Me Robert Dossou sur la situation politique au Bénin: « La production législative est devenue crisogène »

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L’ancien président de la Cour constitutionnelle, Me Robert Dossou se prononce à nouveau sur la crispation de la situation sociopolitique au Bénin. Dans un entretien accordé au journal catholique La Croix, l’homme a évoqué la production législative au Bénin ces dernières années, l’arrestation des opposants…

 

<< Depuis quelques années, la production législative est édulcorée au Bénin. Elle est même devenue crisogène, puisque certains pensent qu’on peut tout régler par le vote de lois et leur application immédiate. Le Protocole de la Cédéao du 21 décembre 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité du 10 décembre 1999, dispose en son article 33 que : « Les états membres reconnaissent que l’état de droit implique non seulement une bonne législation conforme aux prescriptions des droits de la personne, mais également, une bonne justice, une bonne administration publique et une bonne et saine gestion de l’appareil d’état. Ils estiment de même qu’un système garantissant le bon fonctionnement de l’état, de son administration publique et de la justice contribue à la consolidation de l’état de droit ». Nous avons perdu de vue cette disposition de la Cédéao que nous avons ratifiée. Il y a dans notre corpus législatif de ces cinq dernières années, des lois qui sont contraires à cette prescription sous-régionale. Je donnerai deux exemples.

 Aux dernières élections municipales, communales et locales, le Parti du renouveau démocratique (Prd) a écrasé tout le monde dans le Département de l’Ouémé. Pourtant, le Prd n’a pas eu un « seul  conseiller » municipal parce que frappé par le coefficient de 10% appliqué au plan national. Dans un pays où la démocratie locale est pleine et entière, l’école, la santé, le vivre au quotidien de chaque citoyen est déterminé par les élections locales. Ce qui est local doit demeurer local et ne pas être déterminé par le vouloir national.

Deuxième exemple : L’état béninois utilise sa justice pour contrer la décision définitive rendue par le Tribunal arbitral international dans un dossier sensible. Il engage la procédure pénale contre la société qui l’a fait condamner en arbitral contre les dirigeants, responsables et partenaires de cette société. Et pourtant, en première instance et en appel, les organes d’instruction ont renvoyé les mis en cause devant la formation correctionnelle de jugement de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). J’ai fait un pourvoi en cassation. Ce qui est suspensif. Le pourvoi a été fait le 18 juin 2020, date où la Chambre d’appel de la Criet a statué. Eh bien, le 9 septembre 2020, une loi intervient pour arracher à la Cour suprême sa compétence de statuer sur l’appel formé contre les arrêts de renvoi. Elle doit attendre jusqu’à ce que la Criet juge l’affaire au fond, et que le jugement de la Criet devienne définitif avant de statuer sur l’arrêt de renvoi des organes d’instruction. Or en droit, il y a ce qu’on appelle des droits acquis. Dès lors que le mis en cause a fait un pourvoi en cassation le 18 juin 2020, aucune loi ultérieure ne peut venir remettre en cause cette cassation. Il y a dans notre corpus législatif aujourd’hui, plusieurs points de ce genre-là qui crispent le citoyen. Pour construire un état, il faut des lois qui conservent leur caractère général et impersonnel ; des lois qui créent des traditions et des comportements. Nous ne pouvons pas rafistoler tout le temps. Et nous ne pouvons pas faire table rase du passé>> a déclaré l’avocat. A l’en croire, il importe que l’information précède le vote d’une loi afin de ne point être source de crises.

 La justice inquiète…

Pour Me Robert Dossou, si la loi est le support de la justice, cette dernière traine aujourd’hui elle-même des problèmes. << Les juges sont indépendants lorsque l’Etat n’est pas concerné par le dossier. Mais lorsque l’Etat est concerné, il y a problème. Je sens dans le pays que ce que nous avions connu sous la Révolution marxiste-léniniste revient. Sous la Révolution, j’ai constaté que les cadres n’osaient pas donner leur opinion ; alors que ce sont des cadres compétents et qui vous livrent des analyses impeccables, et puis quand ils arrivaient à la fin, ils mettaient : « Voilà les éléments que je voudrais soumettre à votre appréciation. Vos instructions m’obligeraient ». Ils ne donnaient jamais leurs opinions et leurs propositions. Or, ils auraient pu le faire pour aider le chef de l’Etat à mieux gérer. Si donc nous ne libérons pas réellement la parole, nous allons créer autour du chef de l’Etat un cocon d’hypocrisie totale et l’efficacité de chaque action s’en trouverait au mieux diminuée, sinon anéantie » déplore Me Robert Dossou…

Présidentielle 2021 et l’exclusion

« La plus grande faiblesse du processus électoral qui a conduit à la réélection du président de la République est l’exclusion. On ne peut pas dire que cette élection a été inclusive. Parce que dès la fin de l’année 2019, tout était bouclé. N’est candidat désormais à quelque chose, que si vous y êtes agréé.  Ne m’en faites pas dire davantage.  Car, c’est la première fois qu’on fait une élection présidentielle au Bénin et qu’aucun candidat n’a fait un recours.  Ça veut dire que les choses sont si parfaites que personne n’a eu à se plaindre. Pour le Béninois, c’est étonnant. Parce que le Béninois aime le contentieux. Dans un pays, il faut que le contentieux contre l’état soit animé, et que les juges qui vont trancher ce contentieux soient libres pour ne pas hésiter à donner tort à l’état. On n’évolue pas aujourd’hui sur ce terrain » analyse l’homme de droit. Toutefois, il estime que la clé de la décrispation de la situation sociopolitique se trouve aux mains de l’Exécutif. <<Si l’exclusion ne devient pas l’inclusion, nous aurons toujours la tension. Le remède principal est entre les mains du Gouvernement. La justice ne peut pas être dans une société, un épouvantail, un objet de terreur et de peur. Il faut qu’elle reprenne toutes ses prérogatives. Le citoyen doit reprendre confiance en elle. J’ai vu venir des magistrats qui étaient bons, très bons, compétents, méticuleux, corrects et indépendants. Mais aujourd’hui, je revois les mêmes magistrats rendre des décisions qui ne leur ressemblent plus. C’est des choses qu’il faut dire et que personne ne veut dire, en se réfugiant derrière des murmures. Cela fait hypocrisie. Or quand on le dit, ça peut réveiller quelqu’un. Car la vérité est le fondement de la durabilité. Le mensonge, c’est l’instantané, c’est la précarité. Et lorsque vous construisez sur la vérité, vous pouvez être assuré de la pérennité. Or tout acte public aspire à être un acte pérenne et non un acte ponctuel qui disparaît trois jours après. Et c’est en discutant, en échangeant, en acceptant qu’on puisse relâcher un peu de lest, qu’on trouve la solution>> préconise Me Robert Dossou.

A.B

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