RDC: Le roi Philippe de Belgique réitère ses «regrets» pour les «blessures du passé»

Le deuxième jour de la visite du roi Philippe de Belgique à Kinshasa avait une forte connotation mémorielle. À l’occasion de sa visite en République démocratique du Congo (RDC), le roi des Belges s’est rendu au nouveau Musée national de Kinshasa. Durant l’événement, un masque très rare a été rendu à la RDC, en présence du président Tshisekedi. Puis les deux dirigeants ont prononcé des discours dans lesquels le passé colonial et l’avenir économique ont été abordés sans détour. 

 

Au deuxième jour de son séjour en RDC, le roi Philippe de Belgique a redit mercredi à Kinshasa ses « plus profonds regrets pour les blessures » infligées à l’ex-Congo belge durant la période coloniale, au deuxième jour d’une visite en RDC dense en évocation du passé et du délicat travail de réconciliation entre les deux pays.« Le régime colonial était basé sur l’exploitation et la domination. Ce régime était celui d’une relation inégale, en soi injustifiable, marqué par le paternalisme, les discriminations et le racisme. Il a donné lieu à des exactions et des humiliations », a déclaré solennellement le souverain dans un discours prononcé sur l’esplanade du Parlement. « À l’occasion de mon premier voyage au Congo (…), face au peuple congolais et à ceux qui aujourd’hui encore en souffre, je désire réaffirmer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé », a-t-il ajouté.Pas d’excuses donc, mais l’expression en public des « regrets » qu’il avait déjà formulés, par écrit, dans une lettre au président Félix Tshisekedi il y a deux ans, à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance. C’était alors une première historique.Certains Congolais veulent voir dans cet examen du passé colonial le début d’un « nouveau partenariat », quand d’autres réclament encore excuses et réparations pour les souffrances endurées et les « pillages » des richesses de la RDC. Le président Tshisekedi lui s’en félicite : « autre avancée notable, et non des moindres, celle des regrets formulées par Votre Majesté au sujet des effets pervers de la colonisation que la mémoire collective congolaise garde à l’esprit et apprécie à leur juste valeur. »Le discours se termine. La cérémonie est finie. Le couple royal belge et le couple présidentiel congolais s’offrent un bain de foule sur l’esplanade du Parlement. À quelques mètres de là, sur l’estrade, les députés commentent déjà le discours du roi des Belges, observe notre correspondant à Kinshasa, Patient Ligodi. Pour le député Daniel Mbau Sukisa, il faut tourner la page : « Ce qui est important, c’est de regarder de l’avant. La RDC a énormément de défis. Nous avons besoin d’accompagnement rationnel de nos partenaires dont la Belgique pour pouvoir assurer l’intégrité territoriale de la RDC qui est menacé. »De son côté, la députée Geneviève Inagosi n’est pas satisfaite. Elle attendait mieux de la part du roi Philippe. « Nous attendions des réparations. Je pense que l’argent du Congo a aussi construit la Belgique. Logiquement, nous attendons que la Belgique apporte des avoirs pour reconstruire la RDC. S’arrêter au regret et dire qu’on tourne la page, c’est simple. Je regrette. Je pensais qu’il avait mieux que ce discours. »

Dans l’entourage du roi des Belges, on tempère. « Étape par étape, chaque chose son temps », a confié un membre de la délégation royale.

Quant au député Guy Mafuta, optimiste, il préfère regarder plus loin et espère que les regrets exprimés par le souverain belges ouvriront la porte à un nouveau départ dans les relations entre la Belgique et la RDC. « C’est déjà un pas. Les mots pardon, reconnaissance, restitution ou réparation doivent guider notre action à partir d’aujourd’hui. C’est un début. Nous pensons qu’ils vont évoluer. Le plus important, c’est l’avenir, la coopération économique surtout. »

L’appel de Tshisekedi aux entreprises belges

D’économie et d’avenir justement, il en état question dans les discours du roi et du président hôte. Le Congo reste notre partenaire le plus important en Afrique, a souligné le roi Philippe. Il a ensuite salué l’immense potentiel économique de la RDC : « Les opportunités de la République démocratique du Congo sont immenses : une biodiversité exceptionnelle aux forêts primaires si importantes pour la captation du CO2, les ressources de votre sous-sol, un immense complexe fluvial capable d’alimenter ce qui pourrait devenir le plus grand réseau hydro-électrique du monde et ainsi permettre la production d’énergie propre de toute la région. »

De son côté le chef de l’État congolais s’est félicité de la reprise des échanges et de la coopération dans le secteur du diamant, de l’énergie ou le domaine portuaire. Mais il a appelé les investisseurs belges à accélérer le pas : « C’est ici l’occasion pour moi de lancer un vibrant appel aux entreprises belges intéressées par le marché congolais, de matérialiser les échanges que j’ai eus avec les représentants de leur corporation lors de la première visite en Belgique. »

Félix Tshisekedi a ensuite proposé d’identifier les projets qui concrétiseront cette coopération belgo-congolaise renouvelée.

La préservation de l’intégrité territoriale du Congo est une préoccupation majeure que nous partageons […] Cette situation [dans l’est] ne peut plus durer [… Vous pouvez compter sur le soutien de la Belgique au sein des instances internationales à toute initiative visant à la stabilité et au développement harmonieux de l’Afrique des Grands Lacs. La reprise progressive de notre coopération militaire s’inscrit dans la même logique.

Philippe a aussi assuré la RDC de son soutien face à la recrudescence, aujourd’hui, des violences dans l’est du pays

 Le masque Kakungu rendu au Congo

Avant ces discours, accueilli par des chants et des danses au Musée national de Kinshasa, le roi Philippe a souligné la valeur exceptionnelle du masque congolais qui va passer des collections belges aux collections congolaises.

« Monsieur le Président, le masque Kakungu intervenait chez les Sukus dans des rituels de protection et de guérison. Il s’agit d’un objet d’art façonné au Congo par le sculpteur Ngoy et collecté il y a plus de soixante-dix ans par un chercheur du musée de Tervuren. Cette œuvre d’une grande beauté fait l’objet d’un prêt illimité du musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren au Musée national de Kinshasa. C’est une joie de pouvoir vous remettre ce masque officiellement. Je vous invite à le dévoiler avec moi », a-t-il déclaré sous les applaudissements.

Le masque en bois polychrome et fibres végétales de 1,30 mètre apparaît maintenant dans la vitrine. Il restera comme le symbole du processus ambitieux de restitution des œuvres d’art congolaises de la Belgique au Congo.

« Moi, je n’ai rien demandé aux Belges »

Plus tôt ce mercredi, Philippe de Belgique et son épouse Mathilde ont visité le mémorial des anciens combattants de Kinshasa et ont décoré un vétéran de l’armée belge de la Seconde Guerre mondiale.

C’est le vétéran Albert Kunyuku, cent ans et des souvenirs intacts, qui a été décoré. « Nous étions allés en Asie, en Birmanie. À la fin de la guerre, nous avions été libérés, chacun à destination de son pays respectif. Nous n’avons rien ramené. Aucun souvenir. Nous n’avions pas reçu de prime pour cette guerre. Nous continuons à mener une vie malheureuse. Mais que pouvions-nous attendre de bien ? Moi, je n’ai rien demandé aux Belges. Ce sont eux qui viennent de la Belgique. Moi, je n’ai rien demandé. Ce sont eux qui m’ont amené la médaille. S’ils me décorent de bon cœur, je remercie Dieu », a témoigné l’ancien soldat.

 

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