Haïti: Bras de fer politique pour sortir de l’impasse institutionnelle

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Haïti est entré dans une nouvelle phase de transition politique : ce lundi 7 février 2022 le président aurait dû passer le pouvoir à son successeur et quitter la tête du pays avec l’ensemble de son gouvernement. Mais Jovenel Moïse a été assassiné en juillet dernier. Depuis Haïti n’a plus de chef d’État mais est gouverné par un Premier ministre par intérim. Une partie de la classe politique et de la société civile estime que celui-ci aurait dû quitter le pouvoir hier. Mais Ariel Henry est toujours là. 

 

Le chef du gouvernement provisoire ne compte pas partir. Ariel Henry l’a encore répété ce lundi 7 février lors d’un discours à la nation : il ne quittera pas son poste avant de pouvoir transmettre le pouvoir à un nouveau président démocratiquement élu. Mais pour pouvoir envisager la tenue d’élections en Haïti, il faut d’abord régler le problème de l’insécurité. « Il faut arrêter tous les terroristes qui tirent sur les innocents, qui kidnappent tant les personnes âgées que les enfants », a reconnu le Premier ministre par intérim dans son allocution. Vu l’ampleur de la tâche, Ariel Henry s’est gardé cette fois d’annoncer un quelconque calendrier. Un changement de ton remarqué alors qu’il y a quelques jours seulement, ce médecin de formation avait encore affirmé vouloir organiser les élections d’ici à la fin de l’année.

Les gangs ont transformé « Haïti dans une prison à ciel ouvert » pour ses citoyens

Comme tant d’autres Haïtiens, le journaliste et écrivain Hérold Jean-François estime qu’ « il n’y aura pas d’élections en Haïti avant longtemps. Notre pays est contrôlé par des gangs qui empêchent la libre circulation des personnes, des biens et des marchandises. Il est aujourd’hui impossible de se déplacer d’un département à un autre sans risquer sa vie. Les bandits kidnappent en plein jour. Or, pour organiser des élections, il faut que la libre circulation soit garantie pour que les candidats puissent faire campagne partout sur le territoire national et pour que les électeurs puissent se rendre aux urnes sans crainte. Mais aujourd’hui, poursuit Hérold Jean-François, nous ne sortons plus que pour aller travailler, pour ceux qui ont encore un travail, ou pour faire des courses. Le reste du temps, nous sommes obligés de nous terrer à la maison. Haïti est devenue une prison à ciel ouvert. Comment peut-on envisager de tenir des élections dans de telles conditions ? ». D’autres Haïtiens s’interrogent : si Ariel Henry n’arrive pas à organiser des scrutins en raison de l’insécurité, combien de semaines, mois ou années va-t-il rester au pouvoir ?

Ariel Henry : un Premier ministre à la légitimité contestée depuis le début

La légitimité du Premier ministre par intérim est plus contestée que jamais. Ses concitoyens lui reprochent de ne pas avoir annoncé de programme sérieux pour lutter contre l’insécurité galopante. Il est aussi pointé du doigt par ses détracteurs pour ses liens avec un présumé auteur de l’assassinat du président.

Ariel Henry a été nommé Premier ministre par feu le président Jovenel Moïse deux jours seulement avant le meurtre de ce dernier. Quand le chef de l’État a été assassiné dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, Ariel Henry n’avait pas encore été installé dans ses nouvelles fonctions.

La Constitution haïtienne prévoit que le Parlement approuve le discours de politique générale pour qu’un Premier ministre puisse officiellement débuter son mandat. Mais en Haïti, où aucune élection ne s’est tenue depuis 2016, les mandats des députés et de deux tiers des sénateurs sont arrivés à leur terme en janvier 2020. Ariel Henry est donc « arrivé au pouvoir en dehors de tout cadre constitutionnel », constate la juriste et professeur d’Université, Youdeline Chérizard-Joseph. En juillet 2021, « presque toutes les institutions du pays étaient désarticulées. Le Parlement et la Cour de Cassation étaient déjà dysfonctionnels. Les institutions en Haïti ne pouvaient donc être d’aucun recours pour assurer une certaine stabilité et pour pouvoir organiser les élections et continuer à faire fonctionner l’État. Et c’est la raison pour laquelle la société haïtienne vit aujourd’hui un chaos sans précédent ».

