Transformation agroalimentaire: Angèle Tawari, l’héroïne des fruits à Natitingou

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Au Bénin, il n’est pas rare de voir, faute de transformation, des fruits pourris dans les vergers ou être cédés à vils prix.  Mais, de petites unités de transformation prennent corps.  Au nord-ouest du Bénin, plus précisément à Natitingou, depuis 8 ans, Angel’s floor, une entreprise de transformation des produits agroalimentaires donne de la valeur aux fruits. A la manette, Angèle Tawari, 31 ans.

 

C’est octobre ! Mois par excellence dédié au consommons local. Dans son unité de production, Angèle Tawari et son équipe mettent les bouchées doubles pour répondre aux sollicitations. Dans cette commune située aux flancs des chaînes de l’Atacora, cette jeune entrepreneure transforme avec dextérité le  fonio, le baobab, le néré et les mangues en des jus ou croustillants très appréciés sur le marché. «J’ai choisi l’entrepreneuriat parce que je veux laisser des traces indélébiles. C’est l’un des meilleurs moyens d’être autonome. C’est le chemin par lequel je peux me rendre utile pour ma communauté, réduire le taux de chômage», confie-t-elle fièrement.

A Angel’s floor, la farine issue du fonio sert à plusieurs usages. Généralement utilisée pour faire de la bouillie et de la pâte, Angèle Tawari et son équipe s’en servent aussi pour la fabrication des gâteaux, des biscuits, du couscous (fonio précuit). La pulpe du baobab, souvent destinée à la consommation surplace sans transformation intermédiaire, qui accompagne très bien les bouillies et permet de faire des jus instantanés à la maison, des crèmes, et des yaourts,  reçoit dans cette unité, une touche particulière. «Non seulement, nous la raffinons, mais à cette pulpe sont ajoutés des compléments alimentaires de sorte à créer du Biscbab communément appelés pastilles de baobab. En réalité, une partie de la pulpe de baobab est conditionnée et vendue et l’autre partie est transformée en pastille ou biscuit de baobab appelée biscbab», fait savoir l’entrepreneure.

Ces biscbab de Angel’s floor se présentent sous  sept différentes saveurs. A savoir, du biscbab nature qui n’est fait que de la pulpe de baobab, du biscbab au gingembre, un mélange de la pulpe du baobab au gingembre, du biscbab au curcuma, du biscbab à l’artémisia, du biscbab au bissap, du biscbab au néré, du biscbab au fagara. A côté des biscbab,  «nous faisons des biscuits à base de néré, du fonio au coco ou non. Pour ce qui est des mangues, nous avons de la mangue séchée, des confitures de mangue et d’autres fruits de saison, comme bientôt la papaye», renchérit la promotrice de Angel’s floor. L’autre spécialité de cette maison de transformation de produits locaux est la farine enrichie à base de fonio, de pulpe de baobab, de dartre, de graines de baobab, de fretins, utilisée dans l’alimentation pour la croissance des enfants.

De 20 000 F Cfa à 15 millions de chiffre d’affaires en 8 ans, Angel’s floor, ça se raconte …

Née le 28 janvier 1989 à Natitingou, Angèle Tawari est diplômée d’une Maîtrise en Géographie. Actuellement en année de Master, filière Entrepreunariat, en ingénierie agrobusiness et ingénierie coopérative, l’originaire de Boukoumbé (localité située à 50 km de la ville de Natitingou) n’a pas voulu fini sa course académique dans l’enseignement comme bon nombre de ses pairs. «Je ne pense pas vouloir enseigner mais aussi, le chômage n’est pas un mot qui figure dans mon vocabulaire. Donc, je me préparais à entreprendre à ma sortie…», fait-elle savoir.

De là, elle créa en  2012, Angel’s floor, alors qu’elle était encore étudiante en 3ème année. La structure sera officiellement enregistrée dans les registres de la Chambre du commerce en 2015. Cette année-là, l’envie a atteint son summum quand  la patronne de Angel’s floor a pris part au programme Binational economic independance course for women (Beicw) mis en œuvre par les centres culturels américain du Bénin et du Togo. Lequel programme a réuni cent (100) jeunes entrepreneures des deux pays. «Nous avons commencé avec 20 000F Cfa et le salon de ma maison était mon lieu de transformation des produits. On a acheté 10 kg de farine de baobab et 15 kg de fonio. Mais aujourd’hui, si ce n’était à cause de la crise sanitaire liée au coronavirus, on serait déjà à 15 voire 17 millions de chiffre d’affaires. L’année passée, on a fait environ 10 millions de chiffre d’affaires. De même, l’Etablissement Angel’s Floor a évolué et dispose aujourd’hui d’une unité de transformation semi moderne», explique Angèle Tawari. Un exploit, malgré un environnement assez concurrentiel mais, qu’elle ne redoute pas. «La concurrence, c’est la meilleure manière de se remettre en cause chaque fois. Nous regardons les concurrents comme des challengers qui nous poussent à aller toujours plus loin. A sortir de notre zone de confort, à réfléchir et innover», estime-t-elle.

