Sélection des enseignants à la correction du Baccalauréat au Bénin : Entre fraude et respect des textes

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Dans le rang des enseignants, ça se rumine souvent ces frustrations liées à la désignation de leurs collègues qui prennent part à la correction des copies des examens scolaires nationaux. Même s’ils ne le disent donc pas à haute et intelligible voix, certains se plaignent des cas de favoritisme voire de fraude, qui ont souvent cours dans le processus. La détection d’enseignants fraudeurs vient renforcer et crédibiliser, d’une manière ou d’une autre, les remous. L’organisation des examens, du moins la correction, est pourtant régie par des textes. Que disent ces textes ? Quels sont les cas de favoritisme ou de fraude enregistrés ? Et à quel(s) niveau(x) de la chaîne, pourrait-on situer les responsabilités ? Enquête.

En République du Bénin, autant le Certificat d’études primaires (Cep) et le Brevet d’études du premier cycle (Bepc), la correction des copies du Baccalauréat (Bac) est bien régie par des textes.  Alain Otchèrè, Maitre es Lettres Modernes, Professeur de Français, renseigne sur le profil du correcteur à cet examen: « En ce qui concerne les critères, pour corriger le baccalauréat,  il faut avoir tenu rigoureusement une classe de Terminale pendant trois ans ou cinq ans ; être Professeur certifié ou avoir au minimum la maitrise dans votre spécialité. Maintenant pour des raisons  de manque d’effectifs, on peut retrouver dans certaines spécialités des gens qui ont la Licence  et  qui corrigent le Bac parce qu’il n’y en a pas (…) l’Etat béninois avait fermé les écoles normales supérieures et donc les enseignants n’allaient plus à l’Ecole normale supérieure quand ils sortaient des universités… ». Son collègue Alexandre Adjinan, aussi enseignant de Français, syndicaliste et porte-parole de la Coordination nationale des enseignants pour les travaux du baccalauréat au centre de correction et de délibération au Ceg1 Abomey Calavi, d’ajouter : «  Les diplômes  de la Licence qui continuent d’être acceptés sont notamment les Mathématiques, le Français et la philosophie ». Mais comment en arrive-t-on à être sélectionné pour les travaux de correction du Baccalauréat ? Le chef Service de l’Organisation du Bac, Awanou S. Kouamé retrace le processus : «  La sélection des correcteurs commence par les établissements avec la participation des animateurs d’établissement, des partenaires sociaux, et des directeurs. C’est eux qui proposent des correcteurs au niveau des différentes sous-commissions, soit en Mathématique, soit en Français…, donc les directeurs sur toute l’étendue du territoire avec les acteurs dont je viens de parler, nous envoient des propositions. C’est la première étape. Nous enregistrons toutes ces propositions et nous retournons vers eux pour faire ce qu’on appelle la validation. Donc il ya une séance de validation dirigée par les conseillers pédagogiques, les directeurs et les partenaires sociaux au niveau départemental. Nous nous déplaçons vers eux, et à ce niveau, chaque sous- commission dégage un certain nombre de correcteurs par rapport aux critères qui sont indiqués dans l’Arrêté du 17 mars 2003» (Articles 2 et 3 de l’Arrêté interministériel N°19-2003/Mesrs/Meps/Metfp/Cab/Dc/Sgm/Dob/Bts/Sp portant constitution de la Commission de correction des épreuves écrites, orales et pratiques de l’examen du Baccalauréat du second degré du 17 mars 2003. Il poursuit : « (…) Après, on revient au niveau national et nous faisons ce qu’on appelle l’harmonisation. Donc après les travaux au niveau des départements,  nous réunissons ici, les inspecteurs avec certains partenaires sociaux et les conseillers pédagogiques. Ceux là valident en quelque sorte le travail qui a été fait au niveau départemental. S’il ya des choses à rectifier peut être qu’au niveau départemental, il ya des combines qui ont été faites. Eux, ils peuvent déceler ou détecter parce que les inspecteurs connaissent mieux les enseignants que nous. Les conseillers pédagogiques sont plus proches des enseignants que nous (…) Nous ne sommes pas sensés les connaitre tous. Donc à ce niveau là, au niveau de l’harmonisation, on arrête la liste définitive en tenant compte du nombre de candidats, du nombre de copies au niveau de chaque discipline parce que chaque correcteur a un certain nombre de copies à corriger pendant les trois quatre cinq ou six jours de corrections puisque nous connaissons le nombre du candidat, on connait aussi le nombre de copies par sous-commission et par discipline». S’appuyant sur ce travail en amont, le syndicaliste Alexandre Adjinan estime que « la sélection est faite de façon rigoureuse ».

Et pourtant…

Interpellé sur d’éventuels cas de favoritisme voire de fraude enregistrés malgré les critères fixés et tout le travail de sécurité préalablement fait, Alexandre Adjinan dit n’en avoir pas connaissance. Cependant, nuance-t-il, « il peut avoir des cas d’omissions, il peut avoir des gens qui n’aient pas gardé la classe qu’on a oublié puisqu’ils avaient gardé par le passé et comme ils ne gardent plus mais sont dans le fichier du Bac qui est fait pour être toiletté chaque année, s’il n’ya pas de fautes graves, s’il n’a pas de copies mal corrigées ou vous n’avez pas été interpellé, vous êtes maintenu (…) Parfois il s’avérait que nous enregistrons des cas de fraudes malgré les critères rigoureux mis en place… C’est pour cela qu’il est nécessaire de contrôler les diplômes pour les différents examens ». Parlant de fraude, Alain Otchèrè révèle : « J’ai commencé à corriger le Bac depuis 2011 précisément au centre de correction d’Abomey Calavi. Durant ma première expérience, on a surpris en flagrant délit certains correcteurs faussaires.  J’ai d’ailleurs été remplaçant, j’ai été désigné pour remplacer   quelqu’un comme ça ». L’enseignant de Français mentionne ensuite : « Des cas de fraudes, on enregistre chaque année. On m’a parlé par exemple de faux diplômé au centre de correction de Gbégamey, quelqu’un qui aurait fabriqué une maitrise en Lettres Modernes et qui se serait même fabriqué un CAPES en Lettres, surpris cette année au Ceg Gbégamey à la correction du Bac. Je crois qu’il a été confié à la Police Républicaine. On m’en a parlé, j’ai vérifié et c’était vrai ». Le cas du faussaire du Ceg Gbégamey, en dehors de celui du Lycée Toffa 1er à Porto-Novo qu’il nous a raconté, a particulièrement marqué le chef Service de l’Organisation du Bac : «Celui de Gbégamey, je l’ai reçu ici dans mon bureau. Il est venu me voir pour dire que son oncle tel, qui est un haut gradé de l’armée l’a envoyé vers moi. J’ai dis ton oncle ? C’est faux, il a menti. Je ne le connais pas il ne me connaît pas. Nous sommes certes de la même localité mais il ne peut pas t’envoyer vers moi pour que je t’aide pour la correction. Moi je ne suis pas capable de t’inscrire sur la liste des correcteurs. Pour inscrire quelqu’un, il y a un processus. Si ton établissement ne t‘a  pas présenté, moi  je ne peux pas t’inscrire. Donc c’est comme ça qu’il s’est présenté le jour-là.. Moi, je n’étais plus là. Le jour de la correction, il était venu  pour faire un remplacement parce qu’il y a eu des absents. Donc il voulait remplacer quelqu’un. Il faut rappeler qu’il intervient en tant que vacataire au Ceg Gbégamey. Peut-être en le connaissant on l’a pris. Et on lui a dit qu’en venant le soir ramène nous ton diplôme. Quand il a ramené le diplôme, sa malchance est que la Doyenne de la Flash était superviseur au Ceg Gbégamey et a vu le diplôme et a dit ça, ce n’est pas ma signature ! Il est aussi passé aux aveux. Voilà un peu comment les choses se passent ». Tentant, à son niveau de situer les responsabilités, Alain Otchèrè précise : « Quant au clientélisme dont parle bon nombre .On retrouverait ce clientélisme,  si il ya avait des remplacements à faire. Cela se fait de concert avec les présidents de commissions, les syndicalistes, les superviseurs. Il peut avoir de clientélisme à ce niveau là. Lorsqu’on a voulu remplacer quelqu’un, ne demander pas à un syndicaliste de choisir. Naturellement, il ne va que choisir ou proposer ses proches qu’il maitrise ». Alexandre Adjinan descend à un niveau plus bas de la chaîne et pointe du doigt : « ce sont certains chefs d’établissements qui ne rendent pas la tâche facile aux gens. Nous, on n’est pas censé connaitre tout le monde. En amont un travail doit être fait pour que ceux qui n’ont pas le profil ne soient pas recrutés  pour enseigner et corriger que ce soit, dans le public comme dans le privé. C’est par là qu’il faut commencer le toilettage ». Le porte-parole de la Coordination nationale des enseignants pour les travaux du baccalauréat au centre de correction et de délibération au Ceg1 Abomey Calavi semble avoir raison puisqu’il sera soutenu par un de ses collègue A. H, enseignant de Lettres, qui a préféré garder l’anonymat : «  Moi par exemple au départ, il y a avait une pression. Quand vous finissez la correction, vous êtes obligés de graisser  la patte à celui qui vous a envoyé (…) Et si tu n’arrives pas à leur remettre ça, l’année qui suit, ils ne te positionnent pas. Quand on était jeune, on faisait tout ça. Mais moi, depuis un certain temps, même si mon nom ne sort pas, j’adresse une demande au secrétariat »

Des pratiques qui datent….

A en croire Thierry Dovonou, Syndicaliste, Professeur de Sciences de Vie et de la Terre (Svt) dans les Lycées et Collèges, ces pratiques sont vieilles de près de deux décennies : « Tout a commencé au temps du feu ministre de l’Education  Damien Zinsou Alahassa sous le régime Mathieu Kérékou2. Ce fut un moment triste et Malheureux pour les enseignants que nous sommes. C’est dans cette période que la politique s’est impliquée dans ce secteur purement technique et scientifique…où politiciens, syndicalistes voire des directeurs départementaux marchandent, dans le but de trouver quelque chose à leurs mandants sans niveau requis.»

L’organisation du Baccalauréat notamment les travaux de correction des copies sont bel et bien encadrés par des textes en la matière. Aussi, tout un dispositif sécuritaire pour faire appliquer ces textes. Mais dans la pratique, des failles dues au favoritisme, à la falsification de diplômes, à la corruption. Il va falloir redoubler d’ardeur au niveau de chacun des maillons de la chaine pour une fraude zéro à cet examen qui consacre à l’apprenant son premier diplôme universitaire. L’application rigoureuse de l’Arrêté interministériel N°294/Mesrs/Mesftprij/Dc/Sgm/Ob/Spc du 24 juin 2014 portant répression des fautes, fraudes, tentatives de fraudes et autres infractions à l’occasion de l’organisation et du déroulement de l’examen du Baccalauréat en République du Bénin,  doit être aussi de mise.

Mathieu K. BOKO (Coll)

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