Mémoire du chaudron: Épisode 7

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L’ancien Conseiller technique à la communication du président Boni Yayi, Tiburce Adagbè, rend public ses mémoires des faits vécus à la présidence de la République entre 2006 et 2011. Intitulés la « Mémoire du chaudron », les écrits croustillants de Tiburce Adagbè rentrent dans les méandres du pouvoir Yayi. Ainsi, revivez désormais et ce tous les jours à partir de 21 heures, un épisode de ce récit de première main, sur le site internet du Journal Matin Libre

Mémoire du chaudron: Épisode 7

Impossible de remonter à pas de charge l’étroite cage d’escaliers torsadée qui menait au bureau de Charles Toko, à Atinkanmey. Il fallait s’assurer, avant de poser le pied sur la première marche, que personne, du haut, ne faisait mouvement dans le sens inverse. L’étroitesse de la cage d’escaliers était en effet telle que l’un des deux usagers devait patienter que l’autre sorte du toboggan. Quand donc je surgis à l’accueil, au bout de ce drôle de mouvement de tournoiement sur moi-même comme un tire-bouchon dans un morceau de liège, le sourire rafraîchissant de Monique, la secrétaire, ne fut pas la moindre de mes récompenses. Elle m’autorisa à aller directement sonner sur la porte du bureau de son patron. C’est qu’à force de me voir venir là, elle avait fini par ne plus juger nécessaire la protocolaire annonce de visiteur par interphone. De toutes les façons, Charles avait truffé de caméras de vidéo-surveillance, tout le parcours qui montait jusqu’à lui, de sorte que le visiteur averti, avait conscience d’être aperçu depuis qu’il stationnait sur la petite devanture sablonneuse de l’immeuble, souvent encombrée des motocyclettes des journalistes et autres agents du journal Le Matinal. Je m’engageai donc avec reconnaissance dans le couloir qui menait au bureau du DG. A peine étais-je sur le pied de la porte que, dans un bourdonnement épais, celle-ci s’ouvrit.
Charles était là, visiblement affairé sur son ordinateur portatif posé sur la table.  » Hé Tiburce, on est sauvé…walaï », me lança-t-il avant même que j’eusse pris siège en face de lui. « Parle- moi Charles, il semble que les nouvelles sont bonnes ? » questionnai-je.  » Ah oui oui, elles sont même excellentes. Dis-moi, tu ne connais donc vraiment pas Patrice Talon ? », fit-il en se détachant dare dare de son ordinateur.  » Non Charles. J’ai peutêtre déjà entendu parler de ce nom quelques fois. Mais je n’y ai jamais accordé un intérêt. Est-ce lui le propriétaire des camions marqués sur leurs battants arrière des initiaux PT ? » lui demandai-je. Puis sans attendre la réponse, je l’encourageai à lâcher le morceau en me disant ce que ce Patrice venait chercher dans notre affaire et ce que cela changerait concrètement.  » Tiburce, me confia-t-il, tu ne connais pas Patrice mais tu vas le connaître bientôt. C’est l’homme le plus riche du Bénin, mais aussi le plus effacé. Il a décidé de soutenir Yayi Boni. Et il ne fait pas les choses à moitié. Il me l’a confirmé cet après-midi. Il veut qu’on aille désormais très vite. Siège de campagne, budget de fonctionnement sur les six prochains mois « . Je demeurai un moment songeur. Qui était donc ce Patrice Talon et quel intérêt aurait-il à dépenser autant pour un candidat de la bouche de qui je n’avais jamais entendu prononcer son nom ? Avait-il pris langue avec Yayi ? Et si oui, pourquoi celui-ci aurait gardé un silence aussi étanche autour de l’arrivée de ce bon samaritain ?
« Charles, Dieu est grand « , finis-je par dire. » Nous foncions droit dans le mur. La situation sur le terrain devenait intenable ». Mon interlocuteur se leva, s’étira, laissant claquer sèchement ses articulations puis disparut dans la petite salle de toilette dont la porte était juste dans le dos de son fauteuil directeur. Quelques images de call-girls en simple appareil défilaient silencieusement en mode diaporama sur l’écran de son ordinateur placé en biais. Il réapparut quelques instants plus tard dans un vacarme assourdissant de chasse-d’eau tirée. Tiburce, relança-t-il en se rasseyant, je ne vois plus comment on peut perdre avec Talon de notre côté. Maintenant il faut qu’on prenne les choses en mains. Adam Bagoudou et une équipe sont chargés de trouver rapidement un bon local pour le siège de campagne. Pour la communication, je vais demander à Didier Aplogan de se joindre à nous. Tu le connais, non ? Je fis non de la tête. Il est bon, me rassura-t-il, il gère la branche locale d’une grande agence de publicité dont les bureaux sont à cadjehoun. C’est vrai qu’il m’a dit récemment que les gens de Houngbédji lui mettaient la pression, mais il viendra avec nous. Si tu as aussi d’autres personnes de confiance, on étoffe l’équipe. Je peux te jurer sur la tombe de ma maman, que s’il me restait un seul ami à Cotonou, ce serait Patrice. Il m’a aidé à un moment crucial de mon parcours, quand tous ceux sur qui je comptais me mettaient sur répondeur. C’était quand je courais pour lancer le journal Le Matinal. Il m’a fait un chèque de 8 millions sans demander aucune garantie. Et quand au bout du processus de création de la société, j’étais allé lui faire signer les documents consacrant son statut d’associé, il avait décliné l’offre. J’en ai été profondément marqué. Et depuis, je garde avec lui une relation fondée sur le respect mutuel. Je ne lui demande plus jamais rien, alors que je sais qu’il aurait réagit positivement si je le faisais »
Avec le temps de fréquentation assidue que j’avais déjà passé avec lui, je savais que Charles aimait les formules faussement définitives, les grandes affirmations émotionnelles qu’il faisait invariablement cautionner par la tête ou le tombeau de sa maman. Néanmoins, cette présentation qu’il me fit de ses relations avec Patrice Talon me marqua spécialement. « Bon Tiburce, reprit-il, vos faux riches là peuvent maintenant aller se cacher ».  » Charles, répondis-je sur un ton d’humour qui me prenait souvent à l’improviste, n’oublie pas que Tunde lui au moins fait « Papa Mimoune » einh… ». Il éclata franchement de rire. J’eus alors une énième occasion de comparer ses traits avec une caricature de lui, signé du célèbre dessinateur de presse Amoussou Évariste Folly et qui était accrochée sur un mur du bureau. En prenant congé de lui, je continuais de me demander cyniquement si c’était une caricature…ou un portrait.
Je venais à peine de passer le carrefour en face de l’église Saint- Michel, la tête un peu dans les nuages, quand mon téléphone sonna. Sachant que j’en aurais pour au moins trois quart d’heures de conversation, je me donnai d’abord le temps de garer convenablement sur le trottoir. Le téléphone sonna longuement puis se tut. C’était Yayi. J’attendis qu’il rappelle. De toutes les façons, quand c’est lui qui avait besoin de vous, vous n’aviez pas besoin de vous gêner. Et bientôt le téléphone se remit à sonner. Le ton naturel sur lequel il enclencha la conversation me surpris. Patrice Talon avait donné son accord pour lui faire du « tout fourni » et lui ne semblait même pas en être informé ? Quelle affaire !! Je décidai alors, à un moment de la conversation, de prendre le devant et de lui faire le compte rendu de ma rencontre avec Charles. Il m’écouta silencieusement puis, sans faire un quelconque commentaire, changea de sujet. Je sentais pour la première fois qu’une clé de lecture de la situation manquait à mon porteclé. Je ne tarderai pas à la trouver. C’était une clé massive. Une clé infalsifiable. Une clé sans laquelle personne ne pouvait avoir la bonne lecture des dix années de relations Yayi-Talon

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