement ou les amis. Il suffit que deux ou plusieurs personnes montrent un penchant pour certains styles pour que d’autres les suivent.

«Nous sommes à l’aise dans l’habillement sexy. Avec la nouvelle technologie et la civilisation, les jeunes adorent ce style. Il faut savoir vivre la jeunesse car elle  ne dure qu’un temps» fait savoir Quénette Agbo, élève en classe de Terminal AB au Collège d’enseignement général 1 (Ceg1) de Bohicon.  «Je mets des tailles hautes parce que c’est la mode aujourd’hui, c’est ce style que tout le monde adopte pour être dans le coup, donc moi aussi je dois me mettre aux pas. Qui va se négliger ? » déclare Gracieuse Ahouandjinou, jeune dame commerçante à Bohicon. Les bas d’eph (éléphant) ou  pantalons aux bas larges, sont appréciés des filles grosses pour mettre en exergue leurs rondelles alors qu’ils révèlent la couleur de leur  string qui  sont censés être cachés. S’agissant des jeunes gens, ils veulent ressembler aux femmes à travers les boucles d’oreille, les tresses, les maquillages. Ils portent des jeans, à peine les slips sont voilés. Leur objectif  est de paraître  en créant un style qui va captiver l’attention. Dans cette dynamique,  plusieurs looks vestimentaires cohabitent. C’est le spectacle désolant à la limite révoltant auquel l’on assiste perplexe  dans les grandes villes des départements du Zou et des Collines. Ces filles qui se sont abonnées à cette pratique se disent être à la mode. Pourtant, elles sont presque en tenue d’Eve. Même si l’habit ne fait pas le moine, il aide tout au moins à le différencier. Autrement dit, de par l’habillement on peut déjà reconnaitre les origines et  l’éducation de quelqu’un. Ayant compris cette réalité, d’autres ne s’aventurent pas sur ce terrain. C’est le cas de Thècle Allotchémè, élève en classe de 3ème au Ceg4 Bohicon. Selon elle, une fille digne doit se fait remarquer en portant des habits descends. Autrement, elle fait la honte de sa famille et de la société à laquelle elle appartient. «Moi, je ne peux même pas oser porter des habits sexy. Mon éducation familiale et celle reçue à l’église ne me permettent pas de le faire» a-t-elle laissé entendre.

La jeunesse a tourné dos à sa tradition

«La génération des jeunes dits branchés est en déperdition. Elle plonge dans l’acculturation, s’écarte de plus en plus de ses valeurs sociétales et compromet inéluctablement son identité culturelle», regrette sa Majesté Houncassodonon Ahinadjè, roi de la cité sainte et historique d’Agomè. A en croire ses propos, la jeune génération  a abandonné  sa civilisation au profit d’une autre qui ne nous est pas profitable. Les habits traditionnels qui, autrefois, donnaient une allure vertueuse sont négligés au profit de  ceux venus d’autres horizons. «Nous avons aujourd’hui une  jeunesse carrément perdue dans la nature.» Il suffit seulement de faire un tour en ville pour s’en rendre compte.  Malheureusement, nos sœurs ne savent plus faire la différence entre les tenues de soirée et celles de la journée. Par conséquent, les places publiques sont transformées en esplanade de casting et de défilés de mode ; les filles exhibitionnistes se font passer au scanner n’importe où et n’importe comment ; la tentation s’accentue; ses effets collatéraux se multiplient.  « Quand on est dans la circulation et qu’on voit les perles, les slips, les hanches ou les jambes d’une personne du sexe opposé on est tout de suite distrait et dans la circulation, une seconde d’inattention peut avoir des conséquences dramatiques », affirme Vincent Todaho, un conducteur de taxi-moto. Théophile Gougni pointe du doigt les nouvelles technologies de l’information et de la communication comme facteur favorisant ces déviances vestimentaires.  «Les réseaux sociaux éduquent mal les jeunes sur de nombreux aspects. Le fait d’imiter les blancs n’est pas une bonne chose», se désole-t-il. Franck Yenimè, professeur des mathématiques à Bohicon, partage également ce ressentiment. A l’en croire, certains jeunes reçoivent leur éducation des médias, des réseaux sociaux et de la rue alors qu’ils pouvaient utiliser ces moyens de communication à des fins plus utiles au lieu de s’en servir pour se détruire. A cela s’ajoute le suivisme aveugle et les mauvaises compagnies.

