Procès Aïvo et Madougou: « Au nom de la paix, je plaide pour un sursaut de justice »

(La Chronique de Alexis Azonwakin, promoteur du magazine Leaders d’Afrique)

 Dès ce lundi 6 décembre, tous les projecteurs de l’actualité nationale et internationale seront tournés vers Porto-Novo où, démarrent à la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), deux procès d’anthologie. Le professeur Joël AÏVO qui comparait le 6 et dame Reckya MADOUGOU qui tentera de soigner les certitudes des juges en charge de son dossier, le vendredi 10 décembre.  Si le premier est accusé de blanchiment de capitaux, la deuxième elle, comparait pour financement du terrorisme.

 

Et comme on peut bien s’en douter en de pareilles circonstances aussi pathétiques qu’angoissantes, le chroniqueur que je suis retient son souffle et son cœur bat la chamade, qui ne signifie rien d’autre que l’emballement qu’il subit sous le coup d’une émotion importante, ou l’affolement du rythme cardiaque à la cadence des battements d’un tambour. Mon intime conviction est que la survenance de cette saga judiciaire, devra offrir à tout le peuple béninois, l’occasion de réunir à nouveau les conditions d’une décrispation du climat socio-politique dans notre pays. Notre vivre ensemble qui a du plomb dans l’aile depuis quelques années doit être remis au goût du jour pour qu’enfin, l’amour triomphe de la haine, l’humanisme de la barbarie et la raison de la démence. La loi du Talion « œil pour œil, dent pour dent » ne nous mènera nulle part ; elle nous rendra tous aveugles.

Oui aveugles sommes-nous depuis quelques années déjà, parce que nous avons cédé à nos pulsions sauvages et grégaires. Au point où, notre humanité est devenue pour nous ce que l’animalité est à l’animal. C’est-à-dire, des frères qui comme dans une jungle, peuvent prendre les armes les uns contre les autres. La violence devenant notre anesthésiant social, nous avons banni le sérieux de l’existence et tourné en dérision, tout ce qui avait pour nous une valeur élevée. Oui nous avons hélas entretenu une constante apologie de la légèreté et de la médiocrité, de sorte que l’euphorie de la barbarie était devenue le standard de notre bonheur, le modèle de notre épanouissement. Et nous voici devenus nous-mêmes assassins de nos propres valeurs.

Une question cruciale se pose à chacun de nous aujourd’hui : Béninois, quelle vision avons-nous maintenant de notre destin commun ? Avons-nous réussi ces grandes mutations politiques lors de l’historique Conférence des Forces Vives de la Nation en février 1990, pour être aujourd’hui des zombies et des loups les uns contre les autres ? Il nous faut retrouver notre voie, et de nos voix qui appellent au dialogue et à la réconciliation, armons-nous de ce supplément de patriotisme pour réapprendre les vertus du droit à la différence et de la cohésion nationale. « Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie et sans perdre un instant,  te mettre à rebâtir, tu seras un homme, mon fils.» Ces propos de feu professeur Albert TEVOEDJRE dans son rapport général de la conférence nationale, nous interpellent tous. Notre  commune cité est en ruine et nous devons en rebâtir les murailles. Dans cette œuvre de salut national, nul ne sera de trop. L’heure a sonné et nous devons choisir de renaître de nos cendres pour redevenir de véritables hommes, compatissants, tolérants et même prévenants. Samuel AZARKOZIAN, dans son ouvrage « le pardon, une puissance qui libère», en donnait une extraordinaire définition. Il est le parfum qu’exhale la fleur sous le Talon de celui qui l’écrase. A l’heure où nous sommes parvenus, nous devons parler d’une même voix, accepter de nous réconcilier et apprendre à regarder dans la même direction.

Et pour cela, chacun doit tourner dos à son égo, à son Moi si haïssable et si détestable pour ne voir que seule la patrie. Voilà ce qui fonde mon cri de cœur pour un nouvel ordre social dans notre pays. Les juges qui ont en charge les dossiers de nos deux compatriotes doivent laisser parler leur fibre divine et se dire que dans cette guéguerre, nul d’entre nous n’a rien gagné, si ce ne sont que chaos moral, déchirement, animosité, division et forfaitures. On n’a pas besoin de l’autorisation de celui qui se noie pour aller à sa rescousse. Le peuple béninois est en train de se noyer et nos juges ont l’obligation comme des matelots, de plonger dans les hautes mers de nos divergences, pour nous sortir de ce drame qui se joue devant nous.

Dans cet univers, il est d’une évidence de Crystal que le Chef de l’Etat, son Excellence Patrice Athanase Guillaume TALON, tient en main toutes les cartes de la décrispation. Monsieur le président de la République, tout le peuple béninois vous en conjure, donnez-nous un signal fort à travers un dénouement profitable à tous, à l’issue de ces procès.

Nous ne nous faisons point d’illusion. Des croque-morts, en permanent conflit avec les lois de la nature et ayant tourné dos à la lumière de la civilisation de la race des nobles à laquelle vous appartenez, (en témoignent votre style, votre élégance et votre haute culture), vous souffleront de crier haro sur le baudet. Tels des louangeurs incirconcis aux prépuces puants, ils vous diront comme dans « Les animaux malades de la peste » de la Fontaine que : « vos scrupules font voir trop délicatesses » et que le berger est digne de tous maux.

En de pareilles infortunes, voyons tous sans indulgence l’état de notre conscience pour sauver notre patrie commune. Monsieur le Président, tournez dos à leur dérision. D’apparence humaine, ils ne sont en réalité que des pieuvres se désaltérant du sang réfrigéré de leur semblable. Je retiens ceci de Paulo COETHO : « il est malheureux que les gens ne voient que les différences qui les séparent. S’ils recherchaient avec plus d’amour, ils discerneraient surtout ce qu’il y a de commun entre eux, et la moitié des problèmes du monde seraient résolus.» Je continue de croire si fermement que nous sommes capables de discernement et de bon sens. Je sais aussi que nous serons capables de grandeur d’âme et d’élévation d’esprit pour nous pardonner réciproquement. Si nous échouons, Martin Luther KING, l’apôtre de la non-violence pourra dire : «Nous avons appris à voler dans les airs comme des oiseaux, à nager dans les océans comme des poissons. Mais nous n’avons jamais appris à marcher sur terre comme des frères. »

C’est pourquoi au nom de la PAIX, je plaide pour un sursaut de justice !

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