Berlinale 2022: «Au Mexique, la violence est une tragédie qui vit avec nous»

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Robe of Gems est l’un des favoris pour l’Ours d’or de cette 72e édition de la Berlinale. Et si vous vous sentez pris à la gorge, voire atteint physiquement par le cinéma de Natalia Lopez Gallardo, ce n’est pas un hasard : « Je considère que le cinéma est une expérience », affirme la réalisatrice mexicaine.

 

En lice pour l’Ours d’or, Robe of Gems pourrait être traduit par : « Une robe de joyaux ». Un titre poétique et idyllique qui cache pourtant une violence et une cruauté rares. Natalia Lopez Gallardo, 42 ans, s’affiche déjà dans son premier long métrage comme une maître du suspense. Et pour cause : elle a par le passé travaillé avec les plus grands cinéastes mexicains, comme sur Heli, d’Amat Escalante, ou Post Tenebras Lux, de Carlos Reygadas. Dans son propre film, Natalia Lopez Gallardo raconte l’histoire de trois femmes marquées par une violence aussi intangible et mystérieuse qu’omniprésente, traversant toutes les couches de la société mexicaine.

RFI : Chaque fois quand un film mexicain est sélectionné dans un grand festival comme Cannes, Venise ou aujourd’hui à Berlin, on a le sentiment que le spectateur a droit à une histoire de violence incroyable. Le cinéma mexicain est-il viscéralement lié au phénomène de la violence ?

Natalia Lopez Gallardo : Je pense que chaque pays a sa réalité et sa société, et qu’il a ses propres problèmes, sa propre obscurité et sa propre lumière. Dans des films allemands, on parlera peut-être beaucoup de la solitude… Au Mexique, nous exprimons cette violence parce que c’est une tragédie qui vit avec nous depuis tant d’années. C’est pourquoi toutes les personnes qui créent au Mexique se sentent affectées par la violence dans une certaine mesure.

Les façons de décrire ou d’aborder le problème sont très différentes, mais le problème est si profond et l’affectation est très grande, même si je pense que nous devons en parler. Ce n’est pas parce qu’il y a une « tradition » de la violence au Mexique, non, c’est parce que quelque chose se passe au plus profond de la société, au point que nous avons cela en nous.

Dans Robe of Gems, le spectateur a le sentiment de tout savoir sur cette famille, même si vous donnez très peu d’informations concrètes sur ses membres. Tout passe par les ambiances et les rencontres autour de cette famille. Le principal protagoniste du film, est-ce la famille ou plutôt le pays ?

Je voulais faire un film sur un petit univers. Je ne peux parler que du contexte social à travers des expériences d’une violence que j’ai connue dans ma vie. Et j’ai vécu à la campagne mexicaine. Donc, je peux parler à travers cette expérience. Ensuite, je voulais construire une sorte de groupe, pour créer une configuration où l’on parle de certaines idées, mais qui ne soit pas centrée sur un seul personnage ou un seul point de vue. J’ai essayé de faire le portrait d’une atmosphère. Une atmosphère qui imprègne un espace, un univers.

Quand on regarde les couleurs, les lieux, c’est un voyage merveilleux auquel vous nous invitez. Mais très vite, tout est submergé par la violence. Il n’y a aucun espoir, aucune justice, aucune innocence, aucune sortie possible. À l’image du jardinier constatant de façon laconique : « Chaque lieu est un bon lieu pour mourir. » Robe of Gems est-il un film d’horreur ?

Quand un ami a regardé la scène d’ouverture, il m’a dit : « C’est un conte de fées et d’horreur ». Bien sûr, c’est le portrait de quelque chose qui est sous-jacent et qui imprègne tout. Lorsque j’ai commencé le film, j’ai eu un sentiment d’abandon et un sentiment de peur de l’avenir, de ne pas avoir un avenir commun en quelque sorte.

Ensuite, j’ai fait confiance à ces idées et à ces impulsions. Je voulais qu’elles imprègnent tout le film. J’ai pensé à cela tout au long du film. Mais le Mexique est un endroit très complexe. Je ne voulais pas montrer des choses frontalement. J’avais besoin de montrer les choses de côté. En quelque sorte, j’avais envie de montrer tous les points de cette « étoile ». Et c’est une « étoile » très complexe.

Vous prenez beaucoup de temps pour nous installer dans des ambiances. Vous nous donnez beaucoup de temps pour entrer dans des atmosphères pour que nous, les spectateurs, puissions imaginer des choses. Peut-on dire que vos images ne sont pas projetées pour être regardées, mais pour donner du temps et pour ouvrir des espaces pour notre imagination ?  

Oui. Je considère que le cinéma doit aller bien au-delà du simple fait de raconter des faits pour créer une histoire. Je considère que le cinéma est une expérience. Une expérience qui est très liée au corps, au corps physique, parce que nous vivons le présent à travers le corps. Et dans le système narratif auquel nous sommes habitués aujourd’hui, parce qu’il est omniprésent, c’est un récit basé sur ce qui va arriver, une sorte d’anxiété à propos du futur. Et il y aura une récompense à la fin.

Mais si vous cherchez une récompense, vous oubliez le présent. Vous oubliez votre corps. Et je pense qu’aucune expérience humaine n’est vraiment linéaire et directe : ni la mémoire, ni les rêves ou les expériences physiques. Mon but était de créer une atmosphère pour me rapprocher du cinéma auquel je crois. Et le cinéma auquel je crois est celui qui crée à travers le langage cinématographique une expérience. Une expérience liée à l’intuition et que vous pouvez ressentir avec vos propres valeurs et votre propre perception de la vie. Même si c’est un personnage bien conçu, ce n’est qu’un personnage en quelque sorte.

 

rfi.fr

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