Drépanocytaire et relation amoureuse: Entre stigmatisation, rejet et choc émotionnel, il reste un Cupidon

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(Le bon statut d’abord, l’Amour après)

Peut-on avoir une relation amoureuse heureuse lorsqu’on est drépanocytaire? Le fait d’être drépanocytaire constitue-t-il un obstacle pour le plein épanouissement en couple? Masterclass avec Hermann Langbenon, Eunice Dossou-Yovo et Borel Tossou, tous de génotype SS. Perspicaces, sens de là-propos aiguisé avec en prime une maîtrise soutenue de la langue française, ils nous embarquent…

 

«Il m’est déjà arrivé de rompre une relation parce que mon partenaire de l’époque ne supportait pas mon état de santé. Il n’arrivait pas non plus à être présent lors de mes Crises vaso-occlusives (Cvo). Nous avons dû mettre un terme à notre relation». Et, c’est par cette confession choc de Eunice Dossou-Yovo, 23 ans, célibataire sans enfants que nous levons l’ancre. Drépanocytaire SS, étudiante en Master 2 en Entrepreneuriat et Gestion des Projets, elle ne sombrera pas pour autant. Dur comme fer, elle croit et affirme qu’une personne drépanocytaire n’a rien à envier à une personne saine. «J’ai déjà eu des relations amoureuses et elles se sont pour la plupart bien passées», souligne-t-elle. Et tout comme elle, renchérit  le Politologue, Activiste et Président de l’Association de lutte contre la drépanocytose au Bénin, «De façon réelle, le fait d’être souffrant de la drépanocytose ne peut en rien constituer un obstacle pour le plein épanouissement en situation de couple. Le mariage, c’est pour le meilleur et pour le pire comme on l’affirme si bien». Diagnostiqué SS, porteur de la drépanocytose dès l’enfance, Hermann Langbenon, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’a, selon ses propos, jamais eu de relations amoureuses. Son éducation religieuse agissant par ailleurs. Mais, il lui a quand même été donné de constater une réticence des filles avec lesquelles il a sympatisées ayant senti venir du sérieux. «D’autres fois, l’argument principal pour me décourager, c’est la présentation ou l’information à propos d’un résultat d’électrophorèse incompatible AS, AC…», signifie-t-il du haut de ses 25 ans.

De son côté, Borel Tossou, 33 ans, Hémoglobinopathe SS, Doctorant en Epidémiologie, semble avoir beaucoup plus de la veine. Marié, père d’un enfant, il comptabilise 11 ans de vie de couple. «Particulièrement en amour, je n’ai pas eu de problèmes. Il est vrai, j’ai connu des ruptures mais l’initiative venait souvent de moi… Je vis très heureux en couple», lâche le Docteur qui poursuit, «Je vis mon amour correctement, je fais tout ce que quelqu’un de normal peut faire. J’ai ma femme, on s’entend bien, on se comprend. Il arrive qu’il y aient des problèmes tout comme dans un couple où il n’y a pas de drépanocytaire. Dans mon couple, on communique beaucoup, on parle beaucoup. Je vis bien. La seule différence, c’est qu’il peut y arriver que le drépanocytaire fasse des crises. Mais si la personne prend bien soin d’elle-même, elle n’a plus de crise. Je remercie Dieu, je ne fais plus de crise». Un drépanocytaire vit donc l’amour de la même manière qu’une personne lambda, complète Eunice Dossou-Yovo. Des moments heureux et malheureux jonchent toujours les relations mais on trouve le moyen de continuer à essayer.  Nous arrivons à faire tout ce qu’un être humain peut faire peut-être avec une certaine modération, va-t-elle notifier. De surcroît, mis à part quelques rares cas liés à d’autres diverses raisons dont la fatigabilité du drépanocytaire, la mauvaise prise en charge ou les complications de la maladie, la drépanocytose en elle-même n’a pas d’impact sur la procréation, ni sur la sexualité en couple, atteste Hermann Langbenon. Nonobstant, reconnaît Borel Tossou, la majorité des drépanocytaires ont cette difficulté de vivre une relation amoureuse sûre et stable. A l’entendre, ce statut de drépanocytaire constitue un frein pour plusieurs d’entre-eux. «Il y en a qui ont de difficulté à trouver le ou la conjoint(e) idéal (e) et souvent, quand ton conjoint est informé de ton statut, il te dit qu’il ne peut plus continuer. Et ça choque. Moi je n’ai pas eu cette malchance», révèle-t-il.

