Industrialisation au Bénin pendant la “Révolution“: “Deux choses ont ruiné cette expérience“, dixit John Igué

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Dans un entretien accordé au quotidien du service public, l’ancien ministre de l’Industrie chargé de la restructuration des entreprises publiques, John Igué, a évoqué l’industrialisation au Bénin sous le régime Kérékou notamment durant la “Révolution“. Selon ce dernier, deux aspects justifient l’échec d’une expérience pourtant de “très grande qualité“.

 

« Pendant la révolution, les dirigeants ont voulu structurer l’économie béninoise. Ils ont fait beaucoup d’efforts. Il y a eu plusieurs commissions d’orientation économique. Ces commissions ont débouché sur le fait que sans structurer l’économie béninoise autour des activités industrielles, on ne peut pas moderniser le pays. Et pendant ce temps, ils ont réussi à créer 152 unités industrielles. C’est le plus gros effort que la révolution a fait en y injectant des milliards. Deux choses ont ruiné cette expérience qui est une expérience de très grande qualité. Dans la création industrielle, non seulement on donne de la valeur ajoutée aux productions locales primaires mais on forme les gens techniquement. Cet aspect de la formation technique est plus important que la rentabilité des entreprises. Or, c’est sur la rentabilité des entreprises que tout le monde insistait. Ce n’est pas seulement la question de la rentabilité, c’est la question de la formation des cadres compétents pour gérer l’Etat. C’est à travers des activités techniques de haut niveau qu’on peut former de grandes compétences et non à travers ceux qui gèrent les parapheurs, les correspondances administratives.

Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que tous les cadres de l’administration gèrent les correspondances administratives seulement. Donc, il n’y a pas de valeur ajoutée dans la formation technique. C’est ça le problème que nous avons aujourd’hui, et depuis l’ajustement structurel…Mais au niveau de l’administration publique, il n’y a aucune formation technique, aucune valeur ajoutée à la formation. Rédiger les textes administratifs, faire pousser les parapheurs, ça ne forme pas les gens. Or, c’est ce qu’on fait dans les ministères aujourd’hui. Donc, c’est par les activités productives de haut niveau qu’on peut former des cadres compétents. Or, ces activités productives de haut niveau commencent d’abord par l’industrialisation » a-t-il déclaré. Tout en saluant la décision du gouvernement actuel de poser les bases d’une véritable industrialisation, il a reconnu que des efforts avaient été consentis même si les résultats n’ont pas suivis. «…la révolution…n’a pas eu les résultats escomptés en ce qui concerne les bénéfices qu’on devrait tirer de la production industrielle. Ces bénéfices ont été compromis par trois situations. La première, c’est le marché d’écoulement parce que si vous voulez faire de l’industrie, il faut régler la question de qui va consommer les produits qui vont sortir des usines. Cette question du marché n’était pas bien réglée à l’époque. Or, tous les efforts qui ont été faits pour produire ici, ont été plombés par nos pays voisins qui ne voulaient pas de notre expérience révolutionnaire…Le deuxième problème qu’on a eu, c’est le financement continu des intrants industriels. On n’a pas veillé à cette question. Quand on a besoin des matières premières, il faut les acheter quelque part. Et il faut trouver de l’argent pour le faire. Or, comme on n’arrivait pas à vendre ce que les industries produisaient, on n’a pas pu dégager de profonds bénéfices. Troisième difficulté, c’est la pression internationale venant des bailleurs de fonds à travers les Programmes d’ajustement structurel (Pas) qui ont exigé de tous les Etats sous le Pas, d’abandonner le secteur industriel. C’est à partir de la lutte des ministres de l’Industrie de l’époque, vers les années 89 que la Banque mondiale était obligée de revenir sur sa décision pour dire que si les Etats ne s’engagent pas dans le secteur, il n’y aura pas d’industrialisation en Afrique. Parce que le secteur privé à qui on veut confier l’économie n’a pas la formation qu’il faut pour s’engager dans le secteur industriel…A l’exception du Nigéria, il n’y a pas de secteur privé africain qui soit dans l’industrie. Et au Nigéria, ça marche parce que l’Etat a réorganisé le secteur privé autour des spécialisations. Là-bas, ça a été très bien organisé. Les Ghanéens ont suivi les Nigérians en créant certes un secteur industriel dynamique mais essentiellement axé sur les Pme/Pmi » poursuit-il.

Une régression industrielle de l’Afrique

« Des indépendances à aujourd’hui, l’Afrique a perdu énormément en matière d’expériences industrielles. Comme exemple, jusque dans les années 80, on avait 42 unités industrielles textiles dans la sous-région. Aujourd’hui, il ne reste que 12. Toutes les autres ont fermé par faillite. Donc, on est en régression industrielle dans beaucoup de domaines. Les seules industries qui tiennent encore aujourd’hui, c’est la brasserie et la cimenterie qui sont des industries simples du point de vue de leur structure technique et de leur mode de financement » a déploré John Igué.

Le sort de la sucrerie de Savè

Evoquant la procédure de privatisation des unités de production sous la Révolution, il informe que deux options étaient admises : la vente ou la location. John Igué a surtout déploré à l’époque, le fait que seules les multinationales étrangères étaient intéressées par lesdites unités. « Le cas de la Sucrerie de Savè a été un grand choc pour moi. Des lobbies d’importateurs de sucre sur le marché international ont empêché les nationaux de s’intéresser à cette société. Alors que je n’avais besoin que de 10 milliards. Ils ont tout fait pour m’empêcher de mobiliser 10 milliards pour relancer Savè. On avait fait venir les Mauriciens pour nous apporter leur soutien. Les Mauriciens avaient besoin que les banques de la place leur prêtent seulement 6 milliards. Les banques ont refusé. C’est aussi ça les problèmes que nous avons rencontrés dans la privatisation. Pour contourner ces problèmes, on a dû faire les locations. On va louer les entreprises à des gens qui ont de l’argent. C’est par la location qu’on a réglé la question de Savè et d’Onigbolo et de tout le secteur du ciment. Par contre, on a pu vendre la Béninoise parce que c’est juteux. Et malgré que Castel l’ait achetée, il a fermé Parakou. Donc, à la place de deux unités de brasserie qu’on avait, on est aujourd’hui à une. Il y a une réduction de notre expérience industrielle dans ce sens. Mais là où on a connu le plus grand échec, c’est le secteur textile. On a fermé Ibetex à Parakou, on a fermé Sobetex à Cotonou et on a fermé la Sitex à Lokossa. On a complètement échoué alors que nous sommes actifs dans le secteur du coton et aujourd’hui nous sommes le premier producteur de coton en Afrique. Vous voyez que c’est une contradiction ! On a la matière première mais on n’a pas d’unités pour la transformer » déplore John Igué.

A.B

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