Mémoire du chaudron: Épisode 5

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L’ancien Conseiller technique à la communication du président Boni Yayi, Tiburce Adagbè, rend public ses mémoires des faits vécus à la présidence de la République entre 2006 et 2011. Intitulés la « Mémoire du chaudron », les écrits croustillants de Tiburce Adagbè rentrent dans les méandres du pouvoir Yayi. Ainsi, revivez désormais et ce tous les jours à partir de 21 heures, un épisode de ce récit de première main, sur le site internet du Journal Matin Libre

Mémoire du chaudron: Épisode 5

En remontant ce jour-là les escaliers en colimaçon qui donnaient sur le dernier étage du bâtiment de l’intendance du palais, où se trouvait mon bureau, je ne pus m’empêcher de repenser à la visite marquante que me rendit « Maman Glessougbe », un jour de janvier 2016 à mon domicile dans l’arrière-banlieue de Akassato. La soixantaine dépassée, cette brave femme n’en avait pas moins gardé sa vivacité d’esprit et sa combativité. C’était une mobilisatrice de renom dans toute la zone de Vidolé à Abomey. Ce fut donc à bon escient que j’allai faire du prosélytisme chez elle quelques mois plus tôt, lors de l’une de mes descentes à Abomey. Elle marqua beaucoup de réserve, étant déjà sollicitée dans les structures locales de campagne du candidat Adrien Houngbedji. Je dus donc lâcher prise et battre en retraite, en faisant contre mauvaise fortune bon coeur. Ma surprise fut donc grande lorsque ce jour-là, alors que je récupérais, chez moi, de la grande fatigue de l’organisation de l’investiture du candidat Yayi Boni, au palais des sport de l’anciennement stade de l’amitié et au cours de laquelle se révéla l’artiste GG Lapino, la dame s’annonça à mon portail. Non sans méfiance, je la fis introduire dans mon séjour. A la gravité de son regard et aux petits toussotements qu’elle émit après que je lui eu servi de l’eau, je compris qu’elle avait quelque chose de préoccupant à me dire. N’étant pas de nature à apprécier les suspens, je l’aidai immédiatement à accoucher.

 » Mon garçon, enclencha-t-elle, je viens comme ça d’Abomey, juste pour te parler. J’ai déjà parlé avec ton père et ta mère qui m’ont proposé de venir te parler directement. Ils regrettent ne plus pouvoir traiter certains sujets avec toi depuis que tu es devenu sisinnon (chrétien évangélique). Mais à mon âge, on ne prend pas une grande décision, sans d’abord aller « prendre ça voir ». Eh bien je l’ai fait à propos de ton monsieur (gnan towe). Je suis allée chez un de mes vieux à qui le fâ est encore très soumis. L’oracle n’a pas begayé. C’est du djogbe. Tous les cauris sont ouverts. Ce que tu nous apportes sur la terre des dadas est solide ». Elle marqua une courte pause, essaya d’évaluer l’effet que cette déclaration me faisait, puis reprit :  » mais c’est la mise en garde qui a accompagné la parole de l’oracle qui me motive à venir te voir. Ton messieur sera élu haut les mains. Mais le fâ prévient que quiconque l’aidera à prendre le pouvoir, en gardera une immense amertume ».

Elle se tut à nouveau pour provoquer une réaction de ma part. Mais sans savoir pourquoi, ses révélations ne me firent pas le moindre effet. L’éclatant succès de la cérémonie de déclaration de candidature de la veille me grisait encore. J’étais gonflé à bloc. Plus rien ne pouvait arriver, pensais-je. La pauvre dame, voyant le peu d’intérêt que produisait sur moi sa démarche, conclut la séance de façon presque lapidaire :  » dahovi, c’est juste cette mise en garde que je tenais à te porter. Si ça marche pour toi, ça marchera nous aussi ». Puis elle ajouta, sur le ton de la plaisanterie :  » je vois vraiment que les sisin nous ont arracher nous enfants les plus chers ». Je répondis par une autre blague dont je ne me souviens plus, mais qui eut le double avantage de détendre l’ambiance et de fermer le sujet.

