Fusion des partis UP et PRD : Un mariage impossible ?

L’actualité politique au Bénin ces derniers jours est marquée par le mariage annoncé entre l’Union Progressiste (UP) et le Parti du Renouveau Démocratique (PRD) deux grands partis politiques de la mouvance présidentielle. C’est à travers un communiqué de la Direction Exécutive Nationale (DEN) du PRD en date du 6 Août dernier, que l’opinion publique nationale a été officiellement informée de la volonté commune de ces deux partis politiques de « se donner la main pour une nouvelle donne politique au Bénin ».

 

Depuis cette annonce, aussi bien les responsables de ces deux formations que les observateurs de la vie politique nationale, utilisent diverses expressions pour qualifier la dynamique en cours de mise ensemble de ces deux partis. Si certains parlent de fusion, d’autres évoquent  un méga mariage politique ou une stratégie d’alliance politique par création d’un parti politique. Aussi, les termes annoncés de cette union politique, ne permettent pas d’avoir une saine compréhension de la forme juridique que prendra l’opération en cours. En effet, le devant les instances dirigeantes du PRD, les responsables de l’UP ont exprimé leur « souhait d’un rapprochement plus étroit entre le PRD et l’UP, rapprochement qui conduira à une plus grande convergence  et fera des deux partis des coproducteurs de l’offre politique à venir, tout en préservant ce que chacun a d’essentiel ». Les responsables du PRD quant à eux ont insisté sur la « pérennité de l’identité de leur parti, notamment la préservation du logo arc-en-ciel  et l’hymne du parti ».

Si sur le fond, ce rapprochement peut conduire à un mariage politique, sur la forme ce mariage reste juridiquement incertain au regard des termes de ce rapprochement énoncés par les différents états-majors des deux partis politiques. Car 3 grands obstacles juridiques se dressent sur le chemin de ce mariage politique.

1-    L’impossibilité pour les alliances politiques de participer à une élection en République du Bénin.

L’article 39 de la loi 2019-43 du 15 Novembre 2019 portant code électoral en République du Bénin est formel : « Les alliances de partis ne sont pas autorisées à présenter des listes de candidats ». De ce point de vue, le rapprochement ou le mariage annoncé entre l’UP et le PRD ne saurait prendre la forme d’une alliance politique si les acteurs de ces partis politiques souhaitent présenter ensemble une liste de candidat aux prochaines élections.

Même s’ils décident de présenter ensemble leurs candidats sous la bannière d’un seul parti ce serait toujours une entreprise risquée pour le parti non partant. D’autant plus que l’article 27 de la loi 2018-23 portant charte des partis politiques en République du Bénin, dispose entre autre que  « les partis politiques sont tenus de participer aux élections législatives, communales et locales » et que « tout parti politique perd son statut juridique s’il ne présente pas de candidats à deux (02) élections législatives consécutives ».

Dès lors le souhait des dirigeants de l’UP d’un « rapprochement qui conduira à une plus grande convergence  et fera des deux partis des coproducteurs de l’offre politique à venir, tout en préservant ce que chacun a d’essentiel » risque de se heurter à la loi.

2-   L’adhésion à un parti politique est un acte individuel et non collectif.

Au terme de l’article 12 de la loi 2018-23 portant charte des partis politiques en République du Bénin, « Seules les personnes physiques peuvent être membre d’un parti politique ». Au regard des dispositions de cet article, un parti politique ne peut pas être membre d’un autre parti politique. Dans le cas d’espèce, l’UP ne peut pas être membre du PRD, de même que le PRD ne peut pas être membre de l’UP. Mais les militants de ces deux formations peuvent librement et individuellement adhérer à l’un ou l’autre de ces partis.

Il est vrai que la charte des partis politiques laisse la possibilité à chaque parti de déterminer, dans le cadre de son organisation et son fonctionnement interne, les mécanismes de dissolution du parti ou de fusion avec d’autres partis politiques. (Article 29. 9. De la charte des partis politiques). Ainsi, chaque parti peut prévoir dans ses statuts et règlement intérieur, les règles et procédures de sa fusion avec un autre parti. Mais les statuts et règlement intérieur restent une convention du parti avec ses propres adhérents. Les dispositions de ces documents fondamentaux ne peuvent être au-dessus de la loi. De plus, il y a un principe de droit qui dispose que « nul ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ». De ce point de vue, même si la possibilité est donnée aux partis politiques de déterminer par eux-mêmes les règles et procédures de leur fusion avec d’autres, cette fusion ne saurait se réaliser en dehors du cadre tracé par la charte des partis politiques qui n’autorise que les personnes physiques à être membre d’un parti politique.

Au regard de ce qui procède le « souhait d’un rapprochement plus étroit entre le PRD et l’UP, rapprochement qui conduira à une plus grande convergence  et fera des deux partis des coproducteurs de l’offre politique à venir, tout en préservant ce que chacun a d’essentiel » ne peut se réaliser sans la disparition pure et simple de l’un des partis politiques (voire des deux) de l’échiquier politique national.

3-   L’impossibilité pour le nouveau parti politique (en création) d’utiliser des éléments de l’identité de ces deux partis politiques.

Au terme de l’article 15 de la loi 2018-23 portant charte des partis politiques en République du Bénin, « aucun parti politique nouvellement créé ou né de la scission d’un parti existant ne peut choisir une dénomination, un emblème, un logo, un sigle ou un slogan qui coïncide avec ceux d’un parti déjà enregistré au ministère chargé de l’intérieur ou qui est susceptible d’engendrer la confusion dans l’esprit des électeurs ».  Au regard de cette disposition de la loi, la volonté des dirigeants du PRD de pérenniser l’identité de leur parti, notamment la préservation du logo arc-en-ciel  et l’hymne du parti » peut être difficile à réaliser.

En effet, le parti en création ne peut avoir ni dans sa dénomination, ni dans son logo ou emblème des éléments qui pourraient coïncider avec la dénomination ni le logo ou l’emblème de l’UP encore moins du PRD. S’il advenait, tout parti politique légalement constitué en République du Bénin peut exercer un recours contre l’utilisation de ces éléments par le nouveau parti.

De tout ce qui procède, il apparait que si le mariage entre l’UP et le PRD est possible sur  le plan politique, il reste incertain sur le plan juridique au regard des termes de ce mariage tels que formulés par les états-majors de ces différents partis.

M.M

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