Les préjugés, le nœud gordien

D’après nos observations, si des drépanocytaires sont sceptiques quant à se lancer dans une relation amoureuse, ou que des parents ou personnes saines redoutent une vie conjugale avec eux, les préjugés y sont pour beaucoup. S’ils ne sont pas prédisposés à une longue espérance de vie, leurs crises seraient contagieuses, etc. « Je ne veux pas perdre mon mari le plutôt possible ». Une phrase qui généralement revient en boucle. «On dit souvent qu’on ne vit pas longtemps. Des parents dont l’enfant a la drépanocytose, l’obligent à vite avoir d’enfant pour assurer sa descendance. Si je devrais faire la volonté de mes parents, j’aurais eu d’enfant depuis la classe de première ou terminale. Les drépanocytaires sont stigmatisés. Ce qui fait que des gens ont peur de se mettre avec eux», confie Borel Tossou. Le témoignage raconte d’ailleurs qu’une drépanocytaire à 14 ans, a été contrainte par ses parents à avoir son premier enfant. Pour eux, il fallait qu’elle prépare sa descendance du moment où, les drépanocytaires meurent vite. A 16 ans, elle eut le second et une année après, trépasse.

Coïncide, fruit du hasard ? En tout cas pour Eunice Dossou-Yovo, tout être humain connaît des épisodes de maladie et ce n’est pas toutes les fois qu’un drépanocytaire meurt que c’est forcément la drépanocytose qui l’a tué. Citation : «Certains drépanocytaires sont morts dans des accidents de circulation, d’autres dans des crises d’asthme, etc. Certaines personnes ont dit à mes parents que je ne vivrai pas longtemps. Me voici 23 ans en pleine forme et quand je ne le dis pas, personne ne peut deviner que je suis drépanocytaire. Il convient de dire qu’il y a beaucoup de mythes autour de la drépanocytose et des drépanocytaires. C’est prouvé scientifiquement que le fait de faire des enfants ne diminue en rien le statut d’un malade». C’est aussi un mythe, fait-elle observer, de croire que le fait d’enfanter très tôt diminue les Crises vaso-occlusives ou la fréquence de la maladie. «C’est totalement faux», soutient Eunice Dossou-Yovo. A l’écouter, l’organisme ne diffère pas. Il n’y a que le bon suivi médical, la prise des médicaments et de l’eau, ainsi qu’un bon état d’esprit pour vaincre cette maladie.

S’agissant de l’espérance de vie, Hermann Langbenon, Président de l’Association de lutte contre la drépanocytose au Bénin affirme qu’il connaît des personnes souffrant de la drépanocytose et qui sont déjà au delà de la soixantaine. Pour lui, ceux qui font une rupture pour raison de drépanocytose chez l’un des partenaires ou conjoints sont soit, très mal informés sur la maladie ou soit, ne sont pas endurants en couple. «De nos jours, une prise en charge médicale adéquate peut permettre aux personnes drépanocytaires de vivre assez longtemps même si au Bénin, il urge néanmoins d’améliorer le plateau technique et de spécialiser le personnel médical relativement à la drépanocytose et que  la prise en charge soit accessible à tous même aux malades démunis sur l’ensemble du territoire national», déclare-t-il. Et, tout en exprimant sa désolation quant aux mariages précoces et forcés que certains parents s’évertuent à arranger au nom de la drépanocytose, Hermann Langbenon condamne fermement ce phénomène car, insiste-t-il, les couples doivent se former sur la base de consentement mutuel et éclairé des conjoints. Les drépanocytaires ont droit à l’Amour.

Mais pas d’Amour à l’aveuglette !

