Conférence nationale, 33 ans après: « Pour un Bénin à nouveau debout, (…) indignons-nous », déclare l’APNE

LE PROCESSUS DU RENOUVEAU DÉMOCRATIQUE FACE AU RECUL DE LA DÉMOCRATIE ET A LA REMISE EN CAUSE DES ACQUIS DE LA CONFÉRENCE DES FORCES VIVES DE LA NATION

Message au Peuple Béninois de L’Alliance Patriotique Nouvel Espoir (APNE)

Citoyennes et Citoyens,

Militantes et Militants,

Chers Compatriotes,

Chers Frères et Sœurs,

28 février 1990 – 28 février 2023, il y a 33 ans, les rideaux tombaient sur les travaux de la Conférence des Forces Vives de la Nation, communément appelée « Conférence Nationale ». Trente-trois (33) ans déjà que les acquis de la Conférence des Forces Vives de la Nation, mettaient le Bénin sur l’orbite de la Démocratie pluraliste. Une nouvelle page venait de s’ouvrir pour notre commune Patrie, le Bénin, l’ère du Renouveau démocratique : « Un régime de multipartisme intégral avec séparation de pouvoirs ».

La régularité des élections dans une ambiance pour le moins, festive, avec l’alternance au sommet de l’Etat aura été l’une de ses marques déposées, enviées par la communauté internationale, notamment par les Etats d’Afrique. Ce fut un vent de liberté retrouvée : Liberté d’association, liberté syndicale, liberté de presse, liberté d’expression, liberté d’opinions, liberté de manifestation, etc.

Il y a sept (07) à dix (10) ans en arrière, le label Bénin, faisait encore école. Le landerneau politique international parlait en termes de « Laboratoire de la Démocratie en Afrique Francophone », certes avec ses imperfections, mais la barque tenait toujours et ne tanguait guère. Mais depuis 2016, avec quelques signes avant-coureurs dès 2006, ce passé glorieux semble littéralement révolu et relégué aux oubliettes de l’histoire. Nous assistons à une remise en cause, à une rupture radicale des précieux acquis de la Conférence Nationale comme pour rester en phase avec le régime de la rupture et du nouveau départ, de la ruse et de la rage désormais en place.

Minutieusement et subtilement, nous sommes passés de la séparation des pouvoirs à la concentration des pouvoirs.

Le judiciaire et l’exécutif ont trop tôt constitué une seule et même institution, avec la nomination de l’un des trois avocats béninois du Chef de l’Etat, Joseph Fifamè DJOGBENOU, pour ne pas le nommer, au poste de Ministre de la Justice, Garde des sceaux, et ensuite, au principal fauteuil de Président de la Cour Constitutionnelle, troisième personnalité de l’Etat, Juge du contentieux électoral. Il a cédé son fauteuil de Ministre de la Justice au deuxième avocat personnel du Chef de l’Etat, Sévérin Maxime QUENUM, le troisième avocat, le sieur Rufino d’ALMEIDA, se contentant du poste de Directeur de Cabinet du Ministre du Plan et du Développement avant d’être parachuté au poste de Maire de la Commune de Bohicon.

Pour une première fois, les élections vont s’achever dans un bain de sang. Il s’agit des élections législatives de 2019. Et pour une première fois, le Bénin a eu droit à une Assemblée Nationale monocolore, composée essentiellement de deux formations politiques siamoises, c’est-à-dire de la même chapelle politique, relevant de la mouvance présidentielle avec allégeance totale et sans faille à leur géniteur, le Chef de l’Etat. La vassalisation de l’Assemblée Nationale en sera la conséquence directe avec des textes de loi, taillés sur mesure : La Loi sur l’embauche, le Droit de grève, le Code du numérique, le Code de procédure pénale, le Code électoral, la Charte des Partis Politiques, la Loi sur la décentralisation. La liste n’est pas exhaustive.