Combler les vides, un challenge

Pour chaque entrepreneur, là où il y a un problème, c’est une solution. C’est une assertion que partage Angèle Tawari. Et, ceci peut expliquer pourquoi dans l’univers de la transformation et de la valorisation des produits agroalimentaires au Bénin, Angel’s floor reste une marque déposée. «Nos produits sont choisis selon certains critères. D’abord, c’est une façon pour moi de revendiquer mon identité culturelle. Nos produits sont peu connus ou mal exploités mais regorgent de beaucoup de vertus. Ils sont périssables donc, le besoin se fait sentir à certains moments. Ainsi, là où il y a un vide, j’essaye de le combler», laisse-t-elle entendre. Chaque fois qu’elle identifie un produit qui n’est pas bien connu et qui en soi constitue une richesse, elle saisit la balle au bond. Comme, raconte-t-elle, le Néré dont nos mamans utilisaient juste les graines et jetaient la poudre dans les rigoles, étouffant les poissons dans l’eau, alors même que cette poudre est riche en vitamine A.

Par ailleurs, l’entreprise ne se limite pas à conquérir le marché béninois. La géographe vise loin. «Nos produits sont toujours disponibles dans toutes les grandes villes au niveau des supermarchés et boutiques du Bénin avec des présences au Burkina-Faso, au Congo Brazzaville, en République démocratique du Congo (Rdc), au Gabon, en Europe (notamment en Guirlande). On est présent partout où le besoin se fait sentir et la meilleure manière, c’est la vente en ligne», déclare la transformatrice. Les produits, à l’entendre, sont gardés dans des emballages qui permettent de conserver le plus longtemps possible les vitamines qui s’y retrouvent. Ils sont le plus proche possible du biologique et «si, nous faisons le rapport qualité-prix, ils sont à des prix très accessibles», fait-t-elle savoir.

L’autre aspect sur lequel repose le succès de l’entrepreneure réside en la répartition des tâches. Avec une direction qui coordonne les activités de l’entreprise, un service production qui travaille à la disponibilité de la matière première et des produits transformés, un service commercial qui assure la gestion des ventes et des clients ainsi que la disponibilité des produits dans les supermarchés et boutiques, un service marketing et l’apport des principaux partenaires de l’Etablissement Angel’s Floor (TechnoServe ; une structure qui travaille avec les entrepreneurs des pays en développement pour créer des exploitations agricoles, des entreprises et des industries compétitives ; Cepi Développement, une structure qui accompagne des entreprises en gestion comptable ; la Clcam, institution de microfinance), tout va pour le mieux puisque des difficultés ne manquent pas, va-t-elle notifier. Elles se résument entre autres, à la fluctuation de la matière première, l’accessibilité au marché régional surtout international, la crise sanitaire du coronavirus, l’accès aux crédits. «Les banques, ce n’est pas toujours facile. C’est un taux d’intérêt assez élevé avec un délai de payement très court. Une autre difficulté, c’est l’indisponibilité de l’eau en saison sèche. A Angel’s floor, nous utilisons l’eau de la Soneb. Notre souhait, c’est de pouvoir disposer d’un forage. On a aussi pour ambition de rendre la matière première disponible grâce à la production. Ceci nous permettra de réduire le coût de production, d’augmenter la marge bénéficiaire et donc le nombre d’employés pour plus de performance», souligne Angèle Tawari.

Mais déjà, les 08 années d’expérience d’Angel’s floor ne sont pas passées inaperçues dans l’univers des Oscars. En 2017, l’Etablissement a reçu le prix de l’innovation la plus respectueuse de l’environnement organisé par la Faculté des sciences agronomiques de l’Université d’Abomey-Calavi (Uac). Avant cela, il a été lauréat (deuxième place) du Technoserve avec le  Projet de compétitivité et de croissance intégrée (Pcci) des entreprises organisé par Technoserve et subventionné par la Banque mondiale et le gouvernement béninois. Suivront, en 2018, le prix de l’innovation avec les biscuits de néré organisé par l’ONG ‘’Act for Development’’ ; le prix de la meilleure entreprise féminine offert par BéninBiz, en 2019. La même année, Angel’s floor a reçu une distinction de ‘’Bénin cajou’’ dans le cadre de la célébration de la Journée de la femme agricultiste et en 2020, le trophée des oscars de la meilleure entreprise ayant mis en place des actions de développement communautaire et local.

Faire consommer local, par amour

Le choix de la valorisation des produits locaux à Angel’s floor n’est pas anodin. Ça s’explique. Aux dires de Angèle Tawari, «Ce n’est pas une question pour le gain tout de suite. C’est une question d’amour, de leadership. C’est aussi lutter pour la protection de l’environnement. La santé est gage du bien-être. Consommez les produits locaux tout simplement, parce que vous vous aimez, vous aimez votre pays et vous avez le souci du développement communautaire. Consommer les produits locaux, c’est œuvrer pour le bien-être de sa propre bourse, l’économie locale. Quand vous consommez les produits locaux, c’est au moins dix personnes que vous encouragez à continuer dans leurs efforts. C’est plus de 50 femmes qui se retrouvent dans les zones rurales avec de petites activités qui leur permettent de prendre soin de leurs progénitures. Quand chacune de ses 50 à 4 enfants, ça fait 200 personnes. Donc, acheter un produit local, c’est permettre à 200 personnes en moyenne de manger à leur faim. En résumé, c’est s’aimer et prouver l’amour qu’on a pour les autres», soutient-elle. D’ailleurs, Angel’s floor ne travaille qu’avec des artisans locaux. Ces équipements sont également fabriqués au Bénin. Et, avec une équipe de 14 personnes dont 12 femmes, notamment des veuves, des femmes abandonnées, des filles enceintes et déscolarisées, Angèle Tawari  construit autour d’elle, une pépinière de femmes entrepreneures. Toute chose qui participe de l’autonomisation économique de la femme pour une croissance inclusive.

 

 Cyrience KOUGNANDE

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