Cependant, j’avais beau être sisinnon, cette visite s’installa durablement quelque part, sur le disque dur de mon esprit. Et la première personne sur qui je commençai par constater la douloureuse réalité de cette révélation n’était ni plus ni moins Charles Toko.

Mon contact avec Charles était assez distant et vague jusqu’à ce jour de début 2004, quand je reçus son coup de fil, me demandant si je pouvais passer le voir à son bureau sis à Atinkanmey. Nous avions bien quelque chose de commun et ce n’était pas Yayi Boni. Nous étions tous deux du quartier Yebouberi à Parakou. Moi pour y être né et lui pour en être autochtone. J’avais fait comme lui le CEG1, mais lui devait avoir six où sept années académiques sur moi. C’était donc un grand frère du quartier mais qui était si effacé que quand je découvris sa signature des années plus tard dans une ancienne parution du journal des étudiants « Le Héraut », je ne pouvais plus faire le lien avec sa personne. D’ailleurs ce n’était pas Charles qui marqua les papilles gustatives de tous les enfants du quartier Yebouberi de Parakou. C’était sa mère. Elle avait établi sa solide notoriété de boulangère traditionnelle, avec ses boulettes de pain doré au goût sucré- salé et que nous appelions  » pain Baba Moussa ». Ses fourneaux en terre cuite dressés au centre de la maison Baba Moussa, en face de la mosquée centrale de la ville, nous maintinrent longtemps captifs. Voilà sommairement ce qui pouvait être nos liens, jusqu’à notre contact de ce soir-là. Arrivé à Atinkanmey, je le trouvai très motivé et surtout entreprenant. J’en fis immédiatement un compte-rendu enthousiaste à Yayi qui, tout en prenant positivement ce ralliement qui lui tombait sur la tête, se montra néanmoins très circonspect.  » Maintiens le contact avec lui », m’avait-il finalement ordonné. Puis l’incroyable énergie de Charles entra dans le jeu et changea profondément la physionomie du dossier Yayi. Au fil de nos contacts devenus quotidiennes, je découvrais un peu plus ce personnage singulier qui ne pliait pas, mais qui cassait très vite. C’était un émotif fragile, mais surtout un travailleur acharné qui croyait autant à la vertu de l’effort rationnel qu’aux solutions irrationnelles venus de quelque lieu ésotérique de Gamia ou de Kouandé. Les deux années que je passai avec lui, à travers des réunions politiques secrètes, des comités de réaction, des petits cercles de barbouzes, me montrèrent son niveau d’engagement au yayisme naissant.

C’était lui qui me présenta pour la première fois Edgard Guidibi et Didier Aplogan.

Mon premier contact physique avec Edgard Guidibi eut lieu dans le bureau de Charles à Atinkanmey, un soir de 2005. Edgard y était déjà quand j’arrivai. Je le trouvai à son aise cet étroit bureau encombré où nous passâmes une demi-heure. Je l’avais déjà suivi quelques fois avec beaucoup d’incrédulité, quand il développait ses théories de Dale Carnegie sur la télévision nationale. Mais c’est ce que Charles m’en a dit ce soir-là qui suscita mon intérêt pour lui.  » Tiburce, m’avait-il dit, il est brillant et peut nous aider ». Guidibi prit alors la parole sans complexe et nous fit un cours magistral de développement personnel qui eut le don de m’agacer furieusement. Pendant son développement, Charles saisit une feuille de papier qu’il se mit en défi de plier et de rendre le plus petit possible avant de l’envoyer dans la bouche pour d’intenses moments de machouillage. C’était bien la preuve que Guidibi l’ennuyait déjà aussi. Puis le jeune orateur finit par la question que nous redoutions le plus : « votre gars a-t-il les moyens de ses ambitions ? ». Je laissai lâchement Charles s’occuper de la patate chaude. Je n’ai pas grande mémoire de ce qu’il répondit. Je me souviens par contre comme si c’était hier, du verdict de Guidibi :  » votre gars a peut-être toutes ses chances. Mais si dans trois mois il ne parvient pas à mobiliser les moyens de ses ambitions, il sera trop tard ».

Je repartis de Atinkanmey, un peu assommé. Je ne revis plus Guidibi qu’après le 06 Avril 2006, quand Yayi m’envoya lui remettre mon Curriculum Vitæ….

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