 Les élections communales de mai 2020 et l’élection présidentielle d’avril 2021 ne seront certes pas aussi ensanglantées que l’élection législative de 2019, mais des modifications fantaisistes et la création tous azimuts de textes de loi opportunistes, assortie d’exclusion de formations politiques ont trop tôt fait le lit à des scènes de violence, des tueries, des prises d’otages avec à la clef, une série d’arrestations arbitraires et de départ forcé en exil pour échapper à la détention. Les plus alarmantes arrestations auront été celles de l’ancienne Garde des sceaux et opposante politique, Reckya MADOUGOU puis celle de l’universitaire et constitutionnaliste de renom Joël Frédéric AIVO, opposant politique lui aussi. Malgré les appels incessants pour leur libération, ils croupissent toujours en prison, condamnés respectivement à 20 ans et 10 ans d’emprisonnement ferme.

Dans ce Bénin nouveau, profondément défiguré démocratiquement, n’a de l’importance que la voix et le bon vouloir du seul maitre à bord : le Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement, Chef Suprême des Armées. Le consensus à valeur constitutionnelle a progressivement disparu.

Au-delà des frontières béninoises, personne ne se fait plus d’illusion, le Bénin, pays cher à nos cœurs, doit se réinventer démocratiquement, ouvrir la voie au panafricanisme et devenir à nouveau fréquentable.

 L’accueil froid et terne réservé au Président béninois lors du Sommet Etats-Unis d’Amérique – Afrique est suffisamment élogieux. Pour le même dossier, l’un des compacts du MCA, prenant en compte, le Niger et le Bénin, le Président américain Joseph BIDEN, a pu aménager son agenda pour un tête-à-tête avec le Président du Niger, Mohamed BAZOUM. Même posture de la part du Secrétaire d’Etat américain, Antony BLINKEN. Paradoxalement, pas suffisamment de temps disponible pour recevoir le Président du Bénin, Patrice Guillaume Athanase TALON. Dans la foulée, notre cher Président quitta précipitamment les lieux avant la fin du Sommet pour une visite privée en Floride dans le Sud des Etats-Unis d’Amérique, laissant le fauteuil du Président du Bénin vide. Une telle attitude est – elle normale ? Un tel mépris du Peuple représenté est-il compréhensible ?

Mes chers Compatriotes, mes chers frères et sœurs, chacun de nous s’est interrogé dans son coin sur ce camouflet sans pouvoir en débattre ouvertement et publiquement ou demander des comptes. Les voix critiques audibles n’étant pas forcément les bienvenues sous nos cieux.

La presse, le 4èmepouvoir, célébrée des décennies durant, en fera les frais et continue d’ailleurs de payer le prix fort, avec des interpellations, des arrestations et des cas d’emprisonnement. Le Code du Numérique continue d’être l’épée de Damoclès sur la tête des professionnels de media qui se refusent d’écrire pour plaire au régime ou pour en faire l’éloge. Le journaliste Ignace SOSSOU, l’aura appris à ses dépens. Six (06) mois d’emprisonnement ferme pour dit-on, « harcèlement » sur les réseaux sociaux après avoir publié sur sa page Facebook et Twitter des propos attribués au Procureur de la République. Son cas et bien d’autres auront fait tache d’huile.

Conséquence, les papiers d’analyse, de réflexions et d’investigations ont, pour la plupart, cédé place à des publi-reportages insipides et toutes sortes de plagia, des copies collées conformes d’articles de presse au niveau de plusieurs organes. Nombre de consommateurs de produits de presse, de se lasser de ce qu’ils qualifient de « journaux siamois » sans inspiration.

La ruée vers les journaux pour en découvrir le contenu aura perdu en engouement. Et pourtant, les gouvernants ne sont pas sans le savoir, le métier du journaliste, comme l’a bien souligné, l’écrivain et journaliste français Albert LONDRES, « n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, mais de porter la plume dans la plaie » afin que les consciences s’éveillent et que les dirigeants assument pleinement leur responsabilité envers le Peuple ou démissionnent.

Au péril de sa vie, le journaliste béninois, peine à en faire un crédo. Pour autant, tout espoir de reconquête des libertés chèrement acquises, est-il perdu? Renouer avec les principaux acquis démocratiques, se révèle-t-il, mission impossible ? Sans doute pas. Nous devons tous nous retrousser les manches car, seule la lutte paie.

2023, nouvelle année électorale, l’élection législative du 08 janvier 2023, avec l’entrée à l’Assemblée nationale, d’une formation politique de l’opposition, « Les Démocrates ». Perçue par certains, comme une année de relance de la vitalité démocratique béninoise, elle apparait pour bien d’autres, comme du vernissage, un semblant d’ouverture pour vendre à la communauté internationale qui n’est pas dupe, une démocratie de façade.

Le fonds reste presque le même. Le Bénin continue de vivre une ère de règne sans partage. Tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains, d’une seule personne, le « Prince » comme dans un régime autocratique qui ne dit pas son nom. Nous pouvons dire sans risque de nous tromper que nous revenons chez nous progressivement à la royauté « modernisée » qui a cours dans certains pays d’Afrique. D’ailleurs, sur les 109 Députés que comptent désormais l’Assemblée Nationale, 81 sièges, reviennent aux Partis siamois soutenant les actions du régime et 28 à la formation politique « Les Démocrates » dite de l’opposition, car à regarder de plus près ce Parti est-il encore de la vraie opposition ? C’est dire que, des propositions de loi et projets de loi, peuvent continuer à être votées comme une lettre à la poste, peu importe les protestations et contestations.

Certains caciques du régime annoncent déjà les couleurs, en des termes à peine voilés, d’une nouvelle modification de la Constitution pour un septennat. Une nouvelle République permettant ainsi à l’actuel locataire du Palais de la Marina de se présenter à nouveau, à la fin de son second quinquennat, pour un mandat de sept (07) ans, un troisième mandat, à l’instar de certains voisins.

Le Bénin autrefois démocratique, s’apparente donc de plus en plus à une vielle époque, à réinventer. Si nous restons les bras croisés à attendre une implosion du système, nous n’aurons nos yeux que pour pleurer au lieu de voir le chemin à suivre pour sortir de l’ornière politique.

Autre indice actuel du recul démocratique. 2023 a démarré avec déjà son lot de comparution de journalistes devant les tribunaux, le cas Virgile AHOUANSE poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles mais aussi de détention de journalistes, le cas Maxime LISSANON mis aux arrêts depuis le 13 janvier de cette année « pour incitation à la rébellion » après une publication sur Facebook, libellée ainsi qu’il suit « Les représentants du Parti Les Démocrates, refusés d’accès dans les bureaux de vote à Abomey. On leur reproche la non-authentification de leur mandat, alibis pour leur faire perdre du temps. A suivre ». Suffisant pour envoyer un journaliste derrière les barreaux ; pour des faits pourtant dénoncés par le Parti en question, « Les Démocrates », lui-même ?

Autant de mesures répressives à l’emporte-pièce qui créent un environnement propice à la mal gouvernance, à l’opacité et à bien d’autres maux. Dans un passé par ci-lointain, il ne vous a pas échappé ce super rapport accablant, appelant à l’imposition de sanctions aux autorités béninoises en vertu de la Loi Magnitsky.

 Au Bénin, le recul démocratique et la remise en cause systématique des acquis de la Conférence des Forces Vives de la Nation, n’ont jamais été aussi accentués que ces sept (07) dernières années.  Une autre preuve, le pays renoue avec son triste passé de compatriotes contraints à l’exil malgré eux. Les exilés politiques, ils se comptent aujourd’hui par dizaine et la liste ne cesse de s’allonger. Pour un oui ou un non, c’est la prison ou l’exil. Un bien sombre tableau que les pères de la Conférence Nationale ne pouvaient entrevoir. Le Bénin en est pourtant bien à ces extrêmes aujourd’hui.

Remodeler l’édifice démocratique d’il y a trente (30) ans, c’est bien possible. Mais encore faudra-t-il, que les Béninoises et Béninois comme un seul homme reprennent goût à s’indigner chaque fois que cela s’impose. Car, à l’instar d’Albert Einstein nous pensons que « le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant, à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire ».

Pour un Bénin à nouveau debout, Peuple béninois, donnons-nous la main et soyons solidaires de nos peines. Indignons-nous ! S’il vous plaît, indignons-nous comme il le faut ! L’avenir est dans nos mains.

 

Vive la restauration des valeurs démocratiques !

Vive le Bénin ! Vive l’Afrique !

Vive le Panafricanisme !

Rogatien BIAOU, Président de l’Alliance Patriotique Nouvel Espoir, (APNE).

Fait à Cotonou, le 28 février 2023a

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