GUERRE RUSSIE-UKRAINE : LE DIALOGUE DES ARMES

« L’opération militaire spéciale » de la Russie en Ukraine marque une fois encore l’incapacité des hommes à dialoguer. Cet échec de la recherche du consensus vient en contradiction totale des bonnes intentions et dispositions des  institutions multilatérales qui pourtant sont créées pour promouvoir les solutions douces et négociées aux conflits qui surgissent souvent entre les peuples.

Malheureusement, et ceci à notre honte à tous, lorsque les hommes ne réussissent pas à se parler, les canons prennent souvent la parole. Après des millénaires de civilisation, avec des avancées notables censées améliorer notre humanité, il est regrettable de constater que nous ne sommes pas plus évolués que nos ancêtres qui se livraient bataille pour agrandir leur cour ou sauvegarder  leur trou d’eau. Ce temps où des hordes de guerriers venaient assiéger des territoires au-delà de leurs frontières afin de piller des ressources et des trésors n’est visiblement pas dépassé.

Nos années de civilisations ont juste servi à perfectionner nos armes, non pour promouvoir la paix, mais pour carrément l’effacer de nos vocables. A cette allure, le mot « paix » finira par disparaître de nos dictionnaires pour laisser place à « peur ».  La culture de la peur est bien une entreprise dans laquelle les sociétés humaines ont parfaitement réussi leur pari. La peur est présente partout sur presque tous les continents. Certains enfants n’auront connu pour seule berceuse que le sinistre sifflement des balles et la détonation des obus et des bombes.

Depuis le 22 février 2022, la Russie avance en Ukraine. Elle avance en même temps que la vie recule. Chaque jour des hommes, des femmes et des enfants tombent. La vie laisse place à la mort. Quelle est la comptabilité réelle aujourd’hui de ces morts presque anonymes ? Les chiffres disponibles varient d’un camp à un autre. Le Haut Commissariat pour les Droits de l’Homme parle de plus de 11.000 victimes du côté ukrainien. Les Etats-Unis avancent que près de 30.000 soldats russes sont tombés. Combien sont effectivement morts d’un côté comme d’un autre ? Et quelles sont les victimes collatérales ?

Que ce soit du côté ukrainien ou du côté russe, une vie est une vie. La mort n’est pas plus agréable ailleurs. Une vie prise n’est pas seulement la mort de l’individu victime directe. C’est aussi d’autres vies amputées. Un soldat ou un civil qui tombe, c’est une mère quelque part qui pleure, c’est une famille qui s’effrite, c’est un monde qui s’effondre. Attachée aux calculs et stratégies politiques, la société mondiale pour l’instant ne semble s’intéresser au coût humain et social de ce conflit. Il faut croire que cela coûte plus aux hommes de s’asseoir pour discuter que de commander des armes pour s’affronter.

Pendant ce temps, la communauté internationale dépense sans compter pour armer l’Ukraine. Il s’agit, dit-on, d’équilibrer les forces pour pousser la Russie à arrêter son invasion. On pourra agiter toutes les théories pour expliquer cette stratégie. Toutefois, on ne pourra jamais convaincre qu’on peut éteindre un feu en l’arrosant d’essence. Quel serait le bilan après ce conflit ? Sur quels critères se fondera t-on pour dire qu’un camp a perdu ou gagner ?

Les conflits s’enchaînent et se ressemblent à la fin. Après les morts et les destructions, on finit toujours par discuter. Est-il plus confortable de discuter assis sur des morts ?

Lorsque le maximum de vies serait tombé, lorsque les morts joncheront les rues au point où on sera fatigué de les compter, lorsque toutes les infrastructures auront été détruites, lorsque les orphelins et les déplacés ne sauront plus où aller, lorsque le dernier tank sera bombardé, lorsque les hommes se battront jusqu’à épuisement, la raison reviendra enfin des deux côtés. Russes et ukrainiens pourront enfin s’asseoir et faire ce qu’ils auraient dû faire depuis le début : dialoguer !

Dr ABOU Elvis

Sociologue

Chercheur au LARRED/UAC

elvisabou@gmail.com

DIALOGUE DES ARMESGuerre Russie-UkraineNationalSociété
Comments (0)
Add Comment