Droits des femmes béninoises: Reckya Madougou fait avancer le débat

La contribution de taille de l’experte en inclusion financière

De son lieu de détention, et, en marge de la célébration, le 08 mars dernier, de la Journée internationale des droits des femmes, l’opposante au régime de Patrice Talon, Experte en inclusion financière et sur les questions de développement, Reckya Madougou, a publié une Tribune sur les droits des femmes béninoises. Intitulée, « Ma contribution et mes propositions pour les droits des femmes béninoises », la réflexion a fait, exemples à l’appui, la genèse de la question des droits des femmes, les avancées obtenues par les femmes sous d’autres cieux et ce qu’il en est au Bénin. Reckya Madougou a fait, sans parti pris, de judicieuses propositions au chef de l’Etat pour renforcer les acquis et aller au-delà.

 

En matière de lutte pour les droits des femmes, c’est une réflexion de haute qualité intellectuelle que laisse à la postérité Reckya Madougou, à travers sa tribune intitulée : « Ma contribution et mes propositions pour les droits des femmes béninoises ». La réflexion a abordé tous les pans de la lutte, depuis le 8 mars 1910 où l’Internationale socialiste des femmes crée, lors d’un congrès à Copenhague, la Journée internationale des femmes. Laquelle sera officialisée, près de sept décennies plus tard, soit en 1977, par l’Organisation des Nations Unies (ONU). La qualité technique de l’article de Reckya Madougou ne reflète pas les conditions de sa rédaction. L’Opposante au régime de Talon, candidate recalée à la présidentielle de 2021, est en effet emprisonnée depuis 2 ans à la prison civile d’Akpro-Missérété pour des faits « d’association de malfaiteurs et de terrorisme ». Une arrestation jugée arbitraire par le Groupe de travail de l’Onu sur la détention arbitraire. Mais connaissant le profil de Reckya Madougou, on ne pouvait douter de la qualité de sa réflexion, malgré ses conditions de détention.

 

Madougou : la question des droits des femmes toujours chevillée au corps

Diplômée de l’Ecole des hautes études internationales de Paris, de l’Institut supérieur européen de gestion, de l’Eneam au Bénin, Reckya Madougou a aussi obtenu en 2018 le parchemin à Harvard Kennedy School dans le programme « Driving Govemment performance ». Elle a été plusieurs fois ministre sous le régime de Boni Yayi (2006-2016). D’abord ministre de la Microfinance, de l’Emploi des jeunes et des femmes, elle a été Garde des Sceaux, ministre de la Justice, de la législation et des droits de l’homme, porte-parole du gouvernement. En 2016, elle devient Conseillère spéciale du président togolais Faure Gnassingbé et accompagne le gouvernement togolais dans le processus de conceptualisation et de création du Fonds National de la Finance Inclusive (FNFI). Elle conduit également le processus de formulation et de formalisation du Mécanisme Incitatif de Financement Agricole fondé sur le partage de risques (MIFA), avec l’appui de la BAD (Banque Africaine de Développement) et du FIDA (Fonds International de Développement Agricole). Elle est également consultante internationale sur les questions de Finance inclusive et de développement et accompagne plusieurs pays africains dans la mise en place d’instruments spéciaux dédiés au financement de l’agriculture, à l’emploi des jeunes, à l’autonomisation des femmes et à l’inclusion financière.

C’est dire que Reckya Madougou a la question des droits de l’homme, en général, et des droits des femmes, en particulier, chevillée au corps, de par son expérience et les luttes qu’elle a menées et continue de mener au Bénin, et partout en Afrique. Cela peut se lire aisément dans la production qu’elle a faite, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Les conditions strictes de détention, qu’elle dénonce depuis son incarcération, ne pouvaient alors déteindre sur la qualité de sa réflexion. Quand il s’agit des droits des femmes, Reckya Madougou est comme un poisson dans l’eau.

Une neutralité de ton

Ce n’est pas tous les jours qu’on entend l’opposante reconnaitre un mérite du pouvoir dit de la Rupture. C’est quand même le cas, quand elle a évoqué l’évolution de la représentation des femmes au Parlement béninois. « Au Bénin également, il y a eu progrès avec le taux de femmes sorti des urnes aux dernières législatives de 2023… », a-t-elle écrit. Plus loin, on pouvait lire : « Selon les statistiques, depuis l’avènement de la démocratie au Bénin, le taux de représentativité des femmes au parlement n’a jamais atteint les 10%. De 1991 à 2019, les taux ont été respectivement de 4,69%, 7,32%, 6,02%, 7,23%, 7,23%, 9,63%, 8,43%, et 7,23%. Il y a donc effectivement eu progrès à ce niveau à mettre à l’actif de l’exécutif actuel ». Reckya Madougou salue donc la discrimination positive introduite dans le Code électoral au profit de la gent féminine, laquelle octroie d’office 24 sièges aux femmes à l’Assemblée nationale. Même si dans son expérimentation, il n’y a eu que 91 femmes positionnées sur l’ensemble des 1190 candidatures pour les sièges réguliers. Soit 15,3% de candidates sur les listes soumises à la CENA, et seulement 6 femmes déclarées élues sur 109 parlementaires, en plus des 24 sièges à elles réservés, Reckya Madougou reconnait que c’est une avancée qu’il faudra consolider et aller au-delà. L’opposante a fait ici preuve d’honnêteté intellectuelle.

 

Des propositions de bonne foi au chef de l’Etat

Pour consolider les acquis et aller au-delà en matière des droits des femmes béninoises, Reckya Madougou a fait des propositions à Patrice Talon. Elle suggère l’organisation d’un atelier technique (non politisé, non partisan) en vue d’une évaluation d’étape de la mise en œuvre de la réforme du Code électoral relative à l’amélioration de la participation des femmes aux législatives. Elle propose que la séance de restitution des conclusions dudit atelier soit élargie à des politiques aussi bien de la mouvance que de l’opposition. « Les recommandations utiles qui en émaneront permettront d’évoluer vers des orientations stratégiques plus pertinentes et des politiques publiques plus exhaustives et donc plus fructueuses en matière de genre et développement. Mieux, je me propose, depuis mon lieu de détention arbitraire, de rédiger bénévolement pour notre pays, les termes de référence techniques relativement aux travaux préparatoires et à l’organisation de cet atelier d’experts », suggère, de bonne foi, l’Experte en inclusion financière.

Et pour montrer son attachement à la question de la représentativité de la femme dans les organes de décision, Reckya Madougou invite le Président de la République à nommer au moins 30% à 50% de préfètes et de femmes ministres dans son prochain gouvernement, assorti d’une signature de contrats de performances pour toute l’équipe. Ce qui permettra, selon elle, d’évaluer à terme, l’apport d’une telle politique dans la machine gouvernementale. « L’exercice mériterait d’être étendu au décret portant attributions, organisation et fonctionnement des ministères aux fins d’insister auprès des ministres pour des proportions de nomination de cadres féminins », a-t-elle ajouté.

Sur toute la ligne, Reckya Madougou aura montré son attachement à la cause des femmes. Elle a fait des propositions honnêtes, sans aucune connotation politique, pour faire avancer le débat et amener le Bénin à prendre le lead en Afrique sur la problématique de la représentativité des femmes dans les organes de décision. Elle apporte ainsi aux gouvernants actuels une contribution de haute facture sur la question du genre. Une tribune à lire et à relire.

Bertrand HOUANHO

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