La bataille pour l’avenir : une dizaine de projets de transition politique

Face à un tel vide institutionnel, les différentes factions politiques et de la société civile se disputent la légitimité pour proposer une sortie de crise. Il existe aujourd’hui en Haïti une bonne dizaine de projets de transition politique. L’un est celui d’Ariel Henry qui prévoit donc la tenue d’élections et la mise en place d’une nouvelle Constitution. Dix sénateurs, les derniers élus haïtiens encore en fonction, estiment avoir également leur mot à dire. La diaspora haïtienne a organisé un congrès politique en Louisiane, aux États-Unis, il y a quelques semaines. Et puis, il y a l’accord dit « de Montana », d’après le nom de l’hôtel où il a été signé.

Rédigé par une large coalition d’organisations de la société civile haïtienne, il prévoit une transition de deux ans. Du temps pour engager une transition qui se veut en rupture avec le statu quo et les mauvaises pratiques du passé réformant les institutions et notamment la justice. Lancer des procès sur des scandales de détournement de fonds publics ou encore sur des massacres dans des quartiers pauvres de la capitale, tel est le programme – que certains jugent trop ambitieux – pour mettre fin à l’impunité, améliorer ainsi la situation sécuritaire et in fine organiser des élections. Pour Hérold Jean-François l’accord de Montana pourrait être la base de l’émancipation d’Haïti « parce qu’aujourd’hui il y a une interférence inacceptable de la communauté internationale. Ce que concerne Haïti se discute au Congrès américain ou à l’Union européenne ou bien au sein du fameux Core Group, un ensemble de cinq diplomates en Haïti qui opinent sur tout », souligne l’analyste politique qui rappelle qu’ « Ariel Henry a été installé au poste de Premier ministre par un tweet du Core Groupe. On voudrait sortir de ce carcan et ensuite proposer une solution haïtienne à la crise que connaît le pays depuis plusieurs années ».

Ariel Henry : « Personne ne peut décider, en petit comité, de qui sera président ou Premier ministre »

Il y a dix jours, les membres de l’accord de Montana, en suivant le processus fixé dans leur texte, ont élu un président et un Premier ministre de transition. Il s’agit respectivement de l’ancien gouverneur de la Banque centrale haïtienne, Fritz Alphonse Jean, et de l’ex-sénateur Steven Benoît.

Dans son discours de ce lundi, Ariel Henry a opposé une fin de non-recevoir à ces désignations qu’il a qualifiées de « jeu d’enfant » et de « distraction » : « Personne n’a ni l’autorité ni le droit pour se réunir dans un hôtel ou à l’étranger pour décider, en petit comité, de qui sera président ou Premier ministre », a fustigé le chef du gouvernement provisoire qui a martelé que c’était aux Haïtiens de choisir leurs futurs dirigeants.

Ariel Henry a beau jeu de se poser en défenseur de la démocratie haïtienne puisqu’il a pour l’instant le soutien de la communauté internationale et notamment des États-Unis. Ainsi, le haut diplomate américain Brian Nichols a affirmé, il y a quelques jours, que « d’un point de vue juridique, le mandat du Premier ministre (Ariel Henry, ndlr) n’était pas lié à celui du mandat de feu le président Jovenel Moïse ».

 « Alors que la population souffre ce sont les intérêts particuliers qui priment »

 « Je ne crois pas que la communauté internationale soit prête pour une nouvelle expérience de transition haïtienne dont elle n’a pas la pleine maîtrise et le plein contrôle », analyse Hérold Jean-François. Les États-Unis continuent d’appeler les différents acteurs haïtiens à trouver un projet commun de transition politique. Mais force est de constater que « les initiateurs des différents accords ne veulent pas s’entendre », observe Youdeline Chérizard-Joseph. « À chaque fois qu’Haïti arrive à un carrefour où les acteurs politiques doivent se mettre ensemble pour sortir le pays de la crise, c’est toujours très difficile. Jusqu’à aujourd’hui, en dépit du fait que le chaos s’installe et que nous vivons dans une complète anomie, les acteurs restent sur leurs positions. Personne ne veut avancer. Ce sont les intérêts particuliers qui priment », regrette la juriste avant de conclure : « Pendant ce temps, c’est la population qui est en train de souffrir ».

« Vous savez ici en Haïti, on dit que les politiciens veulent leur part du gâteau, ajoute Hérold Jean-François. Le chaos profite toujours à ceux qui sont au pouvoir ».

Le président du Sénat, Joseph Lambert, a constaté de son côté ce lundi 7 février la fin du mandat officiel d’Ariel Henry qui, selon l’avis des sénateurs encore en fonction, ne devait plus que gérer des affaires courantes à partir de ce mardi. L’organisation d’élections et la rédaction d’une nouvelle Constitution n’en font pas partie.

 

rfi.fr

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