 La responsabilité des parents à l’épreuve

Les parents ont démissionné et la jeunesse s’effondre. La responsabilité éducationnelle des parents, de la société et celle régalienne  des autorités sont interpelées. Pour Franck Yenimè, professeur des mathématiques à Bohicon, la dégénérescence des valeurs morales, vient d’abord de la famille dans la mesure où la première école éducative de l’enfant est le cercle familial. Si à ce niveau, les parents n’arrivent pas à donner un bon pli à leur progéniture, c’est foutu. Ce n’est ni la rue, ni les médias, ni les centres de formations qui pourront la récupérer. Ainsi le rôle des parents est déterminant dans la lutte contre la dépravation des mœurs. Les parents doivent donc, quelles que soient leurs préoccupations, consacrer un bout de temps à leur famille, afin de suivre le mouvement de leurs enfants.  «Il revient aux parents de poser les limites et d’informer leurs garçons et leurs filles des conséquences plus ou moins directes de leurs actes et de leurs tenues afin de leur éviter le pire», insiste Baba Azilèmè. «Pour un véritable changement de comportement, la responsabilité des parents est on ne peut plus importante. Ils doivent exiger de leurs enfants des tenues correctes. S’ils démissionnent sur ce point, que feront-ils lorsque leurs enfants reviendront éméchés au matin ou auront passé la nuit chez le  »copain » ou la  »copine »?», martèle sa Majesté Houncassoudonon Ahinadjè. Les leaders religieux ont compris et prennent déjà des mesures pour freiner l’élan de cette pratique. Les pasteurs, les prêtres, les imams sont très fermes sur la question de la tenue vestimentaire. Pour eux, pas question de styles qui vont retenir l’attention. C’est pourquoi, les tenues vestimentaires indécentes sont prohibées pour se rendre à la mosquée et/ou à l’église. «Chef nous à l’église de la Mission évangélique de la foi (Mef), tous les fidèles savent qu’on n’y entre pas avec des coiffures fantaisistes où en étant débrayé», confirme le Pasteur Jérôme Abouki en mission pastorale sur la paroisse Mef de Djodji à Abomey. L’Etat ne doit pas être aussi du reste. Des actions concrètes s’imposent pour un changement de comportement. «Il faudrait des moyens coercitifs en vue de réguler la façon de s’habiller au Bénin. La représentation nationale peut légiférer une loi dans ce sens pour accompagner les parents», suggère Baba Azilèmè. Le Pasteur Jérôme Abouki, faisant référence aux écritures saintes, a rappelé que le corps de l’homme est le temple de l’Esprit Saint en ce sens qu’on ne doit pas en faire ce que l’on veut. Il en appelle alors  à la conscience des jeunes qui pensent que tout leur est permis.  Nos sœurs doivent se ressaisir et faire la part des choses. «Le corps de la femme est ce qu’elle a de plus sacré et mérite d’être préservé dans la dignité. Nos coutumes, notre culture, notre identité sont les seuls biens qui nous appartiennent. Pour notre développement et la préservation de notre patrimoine identitaire, nous nous devons de les protéger contre vents et marrées», recommande Maurice Guèdègbé, dignitaire de culte vodoun à Abomey. «Nous ne conseillons pas un habillement démodé. Mais le mieux, c’est d’adopter un style  d’habillement  élégant et  sobre. Pour les femmes, il est bon d’être décentes, modérées et simples.  Ne pas chercher à impressionner par des habits extravagants, ni par des accessoires foudroyants. La nudité et la tenue trop sexy n’attirent en fait que l’irrespect et repoussent», renchérit Baba Azilèmè, prêtre du couvent vodoun. En somme, pour s’habiller, on doit se souvenir de ses origines, de son honneur et de sa personnalité,  se référer aux règles et aux codes vestimentaires édictés par la tradition. Ce n’est qu’à ce seul prix qu’on pourra être un modèle pour la société.

 

Fernand Kinmahou et Onélia Dohou (Stg.)

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