La création d’un site de rencontres où les drépanocytaires peuvent tomber sur la perle rare reste un projet du Doctorant   en Epidémiologie, Borel Tossou.  Seulement, des b.a.-ba s’imposent. Pas d’Amour à tâtons chez le drépanocytaire. «Je me disais toujours une chose. Soit, je trouve la bonne personne, celle qui n’a pas les traits de drépanocytose soit, je ne me marie pas. J’ai rompu avec des copines à moi parce qu’après examen, elles ne sont pas homozygote AA. Je conçois mal ma progéniture souffrir toutes ces douleurs que j’ai eues. Un drépanocytaire ne peut pas se précipiter pour se marier. Ce n’est pas une question de : Je l’aime, je suis amoureux ou amoureuse», souligne-t-il. Pour lui, le drépanocytaire choisit d’abord quelqu’un qui a un statut normal et après, l’amour peut venir. «Il faut choisir le bon statut, l’amour viendra après», conseille-t-il. D’où, dès l’entame de toute relation, le test de l’électophorèse. «C’est la première étape qu’il faut suivre avant de s’engager avec un homme ou une femme quand on est drépanocytaire», recommande Eunice Dossou-Yovo. Ensuite, «il faut prendre soin de soi, boire son eau salée et ses médicaments rigoureusement tous les jours, se protéger en période de fraîcheur et bien s’hydrater. À tout cela, il faut ajouter la prière et les pensées positives. Nous sommes des créatures de Dieu, il nous aime et il prend soin de nous», croit-elle.

En de termes plus clairs explique Hermann Langbenon, la drépanocytose étant une maladie génétique handicapante (mais aussi invisible) et non contagieuse, les unions entre porteurs de la drépanocytose (SS, SC) et personnes saines (AA) ont des avantages tels que la réduction du taux de prévalence de la drépanocytose avec la naissance d’enfants qui ne seront que des porteurs sains (AS, AC) et l’amélioration de la santé mentale et physique du partenaire atteint de la drépanocytose. Son conseil pour les jeunes drépanocytaires hésitant à s’engager est d’être alors courageux. «N’ayez pas peur de faire connaître votre génotype dès l’entrée d’une relation amoureuse. Ne baissez pas les bras car d’une manière ou d’une autre, vous finirez par trouver le vrai amour. Cela pourrait prendre du temps car les meilleures choses ou évènements dans nos vies prennent parfois du temps mais, certainement des partenaires qui ont une ouverture d’esprit et qui ne jugent ni sur l’apparence, ni sur les potentielles difficultés finiront par accepter. N’oublions juste pas de sensibiliser sur la maladie, de déconstruire les rumeurs et de s’aimer soi-même. Ainsi, plusieurs finiront par se familiariser», lance-t-il comme appel.

Par dessus tout, soutiennent nos trois vaillants, il est également nécessaire que le/la conjoint (e) du drépanocytaire soit d’une aide pour lui, pour le motiver et lui donner l’envie de se battre chaque jour pour être en pleine forme. C’est dire qu’au delà de la dimension scientifique de l’obligation de s’unir avec une personne de génotype AA, l’on recommande ainsi aux drépanocytaires de s’unir avec des partenaires capables de leur apporter ce qui leur manque contrairement aux amours conditionnels. C’est vrai, relativise Hermann Langbenon, «tout ne peut pas être rose en considérant l’état sanitaire fragile du partenaire porteur de la drépanocytose mais, quand on est bien informé avant l’union conjugale, l’on peut s’apprêter surtout psychologiquement à surmonter ensemble les difficultés, c’est aussi ça le vrai amour. Tant que la personne drépanocytaire se sent épanouie dans le couple et est bien acceptée par son/sa partenaire, elle n’a plus rien à envier. Je qualifie cela de couple idéal. J’ai déjà vu plusieurs couples du genre». En effet, avec un esprit de compréhension et de la patience, le membre sain du couple peut aider l’autre membre atteint de la drépanocytose à empêcher la survenue des crises douloureuses par le respect des prescriptions médicales et l’évitement des facteurs déclenchants, souligne le président de l’Association de lutte contre la drépanocytose au Bénin. Dans un élan de complémentarité, le soutien moral, affirme-t-il, vient renforcer l’équilibre émotionnel du partenaire malade. Et c’est bien cela que d’aimer. N’est-ce pas ?

Cyrience KOUGNANDE

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