Noce de diamant de la souveraineté nationale du Bénin «L’art et la culture sont aussi une priorité pour un pays… »

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Marcel Padey est un acteur, entrepreneur et promoteur culturel. Parallèlement, le presque septuagénaire est également un musicologue bien apprécié dans la sous-région et à l’international pour la qualité du travail qu’il effectue. Bref, il est un artiste musicien chanteur à plusieurs casquettes. Avec lui, nous avons passé à la loupe la vie artistique et culturelle du Bénin des années 1960 à nos jours. Il était question de retracer les péripéties, de pointer du doigt les moments de gloire et les périodes de chute libre ainsi que  les éléments qui ont concouru à cela, puis mentionner quelques dispositions à prendre pour corriger le tir. Lisez-le plutôt. 

Matin Libre : Le Bénin s’active à célébrer les soixante ans de son accession à la souveraineté. Dites-nous, de manière rétrospective ce qu’on peut retenir du fonctionnement de la sphère artistique et culturelle du Bénin en générale et celle de la musique en particulier.

 

Marcel Padey : Il faut dire que le 1er août 1960, j’avais huit(08) ans neuf mois. Et je me rappelle que ce jour, il y avait eu un défilé militaire sur l’Avenue Steinmetz.  Ça reste quand même des souvenirs gravés dans ma mémoire. Mais disons qu’à l’époque, on peut voir plusieurs étapes. Il y a eu cette élection du président Hubert Maga qui a connu un coup d’Etat après trois ans de gestion et aussi la vague de coups est intervenue par la suite après celui de Maga. Et comme vous le savez, je suis du secteur musical. Et moi, très tôt, j’ai été plongé dans cet environnement de la musique. Et cette année, il y avait déjà des orchestres qui battaient leur plein.

Poly-Rythmo par exemple ?

Non le Poly-Rythmo n’existait pas encore à l’époque.

Parlez nous en…

Je crois à l’époque, il y avait un orchestre très célèbre qu’on appelle ‘’Las Sondas’’ dirigé par les frères Osho. Je crois que dans cette année, il y avait aussi ‘’Rénova Band’’, ‘’Pipopi Band’’ qui sont des orchestres d’Abomey. Un peu après les années 60, il y avait aussi ‘’Les Supers Stars’’ de Ouidah. Après, on a ‘’Gnonnas Pédro et ses Dadjès’’. Donc, en ces temps-là, nous autres, on jouait aux chauves-souris. On grimpait les murs pour voir les musiciens jouer. Puisque à notre âge à l’époque, nous n’étions pas admis dans les lieux de spectacle. Et aussi, on ne pouvait pas payer les entrées puisqu’on était gamin.  On restait un peu sur les murs pour regarder. C’est vrai qu’on recevait des coups de chicotte dans les fesses mais tout ça alimentait notre passion. Puis progressivement, il y a eu des jeunes qui se sont mêlés de la partie. Dans les années 65, 70, il y avait eu les ‘’Ross’’ dirigés par feu Oscar Kidjo. Il y a eu aussi l’orchestre des élèves dont le nom m’échappe. Voilà ça me vient finalement, c’était ‘’Les Precious Stones’’ dirigé par un guitariste de talent Well Born. A l’époque, moi, je n’avais pas trop envie d’intégrer les groupes parce que je tenais à mes études. Néanmoins, ça ne m’empêchait pas de m’entraîner à la guitare, au piano et d’autres instruments de la musique que j’avais.

 

Il faut souligner qu’à l’époque, tout le monde était tourné vers la Pop musique et on était moins intéressé par les musiques locales.  Je me rappelle que pour les récitals qu’on organisait, le répertoire était essentiellement composé de la pop musique.

Les choses ont progressivement évolué avec l’avènement du Poly-Rythmo qui au départ, était ‘’Le Sony Brass band’’ dirigé par Mèlomè Clément. Entre temps, Clément Mèlomè a rencontré Poly disco qui est un distributeur de disque basé à côté de la mosquée de Jonquet. Celui-ci, en son temps, a eu un béguin pour l’orchestre ‘’Sony Brass Band’’ et donc, l’a pris en charge. Alors, pour honorer la mémoire de ce généreux donateur, l’orchestre a été rebaptisé et est devenu ‘’Poly-Rythmo.

 

Donc ‘’Poly-Rythmo’’ a commencé par travailler sur un répertoire qui touchait considérablement les rythmes de chez nous et aussi nos langues. Je crois que le groupe Poly-Rythmo a été l’un des premiers groupes de musique moderne à travailler sur le ‘’Satô’’.

Je n’ai plus le titre à l’esprit mais si vous fouillez les archives, vous allez retrouver cette œuvre du groupe.  Ces morceaux ont eu énormément de succès. Mais les orchestres auraient pu continuer dans la même lancée qu’ils auraient plus de visibilité à l’international. Le problème qu’il y avait eu à l’époque, je l’ai plutôt situé, c’est que ces orchestres étaient pour la plupart tournés vers l’extérieur. C’est-à-dire que le répertoire est essentiellement composé des musiques Afro-cubaines, des musiques congolaises, etc.  Vous pouvez constater avec moi que jusqu’à maintenant, cette tendance n’a pas changé pour autant.

Et pourquoi c’est comme ça ?

 

Tout simplement parce que les Dahoméens ou les Béninois si vous voulez, vous apprécient seulement par rapport à ce que vous savez de l’extérieur. Tant que vous aurez un discours qui tient seulement sur le local, on dit tout de suite celui-là il ne connaît rien. C’est-à-dire que pour qu’un musicien puisse s’affirmer, il doit être en mesure de reproduire ce que l’extérieur fait. Ce qui a fait que beaucoup de musiciens ont un peu raté leur vocation. Et jusqu’à l’heure où je vous parle, ça piétine encore.  Les gens, à mon avis, n’ont pas encore compris la leçon.

Nous envions le succès des autres mais on ne s’interroge pas sur le travail qu’ils ont fait pour en arriver là. Si vous prenez le cas du Mali, de la Guinée, du Sénégal, ce sont des pays qui ont émergé sur le plan international et dont les artistes sont présents sur les grandes scènes. Ce qui n’est pas le cas du Bénin. Et c’est bien dommage.

Mais quand on porte ces genres d’observations dans des discussions sérieuses, les gens vous disent non, on est libre de faire ce qu’on veut. Si vous êtes libre de faire ce que vous voulez et que ça n’apporte rien, je pense qu’il faut changer de fusil d’épaule. Ça fait partie des difficultés qui sont à la base de la non émergence de la musique et des arts en général au Bénin. Il y a aussi le fait que beaucoup de gens pensent qu’on n’est pas obligé d’étudier la musique. C’est un tort.  Parce que, même si on a du talent, il faut nécessairement aller à l’école de la musique, histoire de connaître les techniques et les rouages quitte à produire une musique capable de faire le tour du monde. Sur ce volet-là, moi, je tiens quand même à attirer l’attention du pouvoir public. Parce qu’il est de la prérogative du pouvoir public de créer des institutions artistiques pour pouvoir former les gens. Il ne faut pas qu’on dise que le pays n’a pas besoin de ça. Le pays a des priorités. Non. L’art et la culture sont aussi une priorité pour un pays. Je pense même que le pays doit même se baser sur le travail des artistes pour renflouer les caisses.

Etant donné que nous ne sommes pas un pays à ressource minière…

Le pétrole dont on nous parle depuis des lustres, je ne sais pas où est-ce que ça se trouve. Je ne pense pas qu’il y ait un seul litre qui ait alimenté quelque chose dans ce pays.

Même pas un gobelet…

On nous parle de l’or de Perma, du fer à Loumbou Loumbou …

Tout ça c’est dans les leçons des cours primaires

Il y a vraiment du travail à faire. Un énorme travail d’ailleurs. Il faut que nos dirigeants songent à créer l’école des beaux-arts. Ça c’est primordial.

De manière comparative, entre ce qui a été fait à l’époque avec tous ces groupes que vous avez évoqués et ce qui se fait aujourd’hui, quelle appréciation vous en faites ?

Je pense que le monde de la musique c’est comme le miel qui attire les mouches. Aujourd’hui la chose évolue incontestablement. Il y a beaucoup de jeunes qui sont rentrés dans le système. Mais faute de repère, ils n’ont pas conscience de l’héritage du patrimoine musical que nous avons. Et n’ayant pas une formation pour pouvoir créer une musique qui soit exportable, ces jeunes aussi se sentent obligés de se tourner vers la musique extérieure. Ça fait que des générations passent mais il se pose toujours un problème et il manque toujours le nécessaire. Le paysage discographique est mort. Et aujourd’hui, les choses se dégradent de jour en jour. Ce ne sont plus les distributeurs qui distribuent les CD mais c’est plutôt les artistes eux-mêmes. C’est parce qu’il n’y a pas un marché contrôlé. Et c’est l’Etat qui est défaillant sur ce point. En fait, je trouve qu’il faut complètement toiletter le système artistique et culturel et le réorganiser complètement pour le bien être de tous.

 

Réalisation : Teddy GANDIGBE

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