Opinion de Adjovi Sètondji Roland: Le Bénin et la Cour africaine, quel futur ?

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Le 23 avril 2020, le Ministre de la communication, porte-parole du Gouvernement confirme publiquement que le Bénin retirait sa déclaration qui permettait aux individus et aux organisations de la société civile de saisir la Cour africaine contre lui (ORTB, https://ortb.bj/politique/le-benin-ne-permet-plus-a-ses-citoyens-de-saisir-directement-la-cour-africaine-des-droits-de-lhomme/). Le 27 avril 2020, le Ministre de la justice explique que ce retrait découle de l’affaire Kodeih car la Cour n’a pas su se tenir à l’écart du droit des affaires, sa décision affectant la sécurité juridique dans les affaires au Bénin (ORTB, https://ortb.bj/politique/cadhp-les-raisons-du-desengagement-partiel-du-benin-2983/).

Il est difficile de contester cette justification car l’affaire existe bien, ainsi que la décision (Affaire Kodeih) et nous n’allons pas nous aventurer sur ce terrain peu constructif. Mais l’ordonnance judiciaire mise en cause date du 28 février 2020 et on est en droit de se demander pourquoi il a fallu deux mois pour que le gouvernement prenne cette décision de retrait. Par ailleurs, la compétence de la Cour en droit des affaires est indiscutable : le droit de propriété qui est au cœur de cette branche du droit est bien établi parmi les droits protégés par la Charte africaine et ce droit relève de la compétence classique des organes de protection des droits de l’homme, qu’ils soient nationaux ou internationaux. La Cour constitutionnelle du Bénin qui a une compétence spéciale en matière de droits de l’homme a aussi connu des affaires de ce type. Si les banques installées au Bénin et le secteur privé n’en avaient pas conscience, ils devraient rappeler leurs conseillers juridiques à l’ordre car c’est une évidence qui ne fait que se matérialiser avec l’ordonnance du 28 février 2020.

Toutefois, si on considère la temporalité de la décision de retrait, il y a un contexte dans la relation avec la Cour à prendre en compte et qui peut éclairer. Car le 17 avril 2020, la Cour a rendu une autre décision : dans la nouvelle affaire Ajavon, la Cour a ordonné au Bénin de suspendre la procédure électorale pour les communales. Le retrait intervient une semaine après cette décision majeure dans ses conséquences politiques sur le plan national. En fait, après une revue détaillée des affaires concernant le Bénin devant la Cour, il est certes clair qu’il y a une crise mais, en réalité, c’est une crise politique interne que l’opposition externalise dans la mesure où elle ne trouve pas d’issue sur le plan national. Et, sans devoir verser dans une polémique partisane inutile et dans le souci de contribuer à une prise de conscience sociale, il faut dire que cette crise naît des réformes constitutionnelles, législatives et électorales sous la présidence de Patrice Talon. En effet, la Cour est mise à contribution ici dans une logique de complémentarité : l’incapacité des organes nationaux à régler le différend a conduit l’une des parties à chercher la solution hors du Bénin. Il revient à la classe politique, l’opposition et surtout le pouvoir en place, de trouver un terrain d’entente. Si les parties n’y parviennent pas, elles devront se contenter d’une solution externe qui ne sera pas le fruit de compromis. L’avantage de cette solution, c’est que ce sera un précédent avec lequel l’opposition devra aussi vivre si jamais elle devait réussir dans sa conquête du pouvoir. En clair, Yayi, Ajavon, Koutche et consorts doivent être prêts à se plier au résultat judiciaire aujourd’hui et demain. C’est l’état de droit qui se construit et il n’y a pas lieu de s’en émouvoir autrement que positivement.

Pour la clarté du propos, il faut énumérer ici les affaires impliquant le Bénin devant la Cour africaine, sur la base de l’information publique disponible sur le site de la Cour elle-même :

Affaire No. 012/2018 Glory Cyriaque Hossou

Affaire No. 021/2018 Boukary Waliss

Affaire No. 028/2018 Bernard Anbataayela Mornah

Affaire No. 031/2018 Laurent Metongnon et 3 autres

Affaire No. 004/2019 XYZ

Affaire No. 020/2019, Komi Koutche

Affaire No. 021/2019 XYZ

Affaire No. 022/2019 XYZ

Affaire No. 023/2019 Thomas Boni Yayi

Affaire No. 057/2019 XYZ

Affaire No. 058/2019 XYZ

Affaire No. 059/2019 XYZ

Affaire No. 062/2019 Sébastien Germain Marie Aïkoue Ajavon

Affaire No. 006/2020 Ghaby Kodeih

Affaire No. 008/2020 Ghaby Kodeih et Nabih Kodeih

Affaire No. 010/2020 XYZ

Affaire No. 013/2020 Komi Koutche

Il n’est pas difficile de voir l’opposition en ordre de bataille à la Cour. Même l’affaire XYZ dont le nom découle de l’anonymat accordé au plaignant touche à la crise politique puisque le plaignant se préoccupe des procédures administratives et judiciaires concernant les mêmes hommes politiques (Lionel Zinsou, Sébastien Ajavon, Komi Koutche, Valentin Djenontin pour ne citer que ceux nommément identifiés dans les décisions de la Cour). Il n’est pas non plus difficile de constater que les mêmes avocats se retrouvent plus au moins, de part et d’autre. Cette logique de l’opposition n’est pas un succès puisque la Cour n’a pas suivi toutes les prétentions introduites. En gros, seul Ajavon aura eu le plus de succès à ce jour. Et la décision du 17 avril 2020 découle en partie de l’arrêt que la Cour avait rendu en sa faveur, puisque la Cour y sanctionne la non-conformité à cet arrêt.

Le pouvoir a une obligation majeure car il nous représente à ce jour et se doit de protéger les institutions et le système en place, au-delà de ses intérêts propres c’est-à-dire partisans avec pour essence sa permanence à la tête de l’Etat. Pour y parvenir, une gestion professionnelle s’impose. La décision de retrait ne permet pas, à mon humble avis, d’y parvenir : il faut mieux gérer les contestations devant la Cour avec une équipe qui gagne. Si je me présente devant le juge une fois et que mon avocat ne me permet pas de gagner, j’ai l’obligation de réévaluer ma relation avec cet avocat pour mieux me faire représenter la fois suivante. Et je dois revoir aussi ma stratégie, ma compréhension du droit, de la Cour, etc. La bataille judiciaire surtout internationale doit être objective et constructive et non partisane. Si l’opposition faillit, c’est normal : elle n’est pas au pouvoir et se bat pour y parvenir, avec une philosophie classique tous azimuts. Le pouvoir lui n’a pas droit à l’erreur car il fragiliserait encore plus le système, cette jeune démocratie béninoise. Un tel risque pour le pouvoir est d’autant plus oppressant qu’il se conjugue avec le risque de décevoir le peuple qui fera payer cher aux urnes. L’état de droit est la clé et la seule ambition à laquelle nous devons travailler, moi le premier en partageant mon humble avis par ce biais.

Pour conclure, il faut mettre la décision de retrait dans une perspective africaine. En effet, certains États sur notre continent entretiennent des relations tendues avec les juridictions internationales, notamment la Cour pénale internationale. Je pense au Soudan et au Kenya mais aussi au Rwanda et à la Tanzanie pour ce qui est de la Cour africaine. Je doute qu’une telle tension soit nécessaire encore moins productive, et j’ose espérer que le Bénin restera un état de droit où le pouvoir ne s’inquiète pas de la justice internationale mais sait tirer les avantages de cet autre niveau de contrôle pour donner au monde un exemple de contrôle judiciaire de la gestion du pouvoir politique. Ce serait une lettre de noblesse de l’état de droit que les Africains sauront apprécier à travers le monde.

ADJOVI Sètondji Roland

Philadelphie, 3 mai 2020

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