Coup d’État au Burkina Faso: Des militaires annoncent la destitution du président Kab

Ce lundi soir au Burkina Faso, après une journée de confusion, des militaires ont fait une déclaration à la télévision nationale. Ils ont annoncé avoir mis fin aux pouvoirs du président Roch Marc Christian Kaboré ainsi que la suspension de l’Assemblée nationale et du gouvernement, la fermeture des frontières et la mise en place d’un couvre-feu de 21h à 5h du matin.

 

La genèse de la crise entre Kaboré et l’armée

Le divorce entre Roch Marc Christian Kaboré et une partie de l’armée est déjà ancien. Un an après la chute de Blaise Compaoré, Roch Marc Christian Kaboré est élu président du Burkina Faso en 2015. C’est cette même année que le pays connaît les premières attaques de groupes jihadistes sur son sol.

L’intensité, la fréquence et la zone d’intervention des attaques jihadistes sur le sol burkinabè augmentent au fil des ans. Certaines, de par leur ampleur, ont marqué les esprits.

En janvier 2016, l’attentat contre l’hôtel Splendid et le Café Capuccino à Ouagadougou fait 30 morts, majoritairement des étrangers. En août 2017, 21 personnes meurent dans une nouvelle attaque dans la capitale. À partir de 2018, les attaques deviennent quasi quotidiennes.

Pour sa réélection pour un second mandat en novembre 2020, Roch Marc Christian Kaboré promet que la lutte contre les jihadistes sera sa priorité. L’opposition dénonce le fait que des centaines de milliers d’électeurs, déplacés à cause de l’insécurité, n’ont pas pu voter. Le pays compte à ce jour 1,5 million de déplacés, doublant la crise sécuritaire d’une crise humanitaire. Et les attaques continuent.

En juin dernier, dans le nord-est, à Solhan, plus d’une centaine de villageois sont massacrés. En novembre, 53 gendarmes périssent à Inata et les révélations sur des problèmes de ravitaillement du détachement visé choquent l’opinion publique. Le Premier ministre est remercié dans la foulée et le pouvoir effectue des changements dans les rangs de l’armée. Mais les attaques n’ont pas cessé et la défiance s’est installée.

Il y a deux semaines, les autorités annoncent l’arrestation de plusieurs militaires soupçonnés de « tentative de déstabilisation ».

Dimanche, des soldats se sont mutinés dans plusieurs casernes, à Ouagadougou, Kaya, Ouahigouya. Ils veulent des moyens plus adaptés pour lutter contre le terrorisme.  Ils demandent des changements à la tête de l’armée et des services de renseignements. Et plus de considération pour les familles des blessés ou morts au combat.

Après une journée confuse ce lundi, des militaires annoncent finalement à la télévision nationale avoir pris le pouvoir, s’engageant au « retour à un ordre constitutionnel » dans « un délai raisonnable ». Ils annoncent également la fermeture des frontières, la dissolution du gouvernement, de l’Assemblée nationale et la suspension de la Constitution.

Qui est Paul-Henri Sandaogo Damiba, le président du MPSR?

Paul-Henri Sandaogo Damiba est présenté dans les communiqués lus sur la RTB comme le président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), qui assure désormais le pouvoir au Burkina Faso. Que sait-on de lui ?

Paul-Henri Sandaogo Damiba est un lieutenant-colonel d’infanterie de l’armée burkinabè. Il était devenu, le 3 décembre dernier, commandant de la troisième région militaire du pays, qui est notamment responsable du dispositif antiterroriste dans la zone est du Burkina ainsi que de la sécurité de la capitale Ouagadougou.

Il avait été nommé à ce poste par un décret signé de la main de Roch Marc Christian Kaboré, qui avait procédé à un vaste réaménagement dans la hiérarchie militaire au lendemain de l’attaque d’Inata, qui avait fait 57 morts, dont 53 gendarmes, il y a trois mois, et suscité une onde de choc dans le pays. Des manifestations avaient été organisées pour demander davantage de moyens pour les militaires, la gestion du président Kaborè avait déjà été vivement contestée.

 

Un « boys »

Le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, comme un grand nombre des chefs militaires nommés début décembre, est de ceux que l’ancien Président de transition Michel Kafando avait surnommé « les boys », parce qu’ils s’étaient opposés au coup d’État de 2015 mené par des éléments de l’ex-RSP, le régiment de sécurité présidentielle, dissout par la suite.

Le lieutenant-colonel Damiba avait d’ailleurs témoigné en 2019 lors du procès du Général Diendéré. On en trouve trace dans la presse burkinabè (lefaso.net, Burkina24) : à l’époque, selon les articles relatant ce procès, Paul-Henri Damiba était commandant d’une unité antiterroriste, en poste à Dori. Lui-même ancien du RSP, il expliquait avoir reçu, en 2015, un appel téléphonique du général Djibril Bassolé, qui lui demandait s’il venait en renfort à Ouagadougou. Ce à quoi Paul-Henri Damiba avait répondu par la négative.

Le lieutenant-colonel Damiba, selon plusieurs sources, aurait côtoyé, durant sa formation au sein de l’armée nationale, le colonel Zoungrana, arrêté il y a deux semaines, justement parce qu’il était soupçonné de préparer un coup d’État.

École de guerre de Paris

Le lieutenant-colonel Damiba est aussi l’auteur d’un livre, un « essai sur le terrorisme » publié en juin dernier et intitulé Armées ouest-africaines et terrorisme : Réponses incertaines ?, dans lequel il analyse les stratégies antiterroristes au Sahel et leurs limites.

Sa maison d’édition, les Trois colonnes, indique que Paul-Henri Sandaogo Damiba est diplômé de l’école militaire de Paris – son nom figure en effet au Journal officiel parmi les officiers étrangers diplômés de la 24e promotion de l’école de Guerre, en 2017 –, qu’il est titulaire d’un master 2 en sciences criminelles du Conservatoire national des arts et métiers (le CNAM) de Paris, et qu’il a également une certification d’expert de la Défense en management, commandement et stratégie. Toujours selon sa maison d’édition, le lieutenant-colonel Damiba a été engagé dans plusieurs opérations antiterroristes entre 2015 et 2019 « pendant qu’il assumait des responsabilités opérationnelles dans les régions du Sahel et du Nord. »

 

rfi.fr

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