Mémoire du chaudron: Épisode 4

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L’ancien Conseiller technique à la communication du président Boni Yayi, Tiburce Adagbè, rend public ses mémoires des faits vécus à la présidence de la République entre 2006 et 2011. Intitulés la « Mémoire du chaudron », les écrits croustillants de Tiburce Adagbè rentrent dans les méandres du pouvoir Yayi. Ainsi, revivez désormais et ce tous les jours à partir de 21 heures, un épisode de ce récit de première main, sur le site internet du Journal Matin Libre

 

 

Mémoire du chaudron: Épisode 4

Nous marquâmes un arrêt dans la petite salle d’attente pour récupérer nos téléphones portables. Me retrouver enfin dehors, sur l’esplanade en haut des interminables escaliers d’honneur de l’ancien bâtiment du palais, me parut une délivrance. Le courant d’air marin qui me fouetta le visage, me fit le plus grand bien. Je ne réussissais vraiment pas à m’habituer à cette ambiance quotidienne de pression et d’intrigues.

Pression, oui c’est bien le mot! Avant 2006, j’avais très vite compris que Yayi était un boulimique du travail. Très lève-tôt, il était généralement sur pieds à 5h, quelque soit l’heure à laquelle il se couchait. J’ai pu m’en rendre compte pendant ces nombreux week-end que nous passâmes dans sa résidence privée d’alors à Tchaourou. C’était cet immeuble blanc massif au style colonial, bordé de filaos qu’aucun usager de la voie inter-États ne pouvait louper. Ce bâtiment me paraissait toujours très singulier, vu le très peu de capacité d’hébergement qu’il offrait, malgré sa taille très voyante. On pouvait traverser toutes sa largeur en quelques petits pas.

Yayi, disais-je, était un lève-tôt. Et pendant que je tournais paresseusement dans mon lit, accablé par le long voyage de la veille, sur des pistes rurales généralement en mauvais état, je pouvais l’entendre, depuis sa chambre à coucher, fredonner a voix intelligible des cantiques protestants. La fréquence de sa voix me renseignait qu’il exécutait les cantiques en vaquant à ses occupations. Il les chantait juste, il les chantait de mémoire, il les chantait avec une incroyable précision. En français et en nagot, il les chantait peut-être pendant une demi-heure, puis passait réveiller la maisonnée. Il lui arrivait de passer personnellement toquer sur chaque porte. Se réveiller aussi tôt avait surtout un côté très pratique. Car en ce moment-là, faire un petit déjeuner à Tchaourou était un vrai casse-tête. La petite ville qui n’était couverte par aucun réseau GSM, n’avait pas non plus la moindre boulangerie. Alors le vieux chauffeur Tankpinou devait se rendre jusqu’à… Parakou pour la moindre baguette de pain. Entre-temps, je pouvais apercevoir Yayi, seul, déambulant lentement, en pyjama, dans la vaste cour de la propriété, une petite radio vissée à l’oreille.

Il était très matinale sur les informations. Et cette habitude qu’il conservera après son élection à la présidence de la république, fera le malheur de toutes ses équipes de communication. Je fus d’ailleurs très surpris de remarquer un jour la présence de ce même poste radio que je connaissais très bien, dans son bureau à la Marina. Il suivait lui-même tous les programmes d’information, en commençant par « la grogne matinale » dont il mémorisait pour la journée toutes les interventions. Il se câblait ensuite sur la matinale de Canal 3 . Avec le temps, il connaissait tous les journaux qui passaient sur la revue des titres. Il devrait aussi bien connaître Sulpice Oscar Gbaguidi qui, derrière ses lunettes sombres de Mariam & Amadou, pouvait lui pourrir l’humeur sur plusieurs jours. Le problème, c’est que Yayi nous contraignait à adopter le même rythme que lui. Ce qui avait le don de m’agacer profondément. J’avais beau essayer de lui montrer le danger qu’il courait en allant de lui-même au contact avec les parutions des journaux, il y voyait plutôt un aveu d’incompétence de ma part. Et quand dans son bureau ce matin, je découvris ce qui le tracassait, je ne pu m’empêcher de me dire en moi-même:  » pauvre de lui… »

C’est que je savais avant la grande majorité des Béninois, qu’une fois élu, le président Yayi serait un problème pour la presse autant que la presse le serait pour lui. Je l’ai sû un jour de 2004 quand , comme à son habitude, il me téléphona pour échanger un peu sur l’actualité du pays. Mais je sentis très vite que quelque chose n’allait pas. Sa voix était plus rauque que d’habitude.  » Tiburce, tu as vu le journal Fraternité ? Qui en est le propriétaire ?  » . Surpris, je bredouillai quelques mots puis lui demandai de m’accorder quelques minutes pour y jeter un coup d’œil. Le journal était en effet dans le lot des journaux éparpillés sur la table devant moi. J’étais encore au journal « Le Progrès ». Je le pris fébrilement et découvris un petit article en bas de Une, signé Seibou Larry. Ce qui était plutôt rare. Je parcourus rapidement l’article et remarquai le bout de phrase qui , légitimement, provoquait l’indignation de Yayi. Sans raison compréhensible, l’article, dans sa chute, s’en était pris violemment à son physique…! Curieusement je retrouvai le même article à la Une de L’Aurore et signé d’un certain Pierre Kouma. Professionnellement, c’était une grosse faute. Mon confrère et complice dans l’aventure, Serge Loko m’eût été d’une grande utilité en ce moment précis. Il connaissait mieux que moi le microcosme politico-médiatique et avait un niveau d’analyse politique qu’on prenait rarement à défaut. C’était d’ailleurs lui qui fut à l’initiative de l’article publié deux ans plus tôt par le journal  » Le Progrès  » et qui alluma la fusée médiatique Yayi. J’avais d’ailleurs fait geler sur plusieurs jours la publication dudit article en lui demandant chaque jour de me reprendre sa démonstration. Puis un vendredi, le journal lâcha enfin la bombe. Mais Serge était désormais de moins en moins présent à la rédaction. Il s’investissait dans un autre secteur d’activité. Je devais trouver seul les ressources pour parler à Yayi.

Mon embarras fut donc grand lorsque mon téléphone sonna à nouveau et que je vis le numéro de Yayi réapparaître sur l’écran. Volontairement, je le laissai sonner très longuement, le temps de rassembler mes idées. Quand je finis par décrocher, je compris au bout d’une heure de roulement de mer, que notre presse irait devant une confrontation directe après le départ du Général Mathieu Kerekou.

Tout ce souvenir me revint en flash au moment où avec mes deux autres collègues, nous nous séparions sur l’esplanade avec des mous d’impuissance et que chacun prenait la direction de son bureau.

Ce soir sur le plateau de l’Ortb, la grande solution viendrait enfin peut-être de Lionel Agbo. Je me promis de rester calé devant mon téléviseur….

( La suite si l’inspiration y est toujours)

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