Cherté de la vie: Ce que proposent Loukman Tidjani et Célestin-Alexis Agbessi

Depuis quelques mois, il ne se passe pas un seul jour sans que la question du coût de la vie devenue chère, très chère même ne soit pas le sujet de conversation centrale au sein des ménages, dans la population. Les réseaux sociaux ne sont pas en reste et amplifient même le sujet dans toutes les langues et sous toutes les formes : caricature, dessin, audio et encore… C’est non seulement une question actuelle, mais c’est surtout pour beaucoup de nos compatriotes une question essentielle parfois de survie pour les familles, les couples et pour leurs enfants. C’est aussi une question de dignité.

 

Ce choc économique lié à une grande inflation n’épargne aucune nation et trouve ses origines conjoncturelles non seulement dans la crise sanitaire de la COVID19, mais aussi dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine depuis le 24 février. Cette situation survenue à peine quelques semaines après la guerre souligne à quel point la mondialisation a des effets ubiquitaires dès qu’elle est contrariée.  A cela s’ajoutent des facteurs structurels tels que la dépendance permanente de notre économie extravertie (nous consommons plus que nous ne produisons, et pire nous produisons des biens non transformés à faible plus-value, séquelles de la colonisation et de la néo-colonisation), l’absence de perspective sous régionale agricole (une sorte de pacte agricole commun de la CEDEAO) et aussi à une guerre asymétrique contre le terrorisme qui obère aussi bien les revenus de l’état que l’utilisation adéquate des ressources agricoles disponibles. Cette incertitude politique et sécuritaire qui dure depuis plusieurs années auraient dû nous faire changer de braquer et réfléchir de manière prospective sur les fondamentaux par son entrave profonde sur la libre circulation des biens et des personnes. Les états de la région de manière collective ont sans doute péché par naïveté parfois, et par égoïsme toujours. Tant que c’est loin…

Dans son rôle d’assurer une meilleure qualité de vie à chaque béninois, le gouvernement du Bénin sous l’impulsion du chef de l’état a pris des mesures dans le cadre du Covid dont le coût global vient d’être communiqué. Beaucoup d’analystes et observateurs restent en attente des évaluations contradictoires de la part du parlement, de la société civile ou des chercheurs institutionnels ou indépendants. Il en va de même pour la cherté de la vie. A ces mesures s’ajoutent l’organisation d’une tournée de sensibilisation sur la cherté de la vie à l’endroit des populations :cette dernière initiative éviterait d’être un exercice cosmétique d’autosatisfaction si les informations recueillies sur le terrain font l’objet d’analyses fines et des solutions adaptées, basées les réalités et les attentes des populations. En amont aux conclusions de ces rencontres dans les départements, nous suggérons ici, quatre pistes d’actions intégrées face à la cherté de la vie à venir :

Rédefinir les priorités pour la biennale 2022-2023 : Gouverner c’est prévoir.

Bien que le PAG2 soit inscrit dans une vision anticipatrice des conjonctures comme celle qui nous préoccupe, il est important de redéfinir nos priorités de développement. Tout est urgent, bien entendu mais des investissements sans effets immédiats sur la vie de nos concitoyens doivent faire l’objet de replanification pour les années à venir.

Renforcer la sommunication et la confiance: Sans la confiance, rien ne se fait.

La confiance dans le discours renforce l’adhésion des populations si elles sont sûres d’être écoutées et entendues. Les outils classiques utilisés tels que les débats et émissions TV, les tournées explicatives ne créent pas l’assurance et la confiance des populations. Le manque d’interaction et l’absence de réponses directes des gouvernants dans un face à face déterminant est délétère et péjoratif. En effet à l’heure des réseaux sociaux et des radios communautaires, il est important face à cette crise de développer des mécanismes proactifs de communication, des systèmes de veille pour mieux capter les commentaires des citoyens ainsi que la rationalité de leur vécu. Il serait aussi judicieux de rendre opérationnel des plateformes d’échanges sur les dynamiques de l’offre et la demande des produits légitimes et peu chers pour encourager en même temps une consommation locale plus adaptée.

Susciter davantage le débat démocratique autour de la problèmatique

La démocratie suppose le débat et la confrontation des idées. Aujourd’hui absents du débat sur la cherté de la vie, tous les acteurs politiques et de la société civile doivent prendre toute leur place. Les élites, les universitaires, les chercheurs doivent aussi y être associés pour une communication plus éclairée et contradictoire dans une vision orientée vers la recherche collective de meilleures solutions. E Pluribus Unum et la jarre trouée aura plus de doigts pour reboucher ses failles. Il ne s’agira pas comme on le voit sur les réseaux sociaux de se réfugier dans une position de négation en rejetant les efforts déjà entrepris ou en refusant la critique pour s’évertuer inutilement à défendre une position avec des arguments insuffisants voire fallacieux. Il faut faire le débat sur des évidences et de manière transparente et utile pour le bien commun.

Repenser le modèle de consommation des ménages: Nous devons aimer ce que nous produisons et construire des acteurs locaux plus forts.

Il devient vital de mettre en œuvre des mesures concrètes pour améliorer la production locale afin de supporter le supplément de demande et à long terme toute la demande de manière industrielle et à exporter le surplus. Il faut mobiliser et soutenir le secteur privé local et non formel avec des conditions innovantes et incitatives dans la chaine de valeur de production des produits vivriers tout en accompagnant financièrement les ménages (et les populations vulnérables) pour une consommation responsable. Ceci passe aussi par des initiatives de sensibilisation des chefs de ménages pour une économie domestique appropriée (établir des budgets de famille, éviter de vivre au-dessus de ses moyens, faire des économies avec des réductions de des dépenses inutiles ou de façade). Nous devons nous repenser nous même pour produire et nous construire.

Loukman TIDJANI et Dr Célestin-Alexis AGBESSI

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