Adaptation théâtrale du roman ‘’Les Fantômes du Brésil’’ : L’hystérisme d’une histoire qui écrase des destins florissants
(Une invite à la prise de conscience pour le bonheur de la postérité)
La compagnie de théâtrale ‘’Africapsud’’, sur ‘’Tous au Fitheb’’, a donné, mercredi 17 juillet 2019, un spectacle du texte romanesque de Florent Couao-Zotti intitulé ‘’Les fantômes du Brésil’’. Ce roman au programme dans les établissements scolaires du Bénin a savamment subi une adaptation qui charrie leçon de vie et dresse des dessous sales d’une histoire têtue de la communauté ‘’Agouda’’ face aux autres collectivités autochtones.
La trame retrace l’histoire de deux communautés basées dans la cité des Kpassè, Ouidah. L’une est constituée des descendants des esclaves déportés au Brésil et revenus sur la terre natale après métissage, ‘’les Agoudas’’. L’autre, ce sont les autochtones, sinon la souche qui est restée après l’obscure période de l’esclavage. Et depuis la nuit des temps, aucune conciliation n’est tolérée entre ces deux communautés qui semblent être opposées par une haine viscérale alimentée par les afro-descendants qui se convainquent de ce qu’ils ont été objet d’une haute trahison de la part de leur propre frère de sang. Et ce nœud de l’histoire conduit ces Agoudas à développer en leur sein, un orgueil doublé d’un égoïsme frontal contre leurs frères qu’ils sont venus retrouver à Ouidah. Il n’est pas question pour les fils et filles des deux communautés de chercher à nouer une quelconque liaison d’amour. Sinon, le sort final c’est la mort qui est réservée aux deux tourtereaux.
Mais c’est à cela que la tragi-comédie s’est tenue…
Un Roméo et une Juliette à l’africain est né dans la scène. Anna Maria do Mato et Pierre Kouassi, deux enfants issus des deux communautés, sont saisis dans l’engrenage d’une fièvre sentimentale imparable. Ils étaient fous amoureux l’un de l’autre. Mais le clou de cette aventure ambiguë est le gros obstacle que constituent les parents d’Anna Maria. Pour eux, cette union naissante ne doit même pas s’éclore. Puisque la tradition Agouda la considère comme une bâtardise et un sacrilège qu’on doit étouffer à tout prix. « A ceux qui ont été à la base du commerce qui a emporté nos parents on ne doit servir le moindre sourire, encore moins tolérer une quelconque liaison », scande avec rage à l’unisson, les frères do Mato. Pierre Kouassi (joué par Justin Ahouétohou) se verra heurter à un ouragan venant de la famille do Mato. Avertissement verbal, complicité d’assassinat, menaces de tout genre, bastonnade dans les embuscades et autres coups ignobles ont fait le drap de la foudre subie par le pauvre. Quant à Anna Maria (joué par Ariane Houndjo), elle a été de son côté objet de toute sorte de manipulation et de pression : physique, morale, psychologique pour renoncer à son entreprise sentimentale. « Tu sais de quelle famille tu es venue. Tu as oublié ton passé. Tu as décidé de livrer la batail la plus rude de ta vie. Mais elle est perdue d’avance. Parce que je serai là. Ou à défaut, je vais demander à tes frères de te ramener à raison. Tu veux salir notre race. Tu viens à peine de sortir de ton âge de pipi et tu parles d’amour, tu en sais quoi ? Derrière toi il y a des générations et des générations de da Santana » vocifère Mère do Mato toute brulante de colère contre sa fille. La vieille mère do Mato, maman d’Anna Maria (joué par Louissette Amoussouvi), avec le poids de âge s’efforce tout de même de menacer sa fille, de la frapper quelques fois de coup mous ou à défaut demander à ses frères et oncles de s’occuper d’elle.
Mais l’amour était plus fort que l’orgueil aveugle…
Les deux tourtereaux ont réussi contre vents et marées à consommer le fruit défendu dans une atmosphère cousue d’amertume et d’atrocité presque démentielle. Et dans l’ambiance déconcertante des charges et menaces venant de toute part, les amoureux n’ont écouté que la voix de leur cœur. Par finir, c’est une mort par noyade qui a fait triompher ce destin juvénile dans l’au-delà.
Cette mise en scène d’Amah Ebénizer Codjovi, qui était dans le rôle du commissaire sur la scène, expose un essentiel à retenir. Il s’agit de la priorité que l’on doit donner à l’humanité dans cette histoire qui dure depuis des siècles afin d’ouvrir, non seulement, une nouvelle porte de paix mais aussi pour explorer un nouvel horizon de fraternité pétillant de convivialité et d’espoir. Le passé doit être enterré définitivement pour laisser place à l’épanouissement de la postérité.
Teddy GANDIGBE