Nouveau CGI: Le Dg Impôts lève des zones d’ombre

<< Certains anciens impôts reconduits, d’autres légèrement modifiés >>

<< Il y a de faux conseils, beaucoup d’intoxications >>

Mobile money : << ce qui est perçu de plus pourra être réajusté >>

<< La fiscalité des Ong n’a jamais changé >>

Le nouveau Code général des impôts (Cgi) en République du Bénin continue de faire polémique. Dans cette interview réalisée avec Matin Libre, le Directeur général des impôts, Nicolas Yênoussi apporte la lumière sur certaines zones d’ombre. Lisez plutôt.

 

  1. le Directeur général. Le nouveau Code général des impôts suscite toujours des préoccupations dans l’opinion. Déjà, dites-nous la différence entre ce nouveau Code et ce qui existait?

Effectivement il y a des différences entre les deux documents. La première différence réside dans la rédaction d’un livre des procédures fiscales. Ce qui n’existait pas avant. Aujourd’hui, nous avons un livre des procédures fiscales voté par le Parlement, intégré au Code général des impôts qui encadre l’action de l’administration, assure la transparence dans les relations entre les contribuables et l’administration, évite les abus, et ses corollaires. Ça c’est très important lorsqu’on est dans un État de droit.

La deuxième différence se trouve au niveau des règles fiscales modernes qui y sont introduites. Vous n’êtes pas sans savoir que le Code qu’on utilisait date des années 60 et n’avait pas pris en compte les problématiques liées à la mondialisation de l’économie. Les pratiques dommageables des multinationales en Afrique, comment faire pour les contrer? Il y a des phénomènes en la matière qui se sont développés : le phénomène de l’érosion de la base imposable est pris en compte ; on a les notions de prix de transfert, on a pas mal de conséquences fiscales liées à la globalisation de l’économie qui ont été prises en compte. Ensuite, nous avons tenu compte de l’évolution de notre environnement et des règles éditées par la communauté de l’UEMOA en matière d’encadrement de la fiscalité. Cependant, nous n’avons pas fait une rupture totale avec l’ancien système. C’est ainsi que certains anciens impôts sont simplement reconduits, d’autres ont fait l’objet de légères modifications.

 

Les citoyens estiment que le Code général des impôts est venu les  étrangler et ça crie de partout. Est-ce que vous comprenez ces cris ou ces plaintes?

Évidemment, c’est nouveau et cela a entraîné des malcompréhensions. Je crois que nous allons continuer la sensibilisation. Je suis sûr, depuis que nous expliquons le contenu, les malentendus sont en train d’être dissipés progressivement. Nous allons continuer la sensibilisation, mais au même moment il y a des faux conseils, beaucoup d’intoxications. Je voudrais vous donner un petit exemple. Je connais un centre de beauté qui a été mal conseillé par un conseil qui a mal lu le Code et qui a demandé à ce centre de mettre l’AIB systématiquement sur la facture délivrée aux clients alors que la loi n’a jamais dit ça. C’est faux ! Il a fallu qu’un client insiste et finalement nous envoie la facture pour qu’on puisse analyser, apprécier pour trouver que ce centre faisait carrément de la concussion ; donc prélevait un impôt qui n’était pas prévu par la loi. Et je vous assure que c’est un conseil fiscal qui a demandé à ce centre de faire cela alors que c’est contraire à la loi. Donc beaucoup de nos compatriotes ne prennent pas le temps pour lire posément le texte ou se rapprocher de nous pour savoir. Vous avez vu aussi une société distributrice d’aliments pour animaux qui s’est précipité pour mettre la TVA sur ces produits-là alors que les exonérations qui existent dans le secteur n’étaient pas abrogées. Donc, de ces cas, il y en a beaucoup. Je voudrais inviter nos compatriotes à plus de patience et à prendre le temps pour lire les dispositions et de ne pas se fier à tout ce qui circule.

Quels impacts globalement sur la population et concrètement qu’est-ce que la population à la base gagne avec ce nouveau Code?

Ce que nous pouvons retenir est que ce Code comporte beaucoup de mesures de l’élargissement de l’assiette. On a souhaité que le nombre de contributeur puisse connaître une augmentation. Et pour augmenter le nombre de contributeur, il faut que la majorité des Béninois puisse payer. C’est ce que nous avons fait. On estime qu’avec le nouveau Code, beaucoup plus de contributeurs vont pouvoir se dégager dans les années à venir. Pour le citoyen lambda, la répercussion directe c’est sur le bien-être du citoyen, c’est sur le cadre de vie. Je comprends l’impatience des populations puisque l’effet n’est pas perceptible immédiatement. Il faut attendre quelques temps, quelques années de mise en œuvre pour voir les effets, les retombées au niveau de chacun. C’est difficile de le dire parce que tout de suite on constate des impôts  qui sont réajustés et qui font mal mais on oublie aussi que dans le même temps en matière d’impôts sur les salaires, certains ont constaté une augmentation de leur salaire.

En quoi consiste la nouvelle taxation sur les transactions électroniques ? Des consommateurs se sont plaints qu’on leur a prélevé plus qu’il n’en fallait en ce qui concerne les frais de transaction.

Effectivement nous avons élargi le champ de la taxe sur les communications électroniques aux opérations de transfert d’argent qui se passent avec les téléphones portables et par tous les autres moyens. Il s’agit donc d’un prélèvement de 5% calculé sur la commission perçue par le fournisseur de ce service. Donc le fournisseur du service, sur 5000 récupérait 100F, donc il y a cette taxe de 5% qui va donc être calculée sur la commission. Comme je l’avais déjà dit sur d’autres chaînes, nous avons entamé les discussions avec les entreprises concernées qui doivent mettre en œuvre cette mesure. Mais d’aucuns se sont précipités pour commencer par appliquer de leur manière parce que ça ne les arrange pas. Les discussions se poursuivent pour aplanir tout ceci.

Et pendant que les discussions se poursuivent, les consommateurs en paient le prix ?

Non, il y a forcément des possibilités de régularisation de tout ceci parce que c’est électronique, c’est dématérialisé. Ce qui est perçu de plus pourra donc être réajusté normalement.

 

Voulez-vous dire qu’on peut rétrocéder ça aux consommateurs qui en sont victimes?

Non, lorsque la discussion va être terminée avec les deux opérateurs de téléphonie et que nous aurons établi correctement la base de l’impôt, les ajustements nécessaires pourront se faire.

 

Donc comme ça vous lancez un appel aux opérateurs de téléphonie mobile à surseoir au frais supplémentaire perçu indûment chez le consommateur?

Nous allons finir très vite les discussions pour que tout soit clair pour tout le monde.

Qu’en est-il des Ong puisque des échos nous parviennent aussi à ce niveau. Il se dit qu’elles sont à but non lucratif mais qu’elles doivent faire face à des taxes sur loyer, l’AIB, etc.

Merci pour cette question. Je crois qu’il y a de l’amalgame à ce sujet. La fiscalité des Ong n’a jamais changé. Rien n’a changé en ce qui concerne la fiscalité applicable aux Ong et aux associations à but non lucratif. Il se fait que premièrement, les Ong et associations à but non lucratif ont l’obligation, et ça c’est depuis toujours, de faire pour le compte de l’Etat des retenus d’AIB sur les sommes qu’elles paient à leurs prestataires de service d’une part, et sur les loyers payés d’autre part. Ça n’est pas nouveau, ça a toujours existé comme ça. Rien n’a changé. Deuxièmement, il existe des Ong qui livrent une concurrence déloyale aux entreprises commerciales qui  paient les impôts. Et le législateur a mis en place des garde-fous notamment en ce qui concerne la définition de la notion d’activité à but non lucratif. Si l’activité est à but non lucratif, les conditions et les critères pour identifier une telle activité sont définis depuis toujours par le Code général des impôts dont l’application simple de ces critères peuvent frapper certaines Ong. Donc j’invite les Ong à être de véritables Ong et non exercer des activités commerciales pures sous le vocable d’Ong ou d’association.

 

 Propos recueillis par J.B

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