Bénin: Le piège d’une révision en fin de mandat

On y est encore ! On croyait le débat sur la révision de la Constitution clos, après les modifications apportées à la loi fondamentale en 2019. Erreur ! il est encore d’actualité. Et c’est le tout nouveau président de l’Assemblée nationale, 9e législature qui a levé un coin de voile sur la possibilité d’une autre révision de la Constitution, 4 ans seulement après la première. Et cette fois-ci, le risque est grand que cette révision intervienne en fin de mandat de Patrice Talon, avec toutes les suspicions qui entourent les modifications de la loi fondamentale en fin de mandat.

 

Si Patrice Talon a tenu à opérer une révision de la Constitution en début de mandat, dès 2016, c’est justement pour éviter les suspicions qui entourent un tel projet quand il intervient en fin de mandat. D’ailleurs, l’actuel chef de l’Etat béninois avait trouvé que l’échec des tentatives de révision sous les mandants de ses prédécesseurs est lié au fait que l’initiative prenait corps toujours en fin de mandat. De ce fait, elle était vouée à l’échec d’avance parce que l’opinion publique nationale et internationale soupçonnait à chaque fois une volonté de s’éterniser au pouvoir. Patrice Talon a voulu faire les choses autrement. Et si le parlement d’alors était acquis à sa cause, la révision interviendrait en 2017 et non 2019. Mais qu’à cela ne tienne. Patrice Talon a fini par avoir sa révision en 2019, même s’il aura fallu, pour cela, que l’opposition soit empêchée de siéger à l’Assemblée nationale. Avec un Parlement composé rien que des deux partis siamois soutenant le chef de l’Etat, la révision a été opérée, passée comme une lettre à la poste en 2019, le jour de la Toussaint. C’est alors que l’abolition de la peine de mort, le principe d’une meilleure représentation du peuple par les femmes, l’avènement d’un poste de vice-président de la République ou encore la création de la Cour des comptes, pour ne citer que ces innovations, ont été consacrés dans la Constitution. La réforme de mandat unique, de même que celle devant consacrer la disparition de certaines institutions jugées budgétivores ont disparu. On ne sait plus pourquoi ces réformes qui ont fait objet de campagne lors de la présidentielle de 2016 ne sont plus jugées opportunes quand l’occasion s’est présentée.

Une fois la révision acquise, le principe de deux mandats sert de caution pour montrer à l’opinion qu’il ne s’agit pas d’une révision opportuniste. C’est encore le cas aujourd’hui. «…dans un esprit de concertation, nous pourrions courageusement envisager de porter à la Constitution, les retouches qui s’imposent, en vue de son amélioration constante, tout en conservant les fondamentaux, notamment l’option républicaine et démocratique et la limitation à deux (02), du nombre de mandats du Président de la République », a laissé entendre Louis Vlavonou. Chaque fois qu’il est question de réviser la Constitution, il suffit de sortir cette phrase pour dissiper tout malentendu. Seulement en droit, tout est possible. Dire que la révision ne touche pas le nombre de mandat n’a jamais été une fin en soi en Afrique, surtout quand elle intervient en fin de mandat. Si le dessein non avoué du chef de l’Etat est de s’éterniser au pouvoir, il se trouvera toujours des spécialistes de droit pour soutenir l’argument selon lequel, la révision intervenue ouvre la voie à un autre mandat. C’est pour éviter ça que le chef de l’Etat a voulu que si révision il devrait avoir, cela devrait s’opérer en début de mandat. On ne sait donc plus pourquoi le président de l’Assemblée nationale évoque l’idée d’une révision maintenant. Si Patrice Talon devrait se tenir à sa logique, ce débat n’a aucune raison d’être à 3 ans de la fin de son mandat. Il devrait se consacrer à finir en beauté, quitte à ce que le prochain président qui sera élu en 2026 juge ou non nécessaire d’opérer une autre révision de la loi fondamentale.

 

